Les marques face aux nouveaux modes de consommation

22/10/2015

C’est une vague de fond : la moitié des Français se tournent désormais vers l’économie collaborative. Des géants en émergent : la valorisation d’Airbnb dépasse maintenant la capitalisation boursière d’Accor. Comment les marques traditionnelles s’adaptent-elles pour rester dans la course ? Initiatives, interview et regard d’expert.

12 marques qui expérimentent de nouveaux business models

La consommation collaborative a le vent en poupe. Covoiturage, location entre particuliers, achat ou vente d’articles d’occasion… D’après une étude du Credoc, 47 % des Français ont eu recours à une de ces nouvelles formes de consommation en 2014. Et ce n’est que le début du phénomène. Selon le cabinet de conseil PwC, l’économie collaborative est passée d’un chiffre d’affaires mondial de 3,5 milliards de dollars en 2012 à 15 milliards cette année. Et cette « sharing economy », ou économie du partage, pourrait atteindre 335 milliards d’ici à 2025.

L’évolution des modes de consommation a vu l’émergence de nouveaux géants. La valorisation d’Airbnb (18 milliards de dollars) dépasse désormais par exemple la capitalisation boursière d’Accor (11 milliards d’euros). Ces nouveaux concurrents, et ces nouvelles aspirations des consommateurs, pour qui l’usage prime désormais sur la propriété, sont souvent perçus comme des menaces par les marques. C’est la peur entre autres de se faire « ubériser ».

Pourtant, des réponses existent. Nous nous sommes intéressés à 4 façons dont les marques s’adaptent :

– en développant un modèle de location de leurs produits ;

– en facilitant les échanges de services entre leurs clients ;

– en structurant le marché de l’occasion sur leur secteur ;

– en prenant des participations dans des start-ups.

 

Développer un modèle basé sur la location

1) A New York, General Motors propose des voitures en partage pour les habitants d’un immeuble

 

Aux Etats-Unis, les immeubles sont souvent dotés de services collectifs pour les résidents. C’est par exemple la présence d’un concierge, qui rend bien plus de services que son homologue français, ou encore l’existence d’un espace partagé dédié à la « laundry ». Et si demain s’y ajoutait une flotte de voitures à disposition des habitants ? C’est l’expérimentation que vient de lancer General Motors dans un immeuble de New York, le Ritz Plaza, situé à côté de Times Square.

L’idée : proposer aux 479 résidents de l’immeuble 8 Chevrolet en location. Les voitures sont stationnées dans le parking en bas de l’immeuble, et se réservent via une application. Les résidents ont droit à trois heures gratuites par mois, et ils paient ensuite 9 dollars par heure, 75 dollars pour la journée complète. Ils bénéficient aussi du parking gratuit dans 200 garages de Manhattan, gérés par un partenaire de ce programme intitulé « Let’s Drive NYC ».

En testant ce service, General Motors s’éloigne de son métier de base, la vente de voitures. Mais même aux Etats-Unis, les embouteillages découragent les habitants des grandes villes à acheter un véhicule. Il semblerait, par ailleurs, que les participants à ce programme apprécient de louer des voitures spécialement entre voisins. General Motors pourrait étendre cette opération, avec de nouvelles annonces attendues pour le premier trimestre 2016.

Plus d’infos : Brandchannel

2) Seb se lance dans la location d’appareils culinaires

Depuis le 23 septembre, Seb expérimente sur l’agglomération de Dijon un service de location d’appareils culinaires, intitulé Eurêcook. Appareil à raclette, sorbetière, « kitchen machine »… 28 appareils sont proposés à la location, de 1 à 7 jours. Ils peuvent être récupérés dans 7 points de retrait, essentiellement des magasins du groupe Casino, partenaire de l’opération. Une fois utilisés, les appareils sont nettoyés, testés et réemballés par l’entreprise d’insertion Envie. Cette initiative bénéficie également du soutien de l’Ademe.

« Eurêcook nous permet d’expérimenter un nouveau business basé sur l’économie circulaire qui favorise l’utilisation plutôt que la possession », précise au Figaro Joël Tronchon, directeur développement durable de Seb. C’est aussi un moyen pour les consommateurs de tester un appareil avant d’en faire l’acquisition.

Plus d’infos : Le Figaro

3) Boulanger a créé une filiale de location

Boulanger est un des pionniers des services de location : depuis 2010, sa filiale Lokeo propose des produits électroménagers et multimédia en location longue durée. Début 2015, ce loueur 100 % en ligne affirmait détenir un portefeuille de 8 000 clients louant 16 000 appareils.

Plus d’infos : Les Echos

4) Même Apple se lance dans la location de ses nouveaux iPhone

C’était une des annonces de la keynote de septembre dernier d’Apple : aux Etats-Unis, la nouvelle génération d’iPhone est aussi disponible par abonnement, à partir de 32$ par mois, permettant de renouveler son téléphone chaque année. Ce service intitulé « iPhone Upgrade Program » devrait être étendu au reste du monde.

C’est un nouveau business model pour Apple, qui répond à un double phénomène auquel sont confrontés les fans de la marque. D’une part, la sortie d’un nouvel iPhone tous les ans rend difficile de devoir acheter en permanence un téléphone pour ceux qui veulent être à la pointe de l’innovation. D’autre part, les téléphones sont de moins en moins subventionnés par les opérateurs. Résultat : en France, par exemple, les reventes d’iPhone 6 d’occasion ont accéléré fin septembre avec la sortie du nouveau modèle 6S.

La Fnac a anticipé sur ce phénomène en proposant depuis 2014 une offre de location-vente pour les produits Apple. Ce mode de financement s’est depuis étendu à d’autres appareils high-tech, récemment les appareils photos.

Plus d’infos : L’usine digitale

 

Faciliter les échanges de services entre clients

5) Darty ouvre une plateforme communautaire d’entraide entre ses clients

 

Darty a lancé en avril dernier sur son site Darty.com une communauté d’entraide autour des produits commercialisés par l’enseigne. Les internautes peuvent y poser des questions sur le fonctionnement d’un produit, et les possesseurs de l’appareil concerné leur apportent une réponse. D’après le site e-marketing.fr, ce service compte aujourd’hui plus de 1 million d’utilisateurs ayant posté 30 000 questions pour 93 000 réponses, soit une moyenne de 3 réponses par question. Dans la vidéo ci-dessus, Olivier Godard, directeur e-commerce de Darty, donne l’exemple de questions autour du thermomètre d’une pompe à bière ou de la façon de faire cuire un poulet dans un four sans tournebroche.

Pour Jean-Christophe Hua, le PDG de Wibilong qui fournit la plateforme technique, « l’expérience des consommateurs comme experts et garants est primordiale. Vendre un produit demain qui n’aura pas de communauté clients deviendra difficile. Le consommateur va redevenir le premier prescripteur ».

Plus d’infos : Le furet du retaile-marketing.fr

6) Castorama facilite le troc de compétences

Castorama multiplie les initiatives en faveur de l’économie collaborative. L’ambition, selon le directeur marketing de Castorama, Guillaume Dumarché, est de « devenir le leader dans l’amélioration de la maison en construisant une communauté de passionnés, qui partage des savoir-faire ». L’enseigne de bricolage propose par exemple le site Troc’Heures, permettant aux particuliers de s’échanger des heures de services. C’est le principe du troc, avec des heures de jardinage contre des heures de plomberie, ou un coup de main en décoration contre des conseils en électricité.

Castorama a aussi lancé Wiki for home : sur le modèle de Wikipedia, cette plateforme se présente comme « la première encyclopédie libre et collaborative sur la maison et le bricolage ».

D’après le Journal du Net, Castorama prépare également un « SAV 3D » qui permettra aux consommateurs d’imprimer en 3D les pièces détachées des produits de sa marque propre, dont les plans vont être passés en licence libre.

Plus d’infos : 20 minutes

7) Mr Bricolage lance un site de location d’outils entre particuliers

Autre enseigne de bricolage, mais même volonté de prendre pied dans l’économie collaborative. Depuis avril dernier, Mr Bricolage propose un site intitulé La Dépanne qui permet aux particuliers de se louer entre eux des outils de bricolage. Pourquoi l’enseigne prend-elle cette initiative, qui risque de pénaliser les ventes de ses magasins ? « L’économie du partage est une lame de fond, qu’on le veuille ou non. Autant surfer dessus », répond son PDG.

Le site s’inscrit dans une stratégie « web to store » : Mr Bricolage, qui ne prend pas de commission sur les transactions, accorde des points aux utilisateurs du site, qui donnent droit à des bons d’achat en magasin. L’objectif est aussi de rajeunir la clientèle de l’enseigne.

Plus d’infos : Le Hub de La Poste

8) Go Sport propose également un service de location entre particuliers

Go Sport a également lancé cette année un service permettant aux particuliers de se louer entre eux du matériel sportif : vélos, raquettes de tennis, skis, canoës, tentes, etc. L’approche diffère toutefois de celle de Mr Bricolage : Go Sport prend, lui, une commission de 20 % sur le montant des locations. En échange, l’enseigne fournit une assurance sur les biens loués et gère le paiement en ligne. Sur le principe d’une marketplace, le site est aussi ouvert à des professionnels qui souhaitent louer à des particuliers.

Plus d’infos : BFM Business

 

Structurer le marché de l’occasion

9) Vide-dressing au BHV

Le BHV Marais a organisé en février dernier un vide-dressing de grandes marques. Ce type d’événements se déroule désormais régulièrement dans les grands magasins et centres commerciaux, organisés notamment à Paris par Secrets de Commode. Avec un principe très simple : les vêtements sont évalués par des « modeuses » de cette jeune entreprise, et achetés immédiatement en bons d’achat. Secrets de Commode revend ensuite les vêtements collectés sur son site web, ou lors de « dressing party ». Les consommateurs-recycleurs partent eux faire leur shopping dans le grand magasin avec les bons d’achat.

10) Decathlon digitalise le Trocathlon

Le Trocathlon s’apprête à fêter ses 30 ans ! Le premier dépôt-vente d’articles de sport organisé par Decathlon remonte en effet à 1986. Une formule qui a fait ses preuves : les articles d’occasion sont expertisés par des conseillers Decathlon, et si un acheteur se manifeste, les vendeurs reçoivent 100 % du prix sous forme de bons d’achat Decathlon.

Grande nouveauté en 2015 : le Trocathlon n’est plus uniquement un rendez-vous biannuel en magasin, c’est aussi désormais un service disponible toute l’année sur internet. Les particuliers déposent leur annonce sur le site dédié, et la rencontre avec l’acheteur se fait ensuite en magasin.

Plus d’infos : Trocathlon.fr

11) Un dépôt-vente géré par Habitat aux puces de Saint-Ouen

En 2013, Habitat a ouvert un magasin vintage aux puces de Saint-Ouen, consacré à la revente des meubles et accessoires issus des collections des années 1960 à 1990. L’endroit fonctionne sur le principe d’un dépôt-vente, les objets proposés étant vérifiés et validés par Habitat.

Plus d’infos : Habitat Vintage

 

Prendre des participations dans des startups

12) La Maif veut devenir le partenaire de référence de l’économie du partage

La Maif a crée une structure d’investissement, Maif Avenir, dotée d’une enveloppe de 125 millions d’euros, afin de financer des start-ups de l’innovation, du digital et de l’économie collaborative. Elle a ainsi notamment investi dans des plateformes d’échange d’objets (Mutum), d’échange de logements (Guest to Guest), de réparation d’urgence (MesDépanneurs) et de cobanking (Payname). La Maif est aussi partenaire de Koolicar, une start-up de location de voitures entre particuliers.

Objectif : se préparer à assurer les nouvelles formes de consommation. Bérenger Billerot, chargé à la Maif du partenariat avec Koolicar, explique  : « Aujourd’hui à la Maif, nous assurons la propriété. Mais les mentalités changent, les modes de consommation également. Nous sommes obligés de suivre le mouvement, il va falloir que nous construisions de nouvelles offres calibrées sur l’usage de la voiture et pas uniquement sur sa propriété. Nous jouons déjà notre futur rôle référent dans l’économie collaborative. »

Thomas Olivier, responsable économie collaborative et pratiques émergentes à la Maif confirme : « Après BlaBlaCar, dans le covoiturage dès 2007, puis Koolicar, nous avons décidé d’assurer Carnomise ou Travelercar, des spécialistes de location entre particuliers et de parking, notamment dans les aéroports. Désormais, nous élargissons notre offre à tous les secteurs. Nous voulons entrer dans le monde des nouveaux usages. »

Plus d’infos : Le MondeLes EchosLa Nouvelle République

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