« Les hackathons ont déjà connu plusieurs mutations »

22/09/2016

Créée il y a six ans, BeMyApp revendique l’organisation de 650 hackathons dans le monde. Son cofondateur et marketing manager, John Karp, revient sur les différentes évolutions qu’ont déjà connues les hackathons. Il prévoit aujourd’hui une nouvelle étape d’événements permettant d’aller encore plus vite dans la mise au point de l’innovation. Son credo : le « test and learn ».

John Karp

BeMyApp indique avoir participé à l’organisation de 650 événements de type hackathon dans plus de 20 pays. Comment est née cette aventure ?

John Karp : Nous avons organisé nos premiers hackathons dans la Silicon Valley il y a six ans. C’était la première vague de ce type d’événements. Les clients étaient des entreprises technologiques, comme Samsung, Google, Intel, Microsoft ou encore Nokia à l’époque, qui voulaient se rapprocher de la communauté des développeurs. La demande était importante, et nous a permis de nous positionner comme une agence dédiée à la relation développeurs, autour d’un produit-phare, le hackathon. Ce type de hackathon pour des marques technologiques continue d’exister, le besoin de nouer des relations avec les développeurs restant très fort. Mais le phénomène a muté. Aujourd’hui, le hackathon est devenu un nouveau moyen d’innover, faisant partie intégrante des processus des entreprises.

Comment les hackathons ont-ils muté ?

Il y a trois ans environ, nous avons participé à l’adaptation de ce format pour des entreprises traditionnelles, dans les secteurs de la banque, de l’énergie, de l’industrie, des services, etc. Face à la complexité en interne pour innover, une entreprise se tourne vers un écosystème externe de startups et de développeurs, et lui soumet sa problématique pour faire émerger rapidement une solution. Cela a contribué à la deuxième vague du mouvement : des hackathons d’open innovation, ou hackathons externes.

Mais un hackathon seul ne suffit pas. S’il n’y a pas d’accompagnement pour les projets qui ont émergé, le soufflé retombe. Nous aidons donc les entreprises à monter des programmes d’incubation éphémères. C’est essentiellement de la gestion de projets, permettant à des startups d’aller au bout de leur idée avec des grands comptes. Ces deux univers n’ont pas les mêmes codes, et il faut les aider à s’entendre.

Qu’y a-t-il comme exemples de projets nés de ces hackathons d’open innovation ?

L’Oréal a organisé il y a deux ans, dans les locaux de l’école 42 à Paris, un hackathon pour ses marques professionnelles Kérastase et Redken. Le groupe s’interrogeait sur les services qui pouvaient être apportés aux salons de coiffure. Il en est sorti deux beaux projets. Tout d’abord, une startup, Pop My Day, qui permet de faire venir un coiffeur ou une esthéticienne à domicile. C’est une sorte de Uber de la beauté, qui est née lors du hackathon de L’Oréal mais qui s’est développée ensuite sans lien avec le groupe, qui ne considérait pas cette activité comme stratégique.

L’autre projet est venu d’une startup qui a proposé une application pour gamifier la formation des coiffeurs. C’est une appli très ludique, proposant notamment des petits jeux à faire entre coiffeurs d’un même salon pour se former. Ce projet a pris le nom de Sparted, et a rejoint un incubateur cogéré par L’Oréal et BeMyApp. La startup reste indépendante. L’Oréal a simplement demandé que Kérastase soit son premier client au démarrage, avant qu’elle n’aille démarcher d’autres entreprises.

Les hackathons ont connu d’autres formes d’évolution ?

Nouvelle vague encore il y a deux ans avec l’arrivée des hackathons internes. Des événements souvent récurrents, organisés une ou deux fois par an, avec un objectif fort d’acculturation. Le principe reste le même, mais les participants sont des collaborateurs de l’entreprise. L’idée est de bouleverser les états d’esprits en interne, les « mindsets » des collaborateurs, en montrant qu’il est possible d’avancer et de travailler différemment. Cela permet de casser les silos, de gagner en agilité…

Les motivations des entreprises qui organisent un hackathon semblent dépasser la seule mise au point d’une application…

Chaque cas est différent, avec différents objectifs : être identifié au sein de la communauté des startups et des développeurs, repérer des talents pour les recruter ou en faire des partenaires, accélérer la transformation digitale dans une logique d’acculturation, et bien sûr disposer d’une ou deux applications concrètes qui pourront être sur le marché d’ici six à douze mois.

Un hackathon apporte de la vélocité et du délivrable, du concret. C’est crucial désormais. Le mot d’ordre devient : faire plutôt que réfléchir. Cela peut sembler choquant de le formuler ainsi, mais dans un monde très complexe, où les situations et les technologies évoluent très vite, il est devenu difficile d’anticiper. Les études de marché ne permettent plus de se faire un avis sur les nouveaux produits. La valeur de l’opérationnel, du faire, est bien plus importante aujourd’hui qu’il y a 15 ans. C’est la logique du « test and learn » : se lancer, apprendre, adapter, avancer. Et c’est ce qu’apporte un hackathon.

Comment voyez-vous la prochaine évolution des hackathons ?

Ces précédentes vagues ne s’annulent pas. Chacune continue de se développer. Chez BeMyApp, nous nous préparons à une nouvelle phase, le Pocathon, pour Proof of Concept. L’idée, c’est de réduire encore les délais pour faire aboutir un projet innovant, sur des sujets moins stratégiques pour l’entreprise. Ici, une direction a déjà une idée, elle sait quel type d’application elle recherche. Objectif : comment la lancer au plus vite sur le marché ? La logique du Pocathon est de faire travailler ensemble pendant deux ou trois jours toutes les expertises et les métiers impliqués, y compris la DSI et le juridique. En mode de situation de crise, une ou deux équipes projets mettent au point une appli maquettée et définissent le « backlog », la liste de fonctionnalités à développer pour la réalisation du projet.

Autrement dit, l’ambition est de sortir un cahier des charges, qui sera remis à une société informatique qui en assurera le développement en 30 jours. Car avec un Pocathon, le nombre de jours de développement est fixé à l’avance, sur le modèle : « Nous avons payé 30 jours, que peut-on faire avec ? ». Ce qui permet de renouveler la philosophie de développement du produit, pour aller sur des cycles très rapides. C’est l’évolution que je vois éclore en 2017.

Plus d’infos : BeMyApp

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