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Les Français consomment moins mais mieux : chiffres et analyse

23/11/2017

Ras-le-bol d’une consommation effrénée. C’est ce qui ressort des derniers chiffres de Kantar Worldpanel. L’époque est à la déconsommation et à un mode de vie plus lent. Décryptage.

Du jamais vu, ou presque. La consommation diminue en France. Pas en valeur, mais bien en volume : les Français achètent moins de produits de grande consommation. En 2016, cette baisse a été aux alentours de 0,1 %. Et la tendance se confirme en 2017 : au premier semestre, la vente des produits de grande consommation a connu une évolution négative à – 0,3 %, indique Kantar Worldpanel.

  • La diminution de la consommation touche la plupart des produits alimentaires : – 1,2 % pour la viande ainsi que pour les fruits et légumes, – 4,9 % pour le lait, – 5,6 % pour le cola (au premier semestre 2017, selon Kantar Worldpanel).
  • Le secteur de l’hygiène-beauté est également concerné : – 3,2 % en volume, toujours sur le premier semestre 2017.
  • Le marché de la mode (textiles, chaussures, accessoires) subit lui aussi ce phénomène : après 4 années de croissance en volume, il a stagné entre juillet 2016 et juin 2017, d’après l’étude Référenseigne Expert Fashion de Kantar Worldpanel, qui s’appuie sur un échantillon de 12 500 consommateurs.

« C’est d’autant plus notable qu’on a été habitué tout au long de la décennie à des hausses constantes, mécaniquement dopées par l’augmentation de la population et la baisse des prix », souligne pour Le Monde Jacques Dupré, spécialiste des marchés de grande consommation chez le panéliste IRI. Ces dernières années, les prix ont en effet baissé dans les grandes surfaces. En 2016, la déflation a été de 1,2 %. Ce qui aurait dû booster la consommation, incitant les Français à remplir leurs chariots de produits moins chers. Or c’est le scénario inverse qui se déroule en ce moment. « Les gens consomment moins, mais mieux, plus haut de gamme », constate Jacques Dupré. Les dépenses progressent ainsi en valeur : + 0,7 % en 2016 et + 0,4 % sur le premier semestre de 2017. Quelles sont les tendances qui font bouger les comportements des consommateurs ?

L’effet des crises sanitaires et du « food bashing »

Entre la présence de nitrites considérés comme cancérogènes dans la charcuterie, la remise en cause des bienfaits du lait sur la santé, les conditions d’abattage dénoncées par l’association L214 et autre contamination d’œufs par le fipronil, les consommateurs ne sont plus prêts à tout avaler ! « Les Français sont plus que jamais inquiets de la sécurité alimentaire pour 67 % d’entre eux. 79 % jugent même probable le risque que les aliments nuisent à leur santé, soit largement plus que les autres Européens », indique Kantar Worldpanel. Le panéliste y voit les effets de ce qu’il appelle le « food bashing » : « On ne compte plus le nombre d’émissions ou d’articles à charge contre l’alimentation industrielle. » Avec des conséquences très directes sur la consommation. Entre avril 2016 et mars 2017, les ventes de jambon sous vide ont baissé de 4,4 % en volume et 2,3 % en valeur.

Globalement, les Français se tournent vers des aliments qu’ils jugent plus sains et de meilleure qualité. C’est ce qui porte la croissance du bio : + 14 % au premier semestre 2017 selon l’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique.

La volonté de ralentir le rythme et de retrouver du sens

Les consommateurs ne trouvent plus leur bonheur dans la frénésie d’achats. Toutes les enquêtes indiquent une envie de ralentir et de revenir à des valeurs plus authentiques. « Chaque crise s’accompagne d’un rejet de la société de consommation », pointe Pascale Hébel, responsable du pôle Consommation du Crédoc, dans l’interview qu’elle nous a accordée.

Spécialiste de l’écoute des médias sociaux, Dynvibe vient de dévoiler dans INfluencia les conclusions de plus de 200 études « web listening » réalisées depuis un an dans 11 pays. Que disent par exemple les fans de la mode luxe ? « Nos centres d’intérêt se déplacent vers des milieux plus ‘slow : la cosmétique, la cuisine, la décoration où les cycles sont moins rapides et qui parlent tout autant à nos sens. » Selon Dynvibe, beaucoup de consommateurs tendent à réinvestir leur passion sur des domaines « plus lents ».  

Ce besoin de ralentir le rythme va de pair avec l’envie de faire les choses soi-même, à la fois pour maîtriser le choix des matières premières mais aussi pour le plaisir de gérer les étapes de fabrication. On l’observe à tous les niveaux. D’après Kantar Worldpanel, les Français sont de plus en plus nombreux à faire du jardinage, par exemple, et à revendiquer des pratiques de « Do It Yourself » pour 80 % d’entre eux.

Les recettes de grands-mères reviennent également au goût du jour. Alors que les ventes de produits d’entretien industriels diminuent, le vinaigre blanc connaît, lui, un succès sans précédent. Rien que pour le premier semestre 2017, sa consommation a bondi de 10 %. 

Cette aspiration à plus de naturel, à moins de sophistication, expliquerait aussi la baisse des ventes sur le marché de l’hygiène-beauté, traduisant l’envie d’un retour à l’essentiel.

L’usage plutôt que la possession

« On est en train de basculer d’une consommation de l’avoir, celle des Trente Glorieuses, à une consommation qui s’interroge sur le sens de cette consommation et où la possession du produit est moins importante que l’usage ou le service rendu par le produit, analyse Kantar Worldpanel. 74 % des consommateurs éprouvent du plaisir dans l’usage plutôt que la possession. 58 % la considèrent même comme un fardeau. »

Conséquence : les systèmes de location se développent, surtout dans l’univers de la mobilité. Et privilégiant l’usage, les consommateurs ne sont plus attachés à acheter des objets neufs. Ils deviennent adeptes de l’achat-vente de produits d’occasion. Un exemple : selon la Fédération Française des Industries Jouet-Puériculture (FJP), 8 parents sur 10 ont déjà procédé à un achat de puériculture d’occasion auprès d’un particulier. Ils n’étaient que 5 sur 10 en 2014.

L’évolution des parcours d’achat

Le phénomène de déconsommation doit aussi être replacé dans le cadre de l’évolution des parcours d’achat des Français. Ils ont ainsi tendance à se détourner des grands hypermarchés. Les expéditions hebdomadaires pour remplir le chariot sont un peu moins fréquentes. Les consommateurs leur préfèrent le drive, en progression de 40 % sur ces 3 dernières années. Et si les courses sont livrées dans le coffre de la voiture, la commande se passe sur Internet, permettant une plus grande rationalisation des dépenses, sans être tenté par un achat d’impulsion dans les rayons.

Les consommateurs se tournent aussi de plus en plus vers des magasins de proximité, avec des actes d’achat plus fragmentés. Ce qui se traduit par un moindre gaspillage, et aussi des achats plaisir, achetés en plus petite quantité.

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