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Quelles innovations pour fluidifier l’acte de paiement ?

06/10/2022

Marques et enseignes multiplient les initiatives pour faciliter le paiement, jusqu’à le faire oublier : il s’agit de ne pas freiner la consommation en période de tension sur le pouvoir d’achat. La fin du ticket de caisse l’an prochain devrait aussi accélérer l’adoption de nouveaux dispositifs… ainsi que la collecte de données. Une Tendance cash !

1Connaissez-vous le paiement palmaire ?

Régler ses achats en scannant la paume de sa main… Ce n’est plus de la science-fiction ! Amazon vient de déployer cette solution de paiement dans 65 magasins Whole Foods, l’enseigne bio qu’il a rachetée en 2017. Objectif de ce système baptisé Amazon One : simplifier l’acte d’achat avec un paiement réellement sans contact, sans même avoir à sortir sa carte bleue. Il suffit juste de présenter sa main au-dessus d’un capteur. L’inscription à Amazon One est des plus faciles, décrit The Verge. Depuis une borne située à l’entrée du magasin, le client enregistre l’empreinte d’une de ses paumes et lui associe une carte de paiement et un numéro de téléphone. Il n’a, dès lors, plus qu’à lever la main pour payer.

Amazon n’envisage pas pour l’instant le déploiement de cette technologie en dehors des États-Unis. Son adoption en France serait soumise à un encadrement strict de la réglementation RGPD pour l’utilisation de tout dispositif biométrique. Même aux États-Unis, cette nouvelle collecte de données par Amazon fait d’ailleurs débat, les défenseurs de la vie privée s’inquiétant de l’usage qui pourrait en être fait.

2Sunday, le QR code pour payer l’addition, fait recette dans les restaurants

Le dispositif imaginé par l’application française Sunday vise aussi à faire gagner du temps, à la fois aux clients et aux restaurateurs. L’idée est simple : permettre de régler l’addition en scannant un QR code posé sur la table, sans l’intervention d’un serveur. Chaque convive peut régler sa part, en payant comme il le souhaite, avec sa carte bleue, sa carte de ticket restaurant, Apple Pay, etc.

Le concept a déjà séduit 6 000 établissements dont 2 500 en France, dénombre Le Parisien. Parmi les adeptes, des chaînes de restaurant comme Hippopotamus, des établissements historiques comme la Coupole, près de Montparnasse à Paris, et même des étoilés comme le restaurant de Jacques Faussat dans le 17e arrondissement de la capitale. Les clients en raffolent aussi. Le système est pratique, notamment pour les grandes tablées qui partagent l’addition. Dans les restaurants Bouillon Pigalle et République à Paris, 40 à 60 % des convives utilisent les QR codes de Sunday au moment de régler.

Les raisons du succès de cette application créée par les fondateurs du groupe de restaurants Big Mamma sont nombreuses. Il y a bien sûr le gain de temps, estimé à 15 minutes pour les clients. Pour les restaurateurs, ce gain de temps est une espèce sonnante et trébuchante : ils peuvent faire tourner les tables plus vite.

Les serveurs peuvent aussi se concentrer sur le conseil et le service, ce qui se traduit par des pourboires plus importants dans les établissements qui ont mis en place Sunday. Pourboires qui peuvent bien sûr être versés via l’appli. Autre avantage déterminant : le montant de la commission, moins de 1 %, est inférieur aux frais que supporte un commerçant lors d’un paiement classique par carte bancaire.  

Sunday a ajouté cette année une nouvelle fonctionnalité, toujours pour fluidifier le service. L’application permet désormais aussi de passer directement commande. Cette fonction Order&Pay s’adresse d’abord aux bars et aux acteurs de la restauration rapide : le client scanne le QR code, visualise le menu, passe commande, et règle directement via l’appli. « Nous avons tué le bras levé pour l’addition au restaurant, lance l’un des cofondateurs, Victor Lugger. On annonce maintenant la fin de la file d’attente pour la commande dans les bars, la restauration rapide… »

3Picard innove avec une carte prépayée et rechargeable pour les jeunes

Proposer un nouveau moyen de paiement peut servir bien des objectifs. Le leader de la distribution de produits surgelés vient de lancer une carte prépayée et rechargeable afin de rajeunir sa clientèle, qui a aujourd’hui plus de 50 ans de moyenne d’âge. 100 % digitale, la carte Picard Pay permet de régler ses courses en magasin via son smartphone ou de commander sur Picard.fr. Pour l’enseigne, elle est destinée à être utilisée par de jeunes consommateurs… mais achetée par leurs parents. En alimentant cette carte, ils soutiennent financièrement leurs enfants et s’assurent qu’ils se nourriront de plats Picard plutôt que d’options moins saines. Les parents peuvent suivre l’évolution du solde sur le site de l’enseigne et recharger la carte en conséquence, de 20 à 250 euros. 

« Faciliter le quotidien des lycéens, des étudiants et même des collégiens en quête d’autonomie et d’équilibre alimentaire, c’est toute l’ambition portée par Picard Pay », souligne dans Le Figaro Cathy Collart-Geiger, la PDG de Picard. Et cela permet aussi de fidéliser de futures générations de clients.

4La SNCF va proposer le paiement en plusieurs fois

« Nous travaillons à toutes les bonnes idées qui permettent de faciliter l’accès de tous au voyage en train, y compris à travers les moyens de paiement, indique dans Le Parisien SNCF Voyageurs. À partir du 20 de chaque mois, le premier motif de refus de paiement est ‘fonds insuffisants’. » Pour aider les familles, la SNCF travaille sur la mise en place du paiement fractionné au plus tard d’ici mi-2023.

« Ce sera proposé pour les montants de commande les plus importants, par exemple lors d’une réservation pour une famille ou un groupe », explique l’entreprise. Les billets de TER ne seraient ainsi pas concernés par le paiement en plusieurs fois, au profit des déplacements en TGV, Ouigo ou Intercités. Un dispositif très appréciable, notamment pour les réservations faites longtemps à l’avance à l’occasion des vacances. Les familles doivent aujourd’hui régler instantanément des billets qui ne seront utilisés que plusieurs mois après.

5Apple transforme l’iPhone en terminal de paiement pour les commerçants

Jusqu’ici, Apple a surtout voulu faire de l’iPhone un moyen de paiement pour ses utilisateurs. Avec succès : une étude vient de montrer qu’Apple Pay était désormais, en volume de transactions, le deuxième système de paiement dans le monde, derrière Visa, mais devant Mastercard !

La marque à la pomme s’attaque désormais à un autre marché : celui des commerçants. Une nouvelle fonctionnalité, Tap to Pay, va leur permettre de transformer leur iPhone en terminal acceptant les paiements sans contact. Le paiement s’effectuera grâce à la technologie NFC, sans aucun équipement à brancher sur le téléphone. Le client aura juste à approcher sa carte bancaire, ou son smartphone s’il paie avec Apple Pay ou un autre service mobile.

Apple ne devient pas une banque pour autant. Il assure même qu’il ne saura pas quel produit a été acheté ni par qui. La nouvelle fonctionnalité Tap to Pay est mise à disposition d’acteurs financiers qui proposeront leurs propres services. Les fintechs Stripe et Adyen ont déjà signé des partenariats dans ce sens avec Apple. Tap to Pay est dans un premier temps réservé aux États-Unis. Son déploiement a commencé dans les Apple Stores, qui abandonnent progressivement les terminaux de paiement traditionnels.  

6La fin du ticket de caisse marquera-t-elle l’envolée de la collecte de données ?

Un événement pourrait accélérer le déploiement de nouveaux services autour du paiement : la fin des tickets de caisse prévue par la loi « anti-gaspillage » votée en 2020. « Dès 2023, il sera interdit aux commerçants de délivrer un ticket de caisse à leurs clients sauf demande explicite, afin de préserver la planète », résume l’AFP.

L’alternative qui devrait s’imposer ? Le ticket dématérialisé, envoyé au client par SMS, email ou sur son compte fidélité. Plusieurs distributeurs n’ont d’ailleurs pas attendu pour proposer cette option aux clients possédant la carte du magasin. 70 % du chiffre d’affaires des enseignes de l’alimentaire est déjà relié à des clients identifiés grâce au système de fidélité, pointe Jean-Michel Chanavas, Délégué général de Mercatel, une association professionnelle spécialiste des questions liées au paiement. Cela devrait encore progresser. Marques et enseignes voient dans l’avènement du ticket de caisse dématérialisé l’opportunité de collecter des données et d’enrichir leur base clients. En ayant en tête, par exemple, de leur envoyer des promotions ciblées.

La Cnil veut toutefois éviter les dérives que pourrait entraîner cette collecte de données : la dématérialisation de tickets de caisse ne saurait justifier « d’autres finalités, notamment de prospection commerciale », prévient l’institution dans son Livre blanc sur les données et moyens de paiement publié en octobre 2021.

De leur côté, les clients pourraient être hésitants à communiquer leur numéro de téléphone ou leur adresse email lors du passage en caisse. Et même s’ils acceptent de fournir ces données, cette procédure devrait allonger les files d’attentes. Des startups ont donc imaginé des solutions pour faciliter la dématérialisation de tickets de caisse. Yavin propose aux enseignes de reconnaître la carte bancaire des clients (« avec leur accord »), pour qu’ils puissent recevoir systématiquement leurs tickets de caisse par email. Autre piste : KillBills envisage d’envoyer les tickets de caisse sur l’appli bancaire des clients. « Dans ce cas, les enseignes ne récupèrent aucune coordonnée des clients et ne peuvent pas les contacter de façon intempestive », fait valoir auprès de l’AFP Sid-Ahmed Chikh-Bled, cofondateur de KillBills.

Quelle solution l’emportera ? Les professionnels sont toujours en attente du décret d’application de la loi anti-gaspillage, qui devrait permettre d’encadrer les nouvelles procédures à mettre en place.

7Aldi ouvre un supermarché sans caisse aux Pays-Bas

Et si l’avenir du paiement passait par la disparition pure et simple de l’acte de paiement grâce à des magasins sans caisse ? Le premier du genre a été créé en 2018 par Amazon, et depuis, les initiatives se multiplient. Aldi vient ainsi d’inaugurer à Utrecht, aux Pays-Bas, son premier « Aldi Shop&Go » sur le continent européen. Dans ce magasin de 370 m2, le client doit simplement scanner, en entrant et en sortant, l’appli de l’enseigne à laquelle est associée sa carte de paiement. Une fois dans le magasin, il remplit son panier comme bon lui semble. 475 caméras et 450 balances enregistrent ses achats, détaille Retail Detail. Le paiement se déclenche automatiquement quand il sort du magasin.

« Nous voulons rendre l’expérience d’achat de nos clients aussi simple que possible », explique Jan Oostvogels, PDG d’Aldi Pays-Bas. Il s’engage notamment sur la protection des données des clients : « Nous ne procédons en aucun cas à une identification personnelle. Nous n’utilisons pas non plus la reconnaissance faciale ou les scanners oculaires. Les caméras ne suivent que le mouvement des personnes et des articles. Toutes les données disparaissent à la sortie du magasin. »

Pour réaliser cette prouesse technologique, Aldi s’est allié à une startup israélienne, Trigo, qui vient de mener deux autres projets similaires, à Londres avec Tesco, et à Tel-Aviv avec la plus grande chaîne de supermarchés du pays, Shufersal. À Londres, Sainsbury a lui ouvert un magasin sans caisse en s’équipant de la technologie Just Walk Out d’Amazon. À Gand en Belgique, Colruyt a lancé sa propre version du magasin autonome sous le nom de Okay Direct en ayant développé en interne les technologies nécessaires.

Vous voulez tester un magasin équivalent en France ? Il faudra vous rendre 11 avenue Parmentier dans le 11e arrondissement de Paris. En partenariat avec la startup Aifi, Carrefour y expérimente sur 50 m2 une supérette autonome Carrefour Flash.

Ces magasins sont-ils l’avenir du commerce ? À voir. Amazon avait de grandes ambitions au Royaume-Uni, prévoyant d’ouvrir plusieurs centaines de magasins Amazon Fresh reposant sur sa technologie Just Walk Out. Mais le géant du e-commerce a revu ses plans cet été. Les 19 supérettes autonomes déjà ouvertes affichent des ventes décevantes, et des coûts d’infrastructure très élevés. Le déploiement de nouveaux magasins a été mis en sommeil. Le paiement palmaire est peut-être aujourd’hui une innovation suffisante pour les clients !

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