L’uniforme, un outil marketing qui se porte bien !

21/01/2016

Près d’un salarié sur trois porte un vêtement professionnel. Blouse du pharmacien, « bleu » du mécanicien et, de plus en plus, vêtement d’image dans la distribution et le monde des services. Sephora, Ikea, Darty, Starbucks, Apple… Toutes les enseignes possèdent désormais une tenue pour leurs salariés. Un sujet peu abordé dans la sphère marketing et pourtant l’exercice est difficile : la garde-robe doit convenir à la marque, aux clients et aux salariés. Ce qui en fait aussi un outil RH.

Les vêtements d’image ont le vent en poupe

« 30 % des salariés en France portent aujourd’hui un vêtement professionnel », indique Stéphane Coulon, fondateur du cabinet de conseil spécialisé Vetanova (lire son interview ). Cela recouvre des réalités assez différentes : de l’uniforme du policer à la blouse du pharmacien, en passant par le gilet du vendeur d’électroménager, sans oublier bien sûr la tenue du postier. Autrement dit, tous les vêtements professionnels ne sont pas uniformes ! Mais dans cet univers de tenues de travail, une catégorie a le vent en poupe : les vêtements d’image. Ils n’ont pas uniquement un but utilitaire, comme protéger les salariés ou permettre de les distinguer parmi les clients : ils visent à relayer l’identité de l’entreprise. Ils sont par exemple désormais incontournables dans les enseignes de la distribution.

« Le vêtement d’image est devenu un outil à part entière dans une stratégie d’entreprise, de même qu’un logo ou une campagne de publicité. Il est d’autant plus important que le contact avec le consommateur est immédiat », explique Nathalie Rozborski, Directrice conseil Mode et Beauté du cabinet de tendances NellyRodi, qui a notamment dessiné les uniformes de Corsair. « On incarne la marque lorsqu’on porte l’uniforme », ajoute-t-elle dans un article de L’Express.

Les vêtements portés par les salariés deviennent une des composantes du concept

La cosmétique est l’un des secteurs où le positionnement des différentes enseignes prend parfaitement forme dans les vêtements portés par les vendeuses. Sephora a par exemple choisi une tenue noire pour ses vendeuses : une couleur qui symbolise l’élégance et qui est très souvent utilisée dans l’univers des parfums et des cosmétiques de luxe. L’ambiance est tout autre chez Yves Rocher (photo ci-dessus), qui a adopté des tonalités plus « naturelles » pour ses tenues, en lien avec son identité : haut blanc, pantalon crème et un tablier vert à l’instar du logo de la marque. Autre approche encore chez L’Occitane en Provence : les vendeuses y portent également un tablier, mais dans une version plus sophistiquée du fait de sa coupe et de sa couleur sombre.

Quel soit le secteur, dans les magasins, les vêtements portés par les salariés sont désormais bien souvent une des composantes du concept. Chez Paul, qui compte 500 points de vente à travers le monde, les employés arborent des tenues de « boulanger » pour symboliser le positionnement traditionnel de l’enseigne. Chez Starbucks, l’esprit « barista » se retrouve dans le tablier porté les vendeurs. Dans les Apple Stores, l’aspect « cool » de la marque s’illustre par un tee-shirt porté par les vendeurs sur leurs vêtements de tous les jours. Etc.

« Les vêtements d’image sont désormais un vecteur de communication stratégique », commente Jean-François Keit de l’agence Chic at Work, qui a conçu entre autres les habits du personnel du Ritz et des boutiques Lancôme. « Ils constituent le premier contact visuel avec le consommateur », précise-t-il pour le site Slate.

Les tenues sont aussi un outil RH

« Les vêtements d’image peuvent aussi influencer le rendement des salariés : on est plus efficace si on se sent bien dans sa tenue », ajoute Jean-François Keit. Au-delà d’un outil de communication, les tenues professionnelles sont en effet aussi un outil RH. Ginette Francequin, psychosociologue et auteur du livre Le Vêtement de travail, une deuxième peau, relève que « globalement, le vêtement de travail est une fierté pour tout le monde, car il renvoie au savoir-faire et à la compétence ».

Entreprises et services publics s’emploient aujourd’hui à associer les salariés dans l’élaboration des vêtements professionnels, en veillant également à proposer des coupes actuelles. « Les vêtements professionnels sont de plus en plus confortables et modernes. Les matières et les coupes se rapprochent du prêt-à-porter, et la présence de la marque est plus subtile qu’il y a une dizaine d’années, pointe le fondateur du cabinet Vetanova. Ces vêtements plus actuels ravissent les salariés qui se sentent reconnus, et la direction marketing puisque les tenues sont portées avec conviction. »

Thalys, par exemple, qui a changé de statut en 2015 pour devenir une entreprise ferroviaire pleine et entière, a veillé à accompagner ce changement de nouveaux uniformes. La nouvelle collection arrive en ce début 2016. « Agilité, capacité d’innovation et rapidité de mise en œuvre des projets seront les bénéfices de ce changement d’organisation, dont les nouveaux uniformes seront l’emblème, tout en prenant en compte les besoins du personnel à bord et en gare en termes de confort et de praticité », indique l’entreprise. Bertrand Camus, directeur des services de Thalys, complète : « À travers ces nouveaux uniformes, nous souhaitons affirmer nos valeurs telles que la bienveillance, l’exigence, le sens du service et l’attention portée à nos voyageurs, et ainsi illustrer notre signature 'Bienvenue chez nous' ».

Apporter autant d’importance aux clients et aux salariés

Même les vêtements les plus traditionnels, ce que l’on appelle les « bleus » de travail, adoptent des coupes dans l’air du temps. « Les jeunes ont apporté une nouvelle dynamique au secteur, ils aiment être lookés, et ce même à l’heure du déjeuner puisque souvent ils n’ont pas le temps de se changer », raconte Alexandra Avram, directrice marketing chez Lafont, spécialiste du vêtement professionnel, au site Batiactu.

Et à l’image des créations de haute couture, les collections sont régulièrement renouvelées : « Cette année, notre catalogue changera à 60 % pour anticiper les tendances du marché. Tout va de plus en plus vite, explique Alexandra Avram. Si auparavant le cycle de vie d’un produit était de 10 à 20 ans selon les secteurs, désormais il est beaucoup plus court. Dans l’artisanat, il atteint seulement 5 ans. Des chiffres influencés par la mode mais aussi par les normes qui bougent environ tous les 5 ans ». Ci-dessus, quelques vêtements du catalogue 2015 de Lafont.

Concevoir un vêtement professionnel reste un processus complexe. Les contraintes sont très nombreuses. Le vêtement doit être confortable, facile d’entretien ; il doit aussi s’adapter à tous les physiques, les morphologies, les couleurs de peau, etc. « La conception d’une tenue est un exercice très difficile car il doit prend en compte les métiers de l’entreprise, le profil et la diversité des salariés et leurs conditions de travail », résume Thierry Spencer sur son blog Sensduclient.com. Il poursuit : « C’est certainement un des plus beaux exercices marketing qui conjugue de façon harmonieuse le positionnement d’une marque et son expression humaine, physique. La réussite de l’exercice en fait un symbole fort de la symétrie des attentions : lorsqu’on attache autant d’importance aux salariés qu’aux clients. »

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