« Le retail media permet de créer des têtes de gondole sur un site marchand »

17/11/2022

CitrusAd, la plateforme retail media de Publicis, vient de créer l’événement en annonçant une alliance avec Carrefour. Nous avons interrogé Tanguy Le Falher, Head of Retail Partnerships chez CitrusAd, qui nous présente les coulisses et les tendances de cette nouvelle forme de publicité.

Tanguy Le Falher

Comment présentez-vous CitrusAd ?

Tanguy Le Falher : CitrusAd aide les distributeurs, les e-commerçants et les marketplaces à monétiser leurs audiences, leurs inventaires et leurs data auprès de marques partenaires. Si on fait l’analogie avec le monde physique, notre plateforme permet de créer des têtes de gondole sur un site marchand, avec les capacités technologiques qu’apporte la digitalisation. Cela prend essentiellement la forme de liens sponsorisés dans les résultats de recherche du site de vente en ligne, et de bannières de publicité.

Nous apportons ainsi une nouvelle ligne de revenus aux distributeurs. De leur côté, les marques ou les fournisseurs sont prêts à rémunérer le site marchand pour profiter de la finesse et de la granularité de ses data, et pour positionner le bon produit au bon endroit. Une marque de yaourts pourra ainsi payer pour apparaître en premier quand un « shopper » (acheteur) fait une requête « yaourt » sur le site.

Les marques sont aussi très intéressées par la possibilité de mesurer précisément leur retour sur investissement. Le retail media sur le digital permet de savoir quel shopper a vu la publicité, la tête de gondole digitale, et s’il a ou non acheté ensuite le produit. On connaît en détail l’impact de la dépense marketing et si la publicité a fait évoluer le comportement d’achat. C’est une information que les fournisseurs n’ont pas souvent de la part des distributeurs.

Il n’y a pas de ciblage a priori du profil des shoppers ? Une marque de yaourts ne va pas vouloir cibler ceux qui achètent régulièrement des yaourts ?

C’est une possibilité, mais ce n’est pas le plus courant sur un site marchand. Cela revient parfois à faire du microciblage. Or « surcibler » n’est pas une attente des marques. Sur un site de vente en ligne, il y a déjà une intention d’achat. Si une personne tape dans la barre de recherche « yaourt », c’est bien parce qu’elle cherche à en acheter. C’est ce que l’on appelle un intentionniste. Il n’y a pas besoin de cookie tiers pour l’identifier. Le contexte de navigation apporte le plus de valeur. Pour un shopper qui navigue sur la page produit d’un smartphone, il pourra par exemple être intéressant de lui pousser des écouteurs, ou de lui montrer un produit plus innovant de la même marque.

Comment se traduit le partage de données entre le site du distributeur et les marques partenaires ?

Le retail media recouvre trois dimensions. L’activation, c’est-à-dire la création de campagnes pour toucher les shoppers, la mesure pour connaître l’impact de la dépense marketing et la connaissance consommateurs, que les marques ont rarement. Avec le retail media, une marque de smartphone peut savoir combien de téléphones elle vend en temps réel, et en accédant aux données du retailer, elle peut aller jusqu’à connaître le profil des acheteurs. C’est une information déterminante. Une marque peut penser s’adresser à des hommes de moins de 35 ans alors que ses produits sont achetés par des clients plus âgés. Grâce aux données du distributeur, elle peut adapter son offre et sa communication, soit pour toucher sa cible marketing initiale, soit pour mieux répondre à sa cible commerciale effective, les consommateurs qui achètent vraiment son produit.

Quel est votre business model ?

Nous gagnons de l’argent en facturant les distributeurs en fonction de leur usage de la plateforme. Cela permet d’avoir un coût au plus juste pour le distributeur. L’expérience consommateur ne change pas. Quand un shopper fait une requête sur le site du distributeur, elle transite par notre serveur, qui renvoie des réponses en fonction des campagnes des marques. Au lieu d’avoir 10 ou 15 produits qui apparaissent de manière naturelle, certains d’entre eux seront sponsorisés pour s’afficher en premier, ou une bannière de publicité apparaîtra pour mettre en avant une innovation.

Pour les annonceurs, les formats sont vendus soit à un coût fixe, soit aux enchères sur le modèle de Google Ads. Avec notre plateforme, les annonceurs peuvent gérer leur campagne en self-service aussi simplement que l’on crée une campagne sur Facebook. Sponsoriser des résultats de recherche sur un site de e-commerce ou une marketplace n’est plus réservé aux très grandes marques. Des PME peuvent se lancer.

Y a-t-il des barrières à l’entrée pour un site de distributeur qui veut se doter d’une plateforme retail media ?

Ce qui est important, c’est d’avoir des marques qui soient intéressées par l’inventaire publicitaire et par l’inventaire data. Yves Rocher, qui vend ses propres produits sur son site web, ne va pas trouver d’intérêt à mettre à disposition des bannières pour des marques concurrentes.

Tout va dépendre de l’audience et du nombre de marques qu’un site de vente en ligne propose. Cela peut concerner des distributeurs sur des segments spécialisés, s’il y a des audiences réceptives, jusqu’au B2B. Des fabricants peuvent en effet être très intéressés pour mettre en avant leurs produits sur des sites B2B. Nous travaillons ainsi avec TD Synnex, leader de la vente B2B de produits électroniques.

Quelles sont les tendances du retail media ?

Le mécanisme de l’extension d’audience. Un distributeur va proposer à ses marques partenaires d’utiliser sa data et sa connaissance client pour créer des campagnes sur d’autres sites que sa plateforme e-commerce. Il va par exemple fournir à une marque, de façon anonymisée, le profil des internautes qui ont acheté des yaourts ces 12 derniers mois, mais pas ceux de la marque. Cela va lui permettre d’adresser de nouveaux clients potentiels avec des publicités digitales sur d’autres sites. Cette exploitation de la data pour les campagnes marketing est un enjeu fort pour les marques, et une vraie évolution du marché. Cela a du sens car les internautes passent la plupart de leur temps sur d’autres sites que celui du distributeur.

Nous avons développé une telle offre en travaillant avec une autre « adtech » de Publicis, Epsilon. Notre plateforme unifiée s’appelle d’ailleurs CitrusAd powered by Epsilon. Elle permet à la fois de créer des « têtes de gondole » sur le site d’un distributeur, et d’aller parler à des clients de ce distributeur en dehors de son écosystème, sur d’autres sites, et demain aussi par email et en magasin.

L’extension d’audience nécessite d’obtenir le consentement explicite du shopper, dans le cadre du RGPD, et que la donnée soit traitée sans permettre d’identification personnelle. Il y a un enjeu d’anonymisation des données. 

Vous venez de créer une joint-venture avec Carrefour. En quoi consiste ce projet ?

L’objectif de ce partenariat est non seulement d’exploiter au maximum le potentiel retail media de Carrefour, mais aussi de rallier de nombreux autres distributeurs à la plateforme que nous créons en commun. Nous apportons la technologie avec notre solution CitrusAd powered by Epsilon et Carrefour amène ses données et sa connaissance retail media grâce à son entité Carrefour Links. Pour les marques, cette joint-venture facilitera l’accès aux meilleurs espaces publicitaires et au déploiement de campagnes toujours plus efficaces sans avoir à recourir à des cookies tiers.

Le rachat de CitrusAd marque une nouvelle étape pour un groupe de communication comme Publicis ?

Historiquement, Publicis est présent sur des activités de création publicitaire et d’achat media, mais il évolue aussi depuis quelques années vers la technologie. Le premier achat très important de Publicis dans ce domaine remonte à 2019 avec l’acquisition, pour 4,4 milliards de dollars, d’Epsilon, spécialisée dans le data marketing. D’autres achats de technologies ont lieu, comme Profitero, une plateforme analysant les ventes et les performances marketing des entreprises.

C’est une évolution stratégique pour Publicis qui accompagne ainsi ses clients engagés dans leur transformation digitale et qui ont compris que la technologie et la data étaient désormais des sujets clés pour leur réussite.

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