Alors, heureux ? La mesure de la satisfaction client
21/05/2015Le contexte est connu : le consommateur, de plus en plus exigeant, est aussi de plus en plus volatil, comparant produits et services. Marques et enseignes multiplient donc les façons d’écouter leurs clients et de mesurer leur satisfaction. Ces programmes, souvent dénommés « Voix du client », font émerger des solutions pragmatiques pour répondre aux attentes des consommateurs et sont aussi un levier de communication externe.
Les avis clients, un outil de pilotage interne et un levier de communication externe
Noter en direct, ou presque, la qualité du service et des conseils prodigués en agence, c’est ce que propose, depuis le début de ce mois de mai, la banque belge Belfius à ses clients. Pour cela, ils doivent avoir téléchargé l’application mobile de l’établissement. Grâce à la technologie Beacon de microgéolocalisation, ils pourront alors recevoir sur leur smartphone un formulaire dès leur sortie de l’agence. Une question centrale : « Êtes-vous satisfait de notre service ? », et un champ libre pour des remarques ou suggestions. « La réponse du client ainsi que son nom seront transmis à l’agence », précise Belfius. L’agence est ainsi en mesure de recontacter les clients insatisfaits. Pour le nouveau PDG de cette banque qui a connu des moments difficiles (elle était auparavant la branche belge de Dexia, sauvée de la faillite par l’Etat belge), « le taux de satisfaction sera désormais un indicateur clé pour l’entreprise ». Il prévoit même de lier une part de la rémunération de l’ensemble des salariés au taux de satisfaction de la clientèle.
La démarche de Belfius est l’un des nombreux exemples montrant l’attention de plus en plus forte que les marques portent à l’écoute et à la satisfaction de leurs clients. Autre illustration, sur un secteur bien différent, Buffalo Grill est en train de généraliser un nouveau rituel dans ses restaurants : le serveur amène désormais aux clients, en même temps que l’addition, une tablette tactile pour qu’ils puissent noter le repas et la prestation (voir la troisième partie de notre dossier).
La mesure de la satisfaction client est un outil de management interne, permettant de s’assurer de la qualité des produits et services proposés et de faire émerger des pistes d’amélioration. Elle sert ainsi de base à des programmes souvent dénommés « Voix du client », mis en place par les entreprises pour écouter et prendre en compte les retours des clients. Mais mesurer la satisfaction s’impose aussi comme un levier de communication externe. Les avis clients sont désormais des basiques totalement intégrés aux sites de e-commerce (Amazon, Darty, la Fnac…). Cela correspond à une démarche de transparence, à même de créer de la confiance.
C’est aussi une attente des clients qui veulent se faire entendre de leurs pairs et des marques. Interviewée par le magazine Relation Client, Caroline Le Bars, Principal Customer Expérience chez Capgemini Consulting, explique : « Un client mécontent ne se contente plus du remboursement de son produit. Il veut que l’on prenne en compte ses exigences, que l’entreprise améliore sa qualité de service… De plus, s’il exprime ses griefs sur la "place publique", sur internet et les réseaux sociaux, il sera entendu par des milliers de consommateurs. Les marques ont donc pour obligation de désamorcer tout conflit le plus en amont possible ».
Les réponses aux questionnaires clients deviennent visibles par tous
Pour recueillir l’avis de clients, le questionnaire envoyé par mail est une des pratiques les plus utilisées. Il tend à devenir systématique après un achat sur internet, ou un appel au service client. Plusieurs entreprises proposent des modules permettant de récolter les avis clients. Le magazine Relation Client décrit celui commercialisé par Ekomi, spécialiste des enquêtes en ligne : « Son fonctionnement est simple. Après chaque commande validée et reçue par l’acheteur, ce dernier reçoit un questionnaire court à remplir pour vérifier s’il est satisfait ou non de la prestation. Le score de pertinence et le commentaire s’affichent ensuite sur Google. Il se retrouve donc visible par tous les internautes. »
L’entreprise est aussi prévenue en temps réel quand un avis est déposé, ce qui lui permet de réagir rapidement pour corriger un dysfonctionnement signalé par un client et de lui apporter une réponse qui sera, elle aussi, visible sur Google. « L’outil permet de contenir les plaintes. Au lieu de laisser des avis négatifs se répandre dans les réseaux sociaux, les forums, etc., nous les concentrons à un endroit où nous pouvons apporter une réponse et faire en sorte que le client modifie en toute transparence son avis, » témoigne un client d’Ekomi. Autre avantage de rendre public les avis clients : cela améliore fortement le référencement naturel d’une marque pour les recherches sur Google.
Utilisant une autre solution, celle de SatisFactory, le groupe Pierre & Vacances (Pierre & Vacances, Maeva, Center Parcs…) a repensé il y a deux ans sa façon de mesurer la satisfaction client, toujours avec cette double approche, interne et externe. Au cœur du dispositif : un questionnaire envoyé aux clients par mail 48h après leur check-out, puis renvoyé cinq jours plus tard en cas de non réponse. Le questionnaire comporte une quarantaine de questions sur l’ensemble du parcours client. Et les clients jouent le jeu : le taux de retour est de 40 %. Grâce à un partenariat avec TripAdvisor, une partie du formulaire est maintenant consacrée à des commentaires qui seront directement publiés sur la plateforme d’avis. Cela a permis de multiplier par quatre le nombre de commentaires sur TripAdvisor, dont 80 % proviennent du questionnaire.
Ce questionnaire donne également lieu à un reporting, autour d’une vingtaine d’indicateurs, permettant aux différents sites de se comparer entre eux. « C’est important de transmettre les informations à l’ensemble des personnes concernées, explique Delphine Baumont, responsable qualité et satisfaction clients du groupe Pierre & Vacances - Center Parcs. Ainsi, chaque semaine, les directeurs de site, "incentivés" sur les résultats, et les responsables de service les reçoivent. » Et en parallèle, les clients qui ont déposé un avis négatif sont contactés par le service client pour voir où en est la relation et s’il est possible de renouer les liens.
Le Net Promoter Score, nouveau baromètre des entreprises
Comme le montre l’image ci-dessus, SatisFactory, le prestataire de feedback management de Pierre & Vacances, utilise un argument de vente très pragmatique : il annonce que sa solution peut améliorer de 10 points le Net Promoter Score. De quoi s’agit-il ? Le Net Promoter Score (NPS) est un indicateur créé en 2003 aux Etats-Unis qui se répand depuis comme une traînée de poudre. Il repose sur une question simple, du type : « Quelle est la probabilité pour que vous recommandiez ce service (ou ce produit, cette marque) à un ami ? », avec en réponse une note allant de 10 à 0. Cela permet de classer les clients en trois catégories : les « promoteurs » qui attribuent une note de 9 ou de 10, les « passifs » qui attribuent 7 ou 8, et les « détracteurs » qui donnent une note entre 0 et 6. Le NPS se calcule en prenant le pourcentage de promoteurs et en y soustrayant le pourcentage de détracteurs.
La méthode n’est pas parfaite. Deux entreprises pourront avoir un même NPS de 15, l’une avec 50 % de promoteurs et 35 % de détracteurs, l’autre avec 20 % de promoteurs et 5 % de détracteurs. Mais porté par les groupes américains, le NPS se développe, permettant d’obtenir un score uniforme pour la satisfaction client, qui peut être comparé au fil du temps, ainsi qu’entre différentes entreprises ou entre différents secteurs.
Une écoute permanente grâce aux outils d’analyse sémantique des verbatims clients
Les méthodes pour mesurer la satisfaction des clients se diversifient. Une des tendances fortes est ainsi de recueillir l’avis des consommateurs sur le point de vente. Les méthodes sont variées : bornes, tablettes tactiles, QR codes sur des affiches… De nombreuses enseignes y ont recours : Carrefour, Boulanger, Darty, Quick, Société Générale, Orange, SNCF, Aéroport de Paris, etc. Altavia Watch a recensé en novembre dernier les différentes façons de recueillir l’avis des consommateurs en magasin. Une présentation disponible ici
Toutefois, la mesure de la satisfaction client ne passe pas uniquement par l’organisation d’études dédiées ou la mise en place de dispositifs particuliers en magasin. Les clients n’attendent pas en effet qu’une entreprise leur demande leur avis pour prendre la parole ! Ils s’expriment via le service client, par mail, par téléphone, via les réseaux sociaux, sans oublier les remarques adressées au personnel en point de vente. Auchan collecte ainsi 240 000 verbatims par an. Pour pouvoir les exploiter et en tirer de la valeur, l’enseigne a recours à un logiciel d’analyse sémantique, qui scrute chaque nuit ces verbatims clients. Résultat : parfois, des alertes face à des risques sanitaires, juridiques ou à des problèmes de prix, et souvent, des pistes pour augmenter le chiffre d’affaires, les clients soumettant leurs attentes et prévenant même en cas de rupture de stocks (voir la troisième partie de notre dossier).
Autre entreprise à utiliser un outil d’analyse sémantique : Ikea. C’est ce que nous explique Pierre Villeneuve, Directeur de la relation client de Ikea France, dans l’interview qu’il nous a accordée. A lire dans la seconde partie de notre dossier.
Pour aller plus loin : Belfius : la satisfaction du client influencera la rémunération, Satisfaction client : comment la mesurer ?, Pierre & Vacances capitalise sur la voix du client