Audrey Tcherkoff • Raison d’être, concrétiser une transformation déjà engagée
Audrey Tcherkoff
Présidente exécutive
de l'Institut de l'Économie Positive
Le monde change, voire vacille et, pour accompagner cette période de transition, les entreprises jouent un rôle essentiel. Comment ajuster son positionnement stratégique pour devenir une entreprise à impact positif sans perdre son rayonnement économique ?
Audrey Tcherkoff, présidente exécutive de l’Institut de l’économie positive, incite les organisations à prendre le virage de la responsabilité sociale et sociétale pour les générations présentes et futures… Mais aussi pour saisir de nouvelles opportunités économiques.
Définir sa raison d'être : un manifeste pour agir
La promulgation de la loi Pacte (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) en mai 2019 a eu le mérite d’amplifier la transformation positive des entreprises et de les interroger sur leur raison d’être et leur mission d’intérêt général.
Sans forcément devenir une entreprise à mission, au sens juridique du terme, et faire apparaître la raison d’être dans les statuts de l’entreprise, l’heure est à l’introspection pour une mise en pratique sans tarder.
“On peut se transformer sans raison d’être”, explique Audrey Tcherkoff. Même si ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, le travail de transformation positive s’effectue dès lors que l’entreprise établit “un inventaire des actifs stratégiques tangibles et intangibles.
Ce bilan impliquera de facto une nouvelle organisation, un travail de fond sur la culture de l’entreprise, sur son management et sur son modèle économique mais aussi une réflexion sur les futurs outils de son développement et sur ses capacités d’action”. Plusieurs possibilités : soit la raison d’être agit comme un tremplin pour amorcer la transformation de l’entreprise, soit elle vient consolider une conduite du changement déjà engagée. Dans les deux cas, elle participe à structurer l’action.
La raison d'être, porteuse de la valeur et de la singularité de l'entreprise
“Si les éléments de langage varient peu d’une entreprise à l’autre, le projet de trans- formation est bel et bien inhérent à la culture et à l’ADN de la marque”. Bien sûr, derrière les mots génériques se cache une véritable prise de position stratégique pour les entreprises qui dévoilent leur raison d’être.
“Elles doivent s’appuyer sur les convictions qui les animent pour traduire la mission d’intérêt général que souhaitent poursuivre les dirigeants”.
Elle s’inscrit à la fois dans la continuité de l’image de marque et en cohérence avec ses engagements historiques. Vision forte et incarnée du projet d’entreprise, la raison d’être a la lourde tâche d’être entendue et comprise de la même façon par différents publics.
Pour se révéler aussi mobilisatrice que fédératrice, elle doit infuser dans les esprits avant d’être relayée et amplifiée, c’est pourquoi il est impératif de “ramener le temps long au cœur des décisions pour inverser la tendance, changer de paradigme” et affirmer sa création de valeur.
Les entreprises responsables mieux armées contre la crise
En mars 2020, au plus fort de la crise sanitaire, Bank of America révélait que les entreprises avec de véritables prises de position sociales et des politiques RSE fortes “surperformaient” de 5 à 10 points en Bourse par rapport aux indices de référence.
Une analyse dont se félicite Audrey Tcherkoff et qui prouve que la révision du contrat social de l’entreprise est plus que jamais d’actualité. “De plus en plus d’entreprises comprennent que l’association entre les résultats économiques et les missions d’intérêt général est un levier d’attractivité auprès des talents et des investisseurs.” Si entériner sa raison d’être peut paraître encore prématuré pour certaines entreprises, les projets de transformation positive en faveur du bien commun viennent réenchanter la place de l’entreprise dans la société.