Catherine Barba : « Sans expérience à vivre, les clients iront de moins en moins en magasin »

17/03/2016

Pionnière du digital en France, experte du retail et auteur entre autres de l’ouvrage « Le magasin n’est pas mort ! », Catherine Barba nous livre depuis New York son regard sur l’avenir des magasins. « Nous entrons dans l’ère de la relation », dit-elle. Une ère où la simple vente de produits ne suffit plus à attirer les clients dans les magasins.

Catherine Barba

Vous vous êtes installée à New York pour développer le Peps Lab, pour « Plein d’expériences pour se réinventer ». De quoi s’agit-il ?

Catherine Barba : Le Peps Lab est un observatoire de toutes les tendances innovantes en matière de relation client et de commerce. Et il n’y a pas meilleur lieu que New York pour observer les évolutions du commerce, et voir comment il se réinvente. Chaque jour, j’y trouve des sources d’inspiration et j’y découvre de nouvelles approches dans la relation client. Ce qui m’intéresse aussi, au-delà du commerce, c’est d’essayer de comprendre les ressorts de l’innovation : qu’est-ce qui fait qu’une entreprise va être plus à même qu’une autre de se remettre en question, de se réinventer, pour mieux servir ses clients ?

Qu’est-ce qui vous a étonné récemment ?

Ce matin même, j’étais au Pain quotidien, cette chaîne belge qui a plusieurs magasins aux Etats-Unis. Le serveur apporte l’addition. Et au moment de payer, la personne avec qui j’étais ouvre une application, valide le montant et le pourboire, et signe avec son doigt. C’était tout ! Nous sommes partis, sans plus de formalité. Les évolutions qui fonctionnent sont celles qui simplifient la vie du client.

Vous vous intéressez notamment aux expériences proposées par les magasins…

Ce que nous vivons tous aujourd’hui, c’est que nous pouvons à l’envi, sans sortir de chez nous, tout acheter en ligne, depuis notre téléphone, notre tablette, notre ordinateur. Ce qui explique que, si un magasin physique ne cherche qu’à vendre, dans une seule logique transactionnelle, il n’y a aucune raison que les clients continuent de s’y rendre. C’est plus simple, plus pratique, plus rapide, de commander en ligne.

La rue où j’habite à New York comporte énormément de magasins. Et pour autant, l’immeuble qui fait 30 étages est rempli de paquets d’Amazon. Se déplacer dans un point de vente physique devient un effort. Et tout effort doit être récompensé ! Si je vais dans un point de vente physique, l’assortiment y sera nécessairement plus limité que sur le site web. Si en plus le vendeur en sait moins que Google, je ne vais trouver ni plaisir ni intérêt à cette expérience. La transaction ne suffit plus. Les personnes qui se déplacent attendent de vivre bien autre chose que cette transaction, mais une expérience qui soit humaine, et aussi pédagogique, ludique, émotionnelle… Nous entrons dans l’ère de la relation.

Quelles formes peut prendre cette expérience en magasin ?

Cela peut être, sur un registre pédagogique, un atelier pour m’expliquer le fonctionnement d’un nouveau service ou d’un produit. Sur un registre ludique, je crois beaucoup à la réalité virtuelle, qui va profondément modifier notre façon de vivre les marques et les produits : demain, on peut imaginer dans les magasins des espaces où s’immerger dans l’univers d’une marque en 3D.

L’expérience peut être aussi gustative et relaxante, avec un café, un bar, un petit restaurant, où je viens pour passer un bon moment. Les magasins doivent devenir des lieux de vie, mais c’est encore très peu le cas. Pourtant, les marques qui seront les championnes demain seront celles qui auront le mieux honoré ce besoin qu’ont les clients d’être associés à leur univers, de partager, d’apprendre, de jouer, de vibrer avec elles.

Pourquoi n’y a-t-il plus de réalisations probantes aujourd’hui ?

Des initiatives intéressantes existent. Mais expérimenter nécessite un budget et accepter qu’il n’y ait pas de retour immédiat sur investissement. Des enseignes sont dans cet état d’esprit de test, comme Decathlon, Leroy Merlin, Kiabi, Tape à l’œil – une marque de vêtements pour enfants très active sur les réseaux sociaux avec une vraie dimension communautaire –, AccorHotels également. Ce sont des entreprises dont les dirigeants ont compris rapidement cette nécessité impérieuse d’investir dans l’innovation, sans chercher un retour sur investissement à court terme. Mais c’est un sacré pari de dirigeants : ils ont des actionnaires, des comptes à rendre… Pourtant, c’est la clé pour demain : tester, faire des acquisitions, mesurer, recadrer si besoin.

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