Algorithmes prédictifs : la nouvelle force de vente

20/10/2016

Anticiper les attentes du consommateur et lui proposer d’emblée le produit ou le service qu’il recherche. C’est ce que permet le marketing prédictif en exploitant toutes les données clients. Au menu : fidélisation, amélioration du taux de conversion et ventes additionnelles, en ligne comme dans les réseaux physiques. Décryptage et illustrations avec les hôtels Hyatt, Menlook, la Fnac, le Crédit Mutuel Arkéa, Voyage Privé, etc.

« La fête est finie ! » L’avertissement est lancé par Marc Ménasé, fondateur de Menlook, site spécialisé dans la mode en ligne qui enregistre plus de 4 millions de visites par mois. S’exprimant lors d’une manifestation organisée par l’EBG, un think-tank français dédié à l’innovation digitale, il explique : « Le e-commerce a connu des années exceptionnelles, mais la concurrence est aujourd’hui extrêmement brutale, et le consommateur a gagné en maturité. Se contenter de mettre des produits sur un site pour les vendre en achetant des mots-clés sponsorisés sur Google, c’est terminé. Particulièrement avec l’arrivée du mobile. »

« En e-commerce, le marketing prédictif améliore la conversion »

À l’instar de la plupart des sites de e-commerce, Menlook est confronté à un double phénomène. D’un côté, l’écran de ses clients devient plus petit : la moitié de son trafic s’opère désormais sur smartphone. « Sur le mobile, on doit aller à l’essentiel », pointe Marc Ménasé. Et de l’autre, son offre explose : avec sa place de marché, Menlook accueille maintenant 1 600 marques, comprenant à la fois des articles haut de gamme et d’autres plus basiques. C’est ici qu’entre en jeu le marketing prédictif. Objectif : proposer d’emblée à l’internaute les produits qu’il est le plus susceptible d’acheter. Sinon, il risque de se perdre dans l’offre et de zapper sur un autre site.

Pour le patron de Menlook, les entreprises qui ont le mieux compris les enjeux actuels sont Amazon et Netflix : « À chaque étage de la fusée et à chaque interaction avec le client, ils mettent en œuvre le plus de solutions techno et marketing possibles pour pouvoir servir au client ce dont il a envie. » 35 % des ventes sur Amazon seraient ainsi générées par des suggestions de produits en fonction de la navigation des clients. Netflix doit lui aussi une grande part de sa réussite à son algorithme de recommandation : face à l’hyperchoix en matière de séries et de films, l’entreprise a développé un logiciel qui donne à ses abonnés des conseils très précis de programmes à regarder en fonction de ce qu’ils ont déjà vu et apprécié.

« En e-commerce, le marketing prédictif permet d’améliorer la conversion », résume Laetitia Comès-Bancaud, cofondatrice d’Early Birds, qui édite une plateforme de marketing prédictif permettant de personnaliser l’expérience client. Pour elle, l’ambition est de retrouver en ligne le niveau de conseil personnalisé qu’un client trouverait dans un magasin physique. « En boutique, sur le point de vente, c’est très facile de sonder une personne. En ligne, c’est plus compliqué. On est obligé de se baser sur les signaux qu’elle nous envoie », explique Laetitia Comès-Bancaud.

Plus d’infos : La table ronde organisée par Early Birds : « L’efficacité réelle du marketing prédictif »

Comment ça marche ?

Avez-vous déjà accepté la proposition d’un site de vous connecter à ses services grâce à votre compte Facebook ? Cela simplifie la procédure d’identification, mais cela permet également au site de recevoir de nombreuses informations à votre sujet. Il peut connaître vos centres d’intérêt, les marques avec lesquelles vous interagissez, les voyages que vous avez effectués, etc. De quoi nourrir un algorithme de recommandation.

Mais le module Facebook Connect n’est qu’une des sources d’alimentation du marketing prédictif. La collecte de data commence par les données de navigation via les cookies déposés sur l’ordinateur de l’internaute. Viennent aussi les données du CRM pour les personnes déjà clientes. « Nous regardons aussi tous les signaux faibles, ajoute Laetitia Comès-Bancaud. Combien de temps une personne passe sur une page, comment elle va agir avec sa souris, quelles sont les activités qu’elle va avoir sur le site, le fait de mettre un produit en panier, une vue sur un produit, un achat, un like, etc. Ce sont toutes ces activités que nous ‘trackons’ et qui ensuite vont avoir un poids dans nos algorithmes, et qui vont permettre de bien sélectionner les produits. » Les algorithmes sont par ailleurs désormais très souvent « auto-apprenant ». On parle de machine learning : ils affinent leurs recommandations en fonction du comportement des internautes suite à leurs propositions initiales.

Plus d’infos : Cofidis retail

Big brother ou nouveau service pour le client ?

Le recours au marketing prédictif se développe notamment car l’accès aux technologies se démocratise. Plusieurs startups ont lancé des solutions plus facilement implémentables, avec des logiciels qui peuvent être disponibles en mode Saas (Software as a service : ils sont hébergés sur un serveur distant et proposés sur abonnement). Et de fait, le marketing prédictif gagne tous les canaux de la relation, permettant de personnaliser les contenus, de mieux cibler les campagnes d’emailing et même d’individualiser l’envoi de catalogues papier (lire 3 exemples de personnalisation de la relation client).

Il devient aussi possible de générer des argumentaires personnalisés à l’attention des conseillers dans le réseau physique, en boutique ou au téléphone : ils peuvent ainsi disposer de la liste des produits ou services qu’un client est le plus susceptible d’acheter (lire Quand algorithmes et vendeurs humains coopèrent).

Ces pratiques peuvent toutefois inquiéter. Même s’il n’est question que d’identifier les produits avec lesquels un internaute a le plus d’appétence, des questions émergent sur la protection de la vie privée. Des questions que la Fnac s’est posée, avant de se décider néanmoins à franchir le pas du marketing prédictif cet été. C’est ce qu’explique au magazine LSA Delphine Jamain, responsable de l’expérience client sur Fnac.com : « Nous nous freinions car nous redoutions de paraître trop intrusifs. [Toutefois] nos études ont montré que nos clients attendaient qu’on les reconnaisse finement, qu’on sache leur proposer ce qu’ils aiment, mais aussi ne pas afficher ce qui ne les intéresse pas. » Le marketing prédictif apparaît ainsi comme un service permettant de gagner du temps, tout en resserrant les liens avec l’enseigne ou la marque, le client se sentant en affinité avec un site qui met en avant ce qu’il apprécie.

Plus d’infos : LSA

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