Mathieu Baudin • Faire de l’avenir un mouvement optimiste
Mathieu Baudin • Faire de l’avenir un mouvement optimiste
Mathieu Baudin
Co-fondateur et directeur de l'Institut des Futurs souhaitables
Le passé, le présent et le futur sont-ils des temporalités silotées ? À en croire Mathieu Baudin, cofondateur et directeur de l’Institut des Futurs souhaitables, pensé comme une école de la prospective et une association qui (se) donne les moyens de construire un avenir désirable, le temps est un formidable terrain de jeu. Un tremplin qui permet d’explorer les époques révolues et de faire des bonds dans celles où tout est à inventer. Pour cet historien du futur, notre capacité de projection dans des futurs souhaitables réside dans notre faculté à multiplier les allers-retours chronologiques.
Les prospectivistes : ni utopistes ni doux rêveurs
« Je me définis comme un explorateur temporel », annonce d’entrée de jeu Mathieu Baudin. Une présentation qui nous laisse deviner une vision du mouvement la plus élastique possible entre des mondes révolus et la perception de signaux faibles et de tendances lourdes piochés dans le présent et mis en perspective à l’aune des enjeux du XXIe siècle. Autrement dit, ces voyages dans le passé sont des matières nécessaires pour tisser « un futur inclusif qui a autant besoin de personnalités comme Pierre Rabhi que comme Elon Musk ». Cependant, face à l’incertitude grandissante, à un futur qui se réduit comme peau de chagrin, comment sont perçus les prospectivistes qui élaborent un scénario souhaitable plutôt que catastrophiste ? « Désormais, nous ne sommes plus hors sol par rapport au futur, certes le temps prospectif s’est réduit mais on nous considère aujourd’hui comme des innovateurs et non plus comme des utopistes. »
Penser demain comme une terre vierge
Dès 1972, il y a donc 50 ans, le rapport Meadows alertait déjà sur les limites de la croissance, les chiffres se confirment, le scénario avancé colle de plus en plus à la réalité. « L’accueil de ce rapport a fini par changer », le mouvement de pensée qui reposait sur la croissance infinie et l’exploitation des ressources limitées de la planète s’est inversé petit à petit. Vu l’urgence et l’irréversibilité auxquelles nous devons faire face, la cadence de la transformation est telle que « nous ne sommes plus dans l’impunité par rapport à l’avenir, le futur, c’est maintenant. Nous assistons aux conséquences de nos actions autant que de nos inactions. »
Si les modes de consommation plus durables et plus responsables entrent dans les mœurs, si ne plus manger de viande n’est plus considéré comme du militantisme, Mathieu Baudin prévient que « la bataille des idées semble gagnée mais ce n’est malheureusement pas parce que l’on sait que l’on fait, donc notre rôle aujourd’hui consiste à trouver d’autres ressorts pour inviter à l’action. » Il emprunte d’ailleurs à Schumpeter, économiste anticonformiste du XXe siècle et remis au goût du jour par Idriss Aberkane, neuroscientifique et essayiste actuel, les trois phases d’une révolution : ridicule, dangereuse puis évidente. « Nous avons dépassé la phase hérétique mais nous devons encore convaincre que la fin d’un monde n’est pas la fin du monde. » Avis aux collapsologues et théoriciens de l’effondrement : « Nous avons les mêmes chiffres mais tout comme la peur n’évite pas le danger, la collapsologie n’évitera pas l’effondrement, ce n’est pas un appareil de solutions. La lucidité n’est pas synonyme de fatalité. » Des mots éclairants pour l’avenir, qui apparaissent comme une invitation à repenser et renouveler tout un système en s'écartant de la tentation de reproduire ou de poursuivre ce que l’on connaît déjà. À créer, en somme, de nouveaux mouvements.