Nicolas Jaimes • L'innovation au stade de l'expérimentation
Nicolas Jaimes • L'innovation au stade de l'expérimentation
Si Internet est arrivé dans nos vies comme une réelle innovation de rupture, les règles du Web 1.0 et 2.0 ont vite été adoptées par les utilisateurs. Mais qu’en sera-t-il pour le Web 3.0 ? Plus exigeant, il demande plus d’autonomie à l’internaute. Décryptage avec Nicolas Jaimes, rédacteur en chef de Minted, un nouveau média sous forme de newsletter consacré à la tech et l’économie du contenu.
Nicolas Jaimes
Rédacteur en chef de Minted
Le Web 3.0, le métavers : pour quoi faire ? À quoi ça sert ?
Le terme métavers est démocratisé par Mark Zuckerberg à l’été 2021 lorsque Facebook change de nom pour devenir Meta. Pourtant rien de nouveau sous le soleil des GAFAM, puisque cet univers immersif et virtuel a été conceptualisé en 1992. Alors pourquoi n’en parler que maintenant ? Pour Nicolas Jaimes, “ le metavers est un paramètre de ce mouvement plus large que l’on appelle le Web 3.0 et qui prône un internet décentralisé ”. En effet, si le Web 2.0 a incité l’utilisateur à créer son propre contenu (le fameux “User Generated Content”), ce sont les plateformes comme Facebook, Instagram ou Google qui ont contribué à le monétiser et le diffuser. La philosophie du Web 3.0 consiste à redonner le pouvoir à ces utilisateurs par le biais des technologies qui abolissent les intermédiaires, comme la blockchain, les NFT ou les crypto-monnaies pour réaliser des transactions. Reste que le Web 3.0 est à ce stade plus une promesse qu’une véritable innovation adoptée de tous. “ La décentralisation des contenus est alléchante mais elle oblige à davantage d’autonomie. Il faut, par exemple, s’affranchir des intermédiaires qui, comme Facebook ou Google, mettent leurs serveurs à disposition. Il faut également payer de sa poche pour faire fonctionner cet univers. La majorité des internautes ne sont pas encore prêts à passer le cap ” explique Nicolas Jaimes. De fait, le métavers est, à ce stade, surtout un univers dans lequel les marques voient une opportunité médiatique. Quelques projets vertueux subsistent néanmoins. Citons Reporter Sans Frontières qui a ouvert une bibliothèque sur Minecraft ; affranchie de toute censure, qu’il s’agisse des celle des autorités ou des GAFAM. Une façon pour RSF de bâtir un refuge pour la liberté de la presse, y compris dans les pays comme la Chine ou la Birmanie. La décentralisation du pouvoir, on disait ?
Les NFT, ces jetons numériques : le pire ou le meilleur de l’innovation digitale ?
Les NFT ont-ils avant tout une visée spéculative? “ À ce stade, c’est souvent le cas, affirme Nicolas Jaimes. Si les gens viennent par appât du gain mais qu’ils restent parce qu’ils prennent conscience des vrais usages des NFT, c’est une façon d’évangéliser un marché. ” Les NFT (Non Fungible Token) sont des jetons numériques adossés à la blockchain, qui permettent de certifier la provenance et la propriété d’un actif digital. Autrement dit, le NFT garantit que l’actif digital nous appartient et qu’il ne peut être corrompu. “ Les marques de luxe pourraient, par exemple, associer un NFT à chacune de leurs références pour éradiquer les risques de contrefaçon ”. De même, un artiste aura davantage d’opportunités de se faire connaître grâce à ses œuvres d’art numériques. Le NFT lui permet de toucher des millions d’utilisateurs là où l’art physique impose souvent de passer par des galeristes. Il lui permet également d’optimiser ses gains puisqu’il lui garantira de toucher des royalties à chaque fois que son œuvre sera remise en vente. Le Web 3.0 est aussi vertigineux que fascinant parce qu’il vient interroger l’essence même de l’innovation. La promesse d’un Web plus décentralisé se heurte à la mise en pratique et à l’adoption de nouvelles technologies par l’utilisateur. La nécessité de récupérer le contrôle de nos données sera-t-elle plus forte que celle de perpétuer les usages imposés par le Web 2.0 ? Clairement, le Web 3.0 est à un carrefour. Avec d’un côté, la tentation d’un nouveau monde où l’utilisateur récupère sa place centrale et, de l’autre, l’immersion dans un monde virtuel pour échapper à un monde réel de plus en plus incertain.