Aéroports et gares : les nouveaux eldorados des marques

07/07/2016

Finie l’époque où les duty free réalisaient l’essentiel de leurs ventes sur les cigarettes et l’alcool. Les zones de flux, comme les aéroports et les gares, sont devenues des lieux stratégiques de commerce pour les marques. Les professionnels décrivent même ce marché comme « le sixième continent », évalué à 5 milliards d’euros en France. De nouveaux services digitaux s’y développent pour simplifier la vie de voyageurs pressés. Décryptage en 7 escales, avec Victoria’s Secret, L’Oréal, l’aéroport de Londres-Heathrow, etc.

1Victoria’s Secret ouvre son tout premier magasin en France à l’aéroport d’Orly

Pour sa première implantation en France, la marque de lingerie américaine Victoria’s Secret n’a pas choisi une prestigieuse artère commerçante comme les Champs-Elysées. Cette enseigne très appréciée des fashionistas a choisi le terminal Ouest de Paris-Orly ! Situé entre les halls 2 et 3, son magasin ouvert en début d’année n’est même pas en zone de duty free…

L’endroit peut sembler surprenant pour cette marque qui s’est forgée une image glamour grâce à des défilés très sensuels. Mais partout dans le monde, l’enseigne privilégie les aéroports pour l’ouverture de ses magasins. La Belgique, par exemple, ne compte que deux boutiques exclusives Victoria’s Secret, toutes deux à l’aéroport de Bruxelles, l’une au Terminal A, l’autre au Terminal B.

La marque de lingerie est loin d’être la seule à avoir des yeux de Chimène pour les aéroports. Le travel retail (le commerce dans les zones de voyage) constitue ainsi pour L’Oréal un axe stratégique de développement. « Ce marché s’apparente à un "sixième continent" », estime Jean-Paul Agon, le PDG de L’Oréal. Et pour accroître ses positions sur ce continent plein de promesses, le groupe a créé en 2013 une direction générale dédiée au travel retail. En croissance de plus de 10 % par an, ce secteur, porté par le développement du tourisme, notamment en Chine, devrait franchir au niveau mondial la barre des 100 milliards de dollars en 2024.

En France, d’après des chiffres cités par le magazine LSA, le marché du travel retail était estimé à 5 milliards d’euros en 2015. Essentiellement dans les aéroports, mais aussi dans les gares qui représentent 30 % de l’activité.

Plus d’infos : Melty fashionCapital

2L’aéroport de Londres-Heathrow propose des personal shoppers

Un aéroport faisant de la concurrence aux quartiers iconiques du shopping à Londres comme Bond Street, Piccadilly Arcade ou encore Regent Street ? C’est le défi que veut relever l’aéroport de Londres-Heathrow. Il a ainsi embauché 38 personal shoppers qui accompagnent déjà quelque 2 000 clients par mois.

Les services d’un de ces personal shoppers se réservent en ligne, sur le site web de l’aéroport. Il prend ensuite contact avec son client pour cibler ses attentes, son budget et le temps dont il disposera à l’aéroport. Sur ces bases, il réalise une sélection d’articles parmi les plus de 140 marques présentes dans l’enceinte de l’aéroport, qu’il présentera dans un lounge confortable et privé (en photo ci-dessus).

Ce service est gratuit, mais s’adresse aux passagers les plus fortunés, pour des achats de plusieurs milliers de livres sterling, atteignant même parfois les 100 000 £ par client.

Plus d’infos : Les Echos

3Comme les autres aéroports, Londres-Heathrow est aussi un « paradis de la data » permettant d’adapter l’offre

L’aéroport de Londres-Heathrow s’intéresse à tous les passagers, pas uniquement les plus fortunés, pour développer ses ventes. Car une fois que les contrôles de sécurité sont passés, commence ce que les professionnels du secteur appellent la « golden hour » : une heure durant laquelle les passagers sont disponibles pour faire les magasins. Et du fait des données enregistrées par les voyageurs, les commerçants savent exactement quelle clientèle se trouve en zone d’embarquement : voyageurs d’affaires ou touristes, nationalités, destinations, etc. C’est un « paradis de la data », pointe le magazine The Economist, qui s’est intéressé aux techniques de vente du travel retail.

Comme dans tous les grands aéroports, les magasins de Londres-Heathrow utilisent ces données pour adapter leur offre, que ce soit pour optimiser leur approvisionnement ou pour personnaliser l’accueil selon les destinations des vols. Sur certains créneaux horaires, des vendeurs maîtrisant parfaitement certaines langues peuvent être mobilisés, adaptant aussi leurs pratiques commerciales aux spécificités culturelles.

Un exemple ? Les Brésiliennes apprécient que les vendeuses vaporisent le parfum sur leur peau, tandis que les Chinoises préfèrent l’usage d’une bandelette de test, illustre The Economist. Les produits mis en avant dans les magasins peuvent également différer selon la clientèle attendue.

Plus d’infos : The Economist

4Les voyageurs peuvent faire du shopping sans quitter leur lounge à Francfort

Lufthansa met désormais des iPad à disposition des passagers qui fréquentent ses lounges de l’aéroport de Francfort. Ces tablettes permettent aux voyageurs de faire leur shopping en ligne dans les différents magasins de l’aéroport, sans quitter leur fauteuil. Les achats leur sont livrés en moins d’une demi-heure. La liste des produits disponibles, initialement surtout de l’alcool et des accessoires de mode, va progressivement s’enrichir.

La compagnie aérienne et l’aéroport de Francfort travaillent, par ailleurs, sur un service de livraison de repas au niveau des portes d’embarquement. Les passagers devraient ainsi bientôt pouvoir passer commande grâce à des tablettes situées au niveau du check-in, et recevoir leur plat juste avant le décollage, dans un emballage adapté gardant la nourriture à bonne température. Commander son repas dans l’aéroport pour le déguster en vol serait une tendance émergente dans le transport aérien.

Plus d’infos : Déplacements Pro

5Les gares deviennent des centres commerciaux qui offrent des rendements inouïs aux marques

Les gares constituent l’autre secteur clé du travel retail, également en forte croissance. La SNCF veut ainsi doubler les revenus commerciaux de ses gares d’ici à 2023. « Cela illustre une transformation des modes de consommation », résume Patrick Ropert, directeur de l’activité gares de la SNCF. Les consommateurs se détournent de la traditionnelle corvée des courses du samedi dans les grands ensembles commerciaux au profit du commerce de proximité, si possible situé sur le trajet travail-domicile, décrypte le journal Les Echos. Au cœur des grandes villes, la SNCF s’inscrit dans cette tendance en dopant l’offre marchande de ses gares. Son objectif : porter la surface commerciale de 180 000 à 300 000 mètres carrés dans les 7 ans à venir.

Les gares ne manquent pas d’arguments pour attirer les commerces. La gare du Nord à Paris compte par exemple 700 000 visiteurs par jour, contre 125 000 pour les Quatre-Temps à la Défense, pourtant l’un des plus grands centres commerciaux d’Europe. Autre exemple : dans une des 6 grandes gares parisiennes ou à la Part-Dieu à Lyon, une marque de textile moyen de gamme réalise en moyenne 16 000 € de chiffre d’affaires au mètre carré, contre 9 000 € dans un centre commercial. A Lyon Part-Dieu, une boulangerie Paul de 40 mètres carrés atteint même 6,5 millions € de chiffre d’affaires, soit 162 000 € du mètre carré !

La SNCF imagine par ailleurs de booster l’activité des commerces en gare grâce à une application pour smartphones qui pourrait permettre « demain de commander un bento ou un panier repas avant d’arriver à la gare », précise Patrick Roper. Il pourrait même être possible de payer grâce à son mobile, le voyageur n’ayant plus qu’à récupérer sa commande au passage, sans s’inquiéter d’une éventuelle attente qui lui ferait rater son train.

Plus d’infos : Les EchosLSA

6La Poste développe son réseau de retrait de colis en gare

Un autre service se développe dans les gares : des consignes de retrait permettant aux voyageurs de récupérer leurs commandes passées sur Internet. Les clients qui choisissent cette option reçoivent, lorsque le colis est disponible, un code envoyé par e-mail ou SMS, qu’il leur suffit de taper pour que le casier s’ouvre. Un service pratique pour retirer ses achats sur son trajet quotidien, sans faire de détour.

Pickup, filiale du Groupe La Poste, a déjà installé 120 consignes automatiques Pickup Station dans les gares d’Ile-de-France. Un accord signé avec la SNCF au printemps 2016 va permettre de déployer 130 autres de ces consignes dans les gares des principales villes de France d’ici la fin de l’année. L’objectif est d’atteindre 500 consignes implantées dans des lieux de flux fin 2017.

Pickup développe aussi un concept alternatif de centre de retrait, des Pickup Store. Ici, pas de casier mais un robot qui récupère les colis dans une immense armoire de stockage. Surtout, les Pickup Store ont vocation à être des lieux de services du quotidien, proposant pressing, retouches, cordonnerie… Il est aussi possible d’y faire réparer son smartphone grâce à un partenariat avec monSAV.com, d’y acheter du vin (avec Le Repaire de Bacchus), des articles d’épicerie fine (avec Coffea) et de profiter des services d’un Relais Poste (affranchissement, prêt-à-poster, lettre recommandée). Trois boutiques Pickup Store ont pour l’instant été déployées, dans les gares de Saint-Lazare à Paris, Ermont-Eaubonne (95) et Evry-Courcouronnes (91).

Plus d’infos : LSA

7Coca-Cola expérimente un nouveau concept de point de vente pour les lieux de transport

Coca-Cola a ouvert mi-juin trois magasins éphémères d’une vingtaine de mètres carrés, implantés gare Saint-Charles à Marseille, gare de Lyon à Paris, et à l’aéroport d’Orly Ouest. Conçus en partenariat avec Areas, la marque de restauration de concession d’Elior Group, ces « Coca-Cola concept stores » proposent une offre de restauration rapide (salades, bagels, viennoiseries…) ainsi, bien sûr, que les boissons du groupe (Coca-Cola, Sprite, Nestea, Fïnley, Minute Maid, etc.).

Mais ces points de vente se veulent aussi des espaces de détente grâce à des expériences digitales. Des écrans interactifs invitent, par exemple, les visiteurs à s’exercer à « Jongles Mania » (photo ci-dessus). Ce jeu connecté dans l’univers du football, Euro 2016 oblige, permet de jouer seul ou d’affronter des joueurs situés dans un des autres Coca-Cola concept store.

« Nous avons voulu créer un lieu d’échanges, de partage et de fun, des valeurs associées à la marque », explique Matthias Loré, directeur digital et e-commerce chez Coca-Cola Entreprises. « L’enjeu est de faire en sorte que les gares et les lieux de transport soient des lieux de vie, ajoute Frédéric Lézy, directeur expérience digital client chez Elior. Nous offrons un petit cocon aux voyageurs en s’efforçant de réduire leur stress. »

Si l’expérience est concluante, Coca-Cola pourrait répliquer ce concept dans d’autres lieux de passage ou de transport comme les autoroutes.

Plus d’infos : Le Figaro