Dans les coulisses du « Nutri-Score » de Leroy Merlin

20/04/2023

Depuis le mois d’avril, Leroy Merlin attribue à ses produits proposés en magasin un indicateur environnemental et social, baptisé Home Index. « Il montre qu’un produit plus vertueux n’est pas nécessairement un produit plus cher », nous explique Marie Simunic, Directrice générale déléguée chargée de l’offre et des marchés chez Leroy Merlin. L’enseigne souhaite partager cet index avec les distributeurs concurrents.

Marie Simunic, Leroy Merlin

Comment est né le Home Index ?

Marie Simunic : Nous avons commencé à travailler sur le projet il y a 3 ans, mais l’origine est encore plus ancienne. Elle tient au mode de fonctionnement de Leroy Merlin. L’entreprise construit sa vision avec l’ensemble de ses collaborateurs, soit près de 30 000 personnes. Leroy Merlin les rassemble tous les 10 ans, avec des représentants de son écosystème : des architectes, des artisans, des fournisseurs, des transporteurs, des clients… Avec un objectif : définir l’entreprise dont nous rêvons pour les années à venir. La dernière mise à jour a eu lieu en 2017, avec comme vision « Construire avec tous les nouvelles façons d’habiter pour mieux vivre demain ». Cela a posé la base de la démarche. En tant qu’entreprise, si nous voulons améliorer notre empreinte sur le monde, la plus grande partie vient de nos produits.

Le Home Index était d’abord un projet interne ?

Exactement. Pour améliorer nos produits en marque propre, nous avons dû nous appuyer sur des éléments tangibles et mesurables. Nous sommes arrivés à 26 critères, répartis en 6 catégories : matières premières, conditions de production, packaging, composants, consommation d’eau et d’énergie, durée de vie et réparabilité. Ce sont les points sur lesquels nous voulons progresser socialement et environnementalement et pour lesquels nous avons de la donnée partageable avec nos fournisseurs. Progressivement, nous avons réalisé que si cette donnée était précieuse pour nous et nos fournisseurs, elle pouvait aussi l’être pour nos clients pour leur permettre de choisir en conscience. Avec un système simple de notation, allant de A pour les meilleurs produits à E pour les moins bons.

Qu’est-ce qui a été le plus compliqué dans ce projet ?

Nous ne voulions surtout pas faire de greenwashing. Nous sommes depuis plusieurs années l’une des enseignes préférées des Français*, avec un vrai capital confiance construit sur la promesse de ne pas tricher et de faire au mieux pour nos clients. Il nous a fallu définir des critères irréfutables et récupérer toute cette donnée. Une partie est obligatoire mais il a fallu obtenir ce qui manquait, et structurer nos systèmes d’information. Cette donnée était éclatée à plusieurs endroits dans l’entreprise, dans des systèmes liés à la qualité, au SAV, dans des résultats d’audit, etc.

Nous avons aussi sollicité plusieurs organismes pour mettre au point notre démarche : le cabinet indépendant Mazars, le programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe)… Et nous avons fait valider la méthodologie par le Pôle Écoconception de Saint-Étienne, qui est le pôle référent en matière de données sociales et environnementales. Ces organismes nous ont aidés à avoir un outil fiable et crédible.

Cette certification a-t-elle un impact sur le prix des produits ?

Non. C’est de la donnée dont nous disposions déjà pour la plupart. Il n’y a pas de réelle charge de travail additionnelle. Et nous avons découvert qu’un produit plus vertueux n’est pas nécessairement un produit plus cher. L’image de produits plus chers car meilleurs nous vient notamment du bio dans l’alimentaire, avec de vraies raisons d’ailleurs. Mais ce n’est pas nécessairement le cas dans notre univers. Quand vous changez un packaging plastique pour un packaging en carton, ou même pour ne plus avoir de packaging, ce n’est pas forcément plus cher. Cela oblige surtout à voir les choses autrement.

Nous avons par ailleurs observé qu’aucun des produits évalués par le Home Index n’était classé E. Le travail que nous menons depuis des années est déjà perceptible, et ne s’est pas traduit dans le prix des produits.

Le Home Index est affiché en magasin à partir de ce mois d’avril, mais il est déjà proposé sur le site de Leroy Merlin depuis le mois de décembre. A-t-il eu un impact mesurable sur les ventes ?

Assez peu encore, pour plusieurs raisons. Nous avons démarré avec des produits en marques propres. 35 000 références… sur les plus d’un million que nous proposons en ligne ! Notre enjeu est aujourd’hui de passer à un socle plus large de références. Les notes de Home Index sont un des critères de choix, avec le prix, le style, l’usage… Il faudra arriver à couvrir tous les usages pour voir de vraies bascules. Nous sommes convaincus qu’elles vont se produire.

Nous avons comme repère le Nutri-Score. Il n’a pas eu chez les consommateurs un effet immédiat. Le client qui recherchait un biscuit d’une marque en particulier a continué à l’acheter même s’il était E. En revanche, ce qui a foncièrement changé, c’est que l’on a vu apparaître des notes B et C dans les biscuits, ce qui n’existait pas auparavant. Le Nutri-Score a d’abord fait changer les industriels, qui ont mis au point des produits meilleurs. Quand on donne aux entreprises des outils de mesure pour s’améliorer, elles ont pour la plupart envie de progresser. Et cela fait ensuite changer les comportements. Quand les consommateurs ont commencé à trouver non plus uniquement du E en rayon, mais aussi du B et du C, ils ont progressivement revu leurs habitudes.

Cet index a vocation à être généralisé ?

Nous voudrions en faire un indicateur universel. Il va être étendu à l’ensemble de notre offre. Nous sommes en train d’échanger avec nos différents fournisseurs. Et nous sentons un bon accueil. Ils investissent beaucoup pour proposer des produits de qualité et ils apprécient qu’une information objective permette aux consommateurs d’en juger.

Nous souhaitons aussi ouvrir le Home Index à l’ensemble des enseignes qui voudraient l’utiliser. Au deuxième semestre, nous allons déjà être rejoints par les autres distributeurs du groupe Adeo auquel appartient Leroy Merlin, comme Bricoman et Weldom. Et nous sommes en discussion avec des confrères que cela intéresse.

Le Home Index n’est pas le seul indicateur dont dispose le consommateur. Il existe aussi un étiquetage énergétique, un indice de réparabilité, différents labels… Le consommateur ne risque-t-il pas de se perdre face à trop d’informations ?

C’est un vrai sujet qui a été l’objet de nombreux échanges en interne. Notre réponse a été d’intégrer dans le Home Index tout l’étiquetage légal. Si une nouvelle réglementation émerge, elle sera automatiquement intégrée. Comme je le disais, il a vocation à être un indicateur universel. Il sera d’ailleurs utilisé en France et dans d’autres pays. Nous sommes en train de le déployer en Pologne, en Italie, en Espagne, au Portugal, en Grèce, etc.

(*) Enquête EY Parthenon 2020 - 2023