Dominique Schelcher : « Notre rôle de commerçant est de réconcilier le citoyen et le consommateur »

26/01/2023

Président de Système U, Dominique Schelcher nous donne sa vision de la proximité avec les consommateurs. Il défend le magasin comme lieu de vie, où « tout le monde se retrouve le samedi matin pour faire ses courses ». Avec l’obligation de répondre aux attentes sur le pouvoir d’achat et aussi sur la consommation responsable.

Dominique Schelcher

Dans quel état d’esprit sont vos clients ?

Dominique Schelcher : Le premier mot qui me vient à l’esprit, c’est « préoccupés ». Préoccupés en premier lieu par un contexte économique compliqué, avec un fort impact sur le pouvoir d’achat, notamment chez une partie des Français pour qui la situation est très tendue. Les consommateurs cherchent des solutions et ils arbitrent quand ils font leurs courses.

Un élément traduit bien cette préoccupation : le niveau d’épargne. Malgré le contexte, il est aujourd’hui très important en France. Même les personnes qui ne gagnent pas beaucoup d’argent en mettent de côté si elles le peuvent car elles ont peur de l’avenir, pour elles-mêmes et pour leurs enfants. 

Qu’est-ce que les consommateurs attendent d’une enseigne comme la vôtre ?

Ils attendent qu’on leur facilite la vie sur le terrain du pouvoir d’achat. Avec plus de promotions que jamais, une carte de fidélité renforcée pour qu’ils puissent chaque mois cagnotter des euros, des fruits et légumes à prix coûtant sur lesquels nous ne prenons pas de marge pour rendre les produits français accessibles, etc. La grande distribution en France a toujours eu un rôle majeur contre l’inflation du quotidien.

Les consommateurs recherchent plus de proximité avec les enseignes ?

Pour moi, la première proximité qu’ils attendent est humaine. Les gens ont besoin d’avoir des relations avec des commerçants incarnés. Les Magasins U sont très présents dans les zones rurales, où discuter avec une caissière, avec un boulanger, avec le boucher du magasin, est important pour un certain nombre de personnes.

Notre vision est celle d’une proximité avec l’ensemble des parties prenantes : les clients, les collaborateurs et les petits producteurs locaux. Nous sommes l’enseigne qui a la plus grande part de produits locaux et régionaux. C’est notre culture, et ce sont des produits qui sont appréciés de nos clients. Nous sommes aussi proches du monde associatif local. Nous sommes un des plus gros sponsors d’équipes locales de foot, de hand, de basket… Sans oublier que Système U est une coopérative, chaque magasin est exploité par un entrepreneur indépendant.

Dans votre livre, Le bonheur est dans le près, vous décrivez « une société multi-fracturée ». Comment les enseignes peuvent-elles contribuer à recréer du lien social ?

Nous sommes des lieux de vie. Le mouvement des Gilets Jaunes a été exacerbé dans les secteurs où deux choses avaient disparu : les services de santé de proximité et les commerces de proximité. Les études ont montré qu’il y avait plus de Gilets Jaunes dans ces zones-là. Cela dit bien que le commerce contribue au lien social et au vivre ensemble. Quand ce vivre ensemble n’est plus là, la situation se délite. Nous sommes à 50 % dans des communes de moins de 5 000 habitants, où nous sommes des lieux de sociabilité et d’échanges. Le samedi à 10 heures, venir faire ses courses dans un Super U à la campagne, c’est un moment où tout le monde se retrouve.

Vous êtes vous-même toujours propriétaire et exploitant d’un magasin familial à Fessenheim dans le Haut-Rhin…

Je vous le disais, nous sommes une coopérative de commerçants indépendants. Les dirigeants du groupement sont des patrons de magasins. Personnellement, je suis 4 jours à Paris et 2 jours dans mon magasin en fin de semaine. Je tiens à garder cette proximité et cette forme de double vie. Quand je viens à Paris le lundi matin traiter de sujets nationaux, je viens en connaissance de cause du dialogue que j’ai eu avec mes collaborateurs et avec mes clients. Je sais ce qui se passe sur le terrain. Mes collègues font de même. Cette proximité au terrain, ce que j’appelle la proximité au carrelage, en référence au magasin, permet de rester connecté aux réalités que vivent les Français.

Les crises actuelles ne sont-elles pas un frein vers le passage à une consommation plus responsable, le critère prix devenant le plus important ?

Je considère que l’année 2022 a été un accélérateur. Quand les gens subissent en été des incendies de forêts, des canicules qui font des morts, des intempéries dévastatrices, ils touchent du doigt le dérèglement climatique. Et ils prennent conscience qu’ils ont un rôle à jouer avec leurs actes de consommation. Une part grandissante de Français se dit prête à changer de comportements pour contribuer à préserver la planète. Les crises de façon générale sont des accélérateurs.

Il y a naturellement une contradiction entre le citoyen qui est dans cette dynamique responsable, et le consommateur qui peut être contraint dans ses actes d’achat. Notre rôle de commerçant est de réconcilier le citoyen et le consommateur. Cela se traduit en proposant des produits avec moins d’emballages, en favorisant le recyclage, en développant les produits vendus en vrac, etc. Nous tendons la perche aux clients pour leur permettre d’avoir des actes de consommation bons pour la planète, et bons pour leur pouvoir d’achat.

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