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Pourquoi la production à la demande séduit marques et clients

06/02/2020

Produire au plus juste des besoins des clients, en conciliant personnalisation et lutte contre le gaspillage. Cette préoccupation monte en flèche chez les marques. D’autant que la production à la demande diminue les stocks et les risques. L’intelligence artificielle entre aussi en scène pour essayer de ne produire que ce qui sera vendu.

1Promod expérimente la production à la demande

En septembre dernier, la marque de prêt-à-porter féminin a proposé à ses clientes de commander une version personnalisée d’un de ses modèles iconiques, le manteau Gisèle. Originalité de la démarche pour cette enseigne traditionnelle : les manteaux n’étaient produits qu’après commande, pour une livraison un mois après. Les clientes pouvaient choisir entre trois longueurs (court, standard ou long) parmi onze coloris différents, pour un tarif unique de 129,95 euros.

L’opération a été un succès. « Nous avons eu plus de 2 000 clientes, et quasiment aucun retour », se félicite dans Fashion Network la directrice générale de Promod, Nadine Caux. Certes, l’enseigne ne prenait pas un grand risque. Le fabricant, au Maroc, était habitué à produire ce modèle, et la matière aurait pu être facilement réutilisée si le manteau ne s’était pas vendu. Mais le test n’en est pas moins révélateur de la volonté des marques de prêt-à-porter de renouveler leurs pratiques. Il s’agit de trouver des réponses pour réveiller le marché déprimé des ventes de vêtements neufs. Nadine Caux l’exprime sans ambages : « Nous avons fait beaucoup d’argent, puis on s’est pris une raclée : il faut aujourd’hui transformer un modèle qui a 40 ans ».

Ce premier pas de Promod dans la production à la demande s’inscrit dans une évolution plus vaste des stratégies d’approvisionnement des marques de mode, observe Fashion Network. « Nous sommes face à un vrai mouvement de fond, insiste le directeur de l’observatoire économique de l’IFM (Institut Français de la Mode), Gildas Minvielle. Il y a désormais chez les distributeurs une volonté de s’approvisionner en fonction de ce qu’ils vont vendre, et d’arrêter la boulimie d’approvisionnement. Et cela pour plein de raisons : parce que le marché est en contraction, mais aussi par démarche écoresponsable. C’est très spectaculaire. »

2Maison 123 lance des ateliers pour se rapprocher des demandes de ses clientes

La marque de prêt-à-porter du groupe Etam est allée encore un peu plus loin dans le concept de mode on demand. En novembre dernier, l’enseigne a lancé les Ateliers Maison 123 selon un principe simple : faire s’exprimer les clientes pour cerner au mieux leurs attentes. La démarche a commencé avec un panel de consommatrices autour du « pull à torsade idéal ». Coupe, couleur, composition, prix… Maison 123 a élaboré le cahier des charges en toute transparence avec ses clientes, allant jusqu’à détailler ses coûts de production, avant de mettre l’article en vente en précommande.

Lancer la commercialisation d’un article avant qu’il ne soit produit : les grandes marques s’inspirent d’un concept popularisé par des DNVB (digital native vertical brands). En France, les marques pour hommes The French Tailor ou Asphalte proposent des ventes événementielles, fortement relayées sur les réseaux sociaux auprès de leur cible, fixant un objectif minimal de précommandes avant de lancer la fabrication.

Personnalisation, lutte contre le gaspillage, optimisation des coûts… Les avantages de la production à la demande sont nombreux. D’autant que de nouvelles technologies permettent de baisser les coûts de production en automatisant les process de fabrication. Ce que propose par exemple la startup française Tekyn qui travaille avec Cache-Cache, Camaïeu ou encore La Redoute pour leur permettre de produire des articles à la demande, en petite quantité.

La question de l’ajustement des stocks va s’installer durablement dans l’agenda des distributeurs : l’Assemblée Nationale vient de voter l’interdiction de détruire les invendus non alimentaires, comme l’indique Le Monde.

3L’Oréal veut déployer un peu partout des « Little Factories » pour produire sur mesure

« Un projet industriel de rupture. » C’est ainsi que le journal Les Échos décrit l’initiative dévoilée l’an dernier par L’Oréal. Baptisée My Little Factory, il s’agit d’une usine miniaturisée capable de fabriquer des fonds de teint personnalisés pour la marque Lancôme. Le groupe veut en déployer partout dans le monde, en commençant par les États-Unis.

Une cliente déterminera, en boutique ou via une appli, la teinte exacte qui lui convient et cette ligne de production 100 % automatisée pourra la fabriquer très exactement grâce à une palette de 22 000 couleurs de fonds de teint. « Tout l’enjeu est de passer de 7 milliards de produits fabriqués par lots de 500 kilos chaque année par L’Oréal, à une production à l’unité de 30 millilitres », explique Stéphane Lannuzel, responsable digital des opérations chez L’Oréal. My Little Factory sera capable de fabriquer à la demande une centaine de références par heure.

Ce projet s’inscrit dans la tendance à la personnalisation de plus en plus pointue des produits cosmétiques, tout en en limitant l’impact environnemental. « En fabriquant des produits répondant à des besoins précis, on évite la production en masse, qui n’a plus de sens », estime dans Femina Pierre Bisseuil, directeur de recherche au sein de l’agence de tendances Peclers. D’après le ministère de la Transition écologique, sur les 630 millions d’euros de produits non alimentaires détruits chaque année, une très grande part vient du domaine de l’hygiène et des cosmétiques.

Lancôme croit fortement à la production à la demande de cosmétiques personnalisés. La marque a aussi installé dans son tout nouveau flagship des Champs-Élysées, inauguré en décembre dernier, un autre dispositif de fabrication sur mesure de fond de teint, « Le teint particulier ». La peau est d’abord analysée par une conseillère à l’aide d’un petit scanner, puis les clientes assistent à la fabrication d’une formule unique faite spécialement pour leur carnation. La machine est de la taille d’une grande machine à café et fabrique le fond de teint en une vingtaine de minutes.

4L’Occitane invente le Nespresso de la beauté pour fabriquer ses crèmes chez soi

D’ici quelques mois, les personnes souhaitant une crème de soin personnalisée n’auront même plus besoin de se rendre en boutique ou de passer commande sur Internet : L’Occitane vient de présenter au CES de Las Vegas, en partenariat avec Rowenta, un appareil permettant de produire à domicile des cosmétiques personnalisés. Cette machine baptisée Duolab utilise des capsules pour fonctionner, à la manière des cafetières Nespresso.

L’utilisateur combine deux capsules, une base et un concentré d’actifs, que l’appareil mélange et chauffe pour fabriquer en 90 secondes une dose de soin, à appliquer immédiatement. Après un diagnostic des besoins de la peau, Duolab détermine un protocole de soin personnalisé parmi 15 combinaisons possibles, éventuellement différentes entre le matin et le soir.

Le dispositif sera d’abord commercialisé en Grande-Bretagne, l’utilisateur pouvant soit acheter des capsules à l’unité, soit s’abonner pour les recevoir chaque mois. Les ingrédients, à base de produits naturels, sont produits par L’Occitane, mais le groupe n’exclut pas de collaborer avec d’autres marques dans le futur.

5Les restaurants Ikea misent sur l’IA pour réduire le gaspillage

Près de deux millions de repas. C’est ce que sert chaque jour Ikea Food, l’entité de restauration du leader de l’ameublement. Une activité amenée à prendre de plus en plus d’importance. Pour être en phase avec les valeurs environnementales de l’enseigne, ainsi qu’avec son positionnement prix, Ikea Food a annoncé lors de la NRF, le salon du retail à New York, qu’elle allait revoir de fond en comble la gestion de sa chaîne d’approvisionnement. Une nouvelle plateforme, basée sur le Machine Learning et développée par JDA Software, va être déployée dans les restaurants au troisième trimestre de cette année. Grâce à l’analyse de centaines de variables pour identifier les préférences des clients et anticiper les plats qu’ils vont commander, cet outil permettra de prévoir au plus juste les approvisionnements tout en évitant les ruptures de stock. Avec à l’arrivée, une optimisation des coûts et moins de gaspillage alimentaire.

L’intelligence artificielle est de plus en souvent utilisée pour gérer au mieux les approvisionnements et réduire les invendus. « Auchan a par exemple réduit de 10 tonnes par magasin de 1 000 mètres carrés la nourriture gaspillée via un outil d’optimisation basé sur l’IA », indique l’Usine Digitale.

6H&M utilise aussi l’IA pour aligner l’offre et la demande 

Souvent présentée comme un symbole de la fast fashion, H&M s’emploie à modifier radicalement cette image et multiplie les initiatives en faveur d’une mode plus responsable. L’enseigne a par exemple annoncé qu’elle n’utilisait plus que du coton durable dès cette année. Mais une des actions les plus efficaces en matière d’environnement est d’essayer de ne produire que ce qui sera effectivement vendu. C’est un des objectifs du département dédié à l’intelligence artificielle qu’a créé H&M en 2018 et qui emploie aujourd’hui 270 personnes.

« Comment être sûr de disposer du bon produit, au bon endroit, au bon moment ? », a illustré Arti Zeighami, le responsable de l’intelligence artificielle au sein du groupe suédois, qui intervenait lui aussi lors du salon NRF de New York. Et de préciser : « Aujourd’hui, très spécifiquement, nous tentons de déterminer, et de quantifier, dans quels cas un consommateur va acheter tel ou tel article ». H&M tente ainsi de réduire au maximum la production superflue, souligne Ecommercemag.fr.

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