Comment Mulhouse veut réinventer un quartier grâce à son jumeau numérique

23/02/2023

Mulhouse veut faire de la reconversion d’une immense friche industrielle un laboratoire de la ville du 21e siècle. Ce futur quartier sera doté d’un jumeau numérique contribuant à la transformation écologique et à une plus grande participation des citoyens. Explications de Jean-Philippe Bouillé, Adjoint au Maire de Mulhouse chargé de l’urbanisme, et de Marie Hottinger, Adjointe au Maire de Mulhouse déléguée à l’innovation, au numérique et à la smart city.

Marie Hottinger et Jean-Philippe Bouillé

Dans quel contexte intervient la création d’un jumeau numérique à Mulhouse ?

Jean-Philippe Bouillé : Il va aider à la transformation du site industriel historique de DMC situé au cœur de la ville. L’entreprise textile n’occupe plus qu’une petite partie de ce périmètre de 13 hectares qui comprend 115 000 m2 de surfaces de planchers aujourd’hui utilisées à environ 20 %. Des activités liées à l’économie créative y sont déjà implantées. L’objectif est d’en faire un quartier à part entière, avec des logements, un collège, des commerces, des restaurants, etc.

Nous voulons faire de la transformation de ce site un laboratoire de la ville du 21e siècle. Pas uniquement d’ailleurs au travers du jumeau numérique, mais aussi en termes de transformation écologique de la ville. Nous voulons par exemple réserver le cœur du site aux mobilités douces.

Marie Hottinger : Mulhouse porte une stratégie de ville de toutes les intelligences. Nous possédons déjà une maquette numérique en 3D de toute la ville à partir du passage d’un avion qui a scanné le territoire. Mais nous ne voulons pas développer le numérique pour le numérique : nous voulons le mettre au service de l’intérêt des habitants. Cette maquette en 3D nous permet ainsi d’intégrer les évolutions futures de la ville et de les partager avec les habitants.

Nous voulions aller plus loin en mettant à disposition un outil intelligent et interactif tel que le permet la technologie du jumeau numérique. L’idée est d’avoir une plateforme collaborative reposant sur la mise en commun des données des acteurs du quartier, qu’ils soient publics, privés, associatifs, citoyens… Comme nous ne pouvons pas le faire d’un coup de baguette magique à l’échelle de la ville, nous profitons de la transformation du site de DMC pour l’expérimenter à l’échelle d’un quartier.  

Comment s’est concrétisée cette volonté d’expérimenter un jumeau numérique ?

Jean-Philippe Bouillé : Avec la Région Grand Est et l’Agglomération de Mulhouse, et en partenariat avec EDF, nous avons répondu à un Appel à manifestation d’intérêt « Démonstrateurs de la ville durable », lancé par l’État dans le cadre du programme France 2030. Nous travaillons avec EDF car nous avons besoin d’un apport de technologies pour la ville de demain, et EDF dispose d’une technologie de jumeau numérique, développée pour la gestion de leur parc électrique, pour laquelle ils cherchent des domaines applicatifs.

Nous avons été retenus pour une première phase d’incubation avec un financement d’un million d’euros (500 000 euros de l’État, 300 000 euros des partenaires dont EDF, et 200 000 euros de la Ville). Cette étape d’études et de conception technique va durer toute l’année 2023, avant une deuxième phase d’investissement si le projet est concluant, ce que nous espérons.

Que va apporter le jumeau numérique à la transformation du site ?

Marie Hottinger : Il a vocation à être une composante à part entière du quartier. Ce jumeau numérique n’est pas juste un outil que l’on pose au début et qui s’éteint à un moment donné. C’est un outil pour un usage au quotidien, au long cours, autant pour les entreprises que pour les habitants.

L’expérimentation va nous permettre d’avancer sur deux axes principaux. Premier axe : la dimension environnementale dans tous ses aspects d’énergie, de mobilité, de traitement de l’eau, etc. Nous allons ainsi capter de la donnée liée à la consommation énergétique des bâtiments pour être plus vertueux dans l’utilisation de l’énergie.

Deuxième axe : la participation citoyenne et le mieux-vivre ensemble. Le jumeau numérique sera un socle pour l’organisation d’événements en commun ou encore le partage d’équipements et d’objets.

Comment le jumeau numérique peut-il contribuer à une plus grande participation citoyenne ?

Jean-Philippe Bouillé : Un des objectifs est d’éviter la multiplication d’équipements utilisés très peu de temps, mais qui ont un impact environnemental à plein temps. Cela peut être l’instauration de salles de réunions partagées entre les entreprises. Même principe pour les particuliers, avec des objets que nous pourrions posséder collectivement. C’est l’exemple de la perceuse que nous n’utilisons que quelques minutes et que nous pourrions partager. Le jumeau numérique pourrait localiser des équipements et des objets partagés et en faciliter l’utilisation collective.  

Nous sommes près de la Suisse où les immeubles d’habitation disposent fréquemment d’une buanderie collective. Les habitants y réservent les machines à laver en inscrivant leur nom sur une feuille de papier ou en ayant des créneaux réservés. La technologie pourrait nous aider à gérer ce type de buanderie partagée, en pouvant même être prévenu quand la machine a fini de tourner. 

Marie Hottinger : L’intention est d’avoir des applications sur smartphone connectées au jumeau numérique, permettant de consulter par exemple la disponibilité d’un équipement et de le réserver. La phase d’études va nous permettre d’identifier les besoins et les attentes des entreprises et des habitants. C’est une initiative qui s’inscrit dans la durée. On peut imaginer que d’autres données soient collectées demain via des capteurs de niveau de pollution, de trafic automobile, de fréquentation des bâtiments… La concertation avec les habitants et les futurs utilisateurs sera déterminante pour faire vivre le projet.

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