Olivier Chevreau • La sobriété, une occasion de se transformer
21/02/2023Leader de la conception et de la fabrication de systèmes de câbles, le groupe français Nexans est l’un des principaux acteurs industriels de l’électrification à travers le monde.
Olivier Chevreau
Vice-président du développement durable chez Nexans
Si la demande en électricité va augmenter de 20 % d’ici à 2030, les ressources naturelles et les matières premières nécessaires à la production des câbles continuent de s’amenuiser. Comment Nexans conjugue-t-il profitabilité, performance et sobriété ? “En ne privilégiant jamais la croissance au détriment des ressources”, répond en substance Olivier Chevreau, vice-président du développement durable au sein du groupe.
Selon vous, quels sont les piliers fondateurs pour mettre en œuvre une politique de sobriété au sein d’une entreprise ?
Tout d’abord, il faut s’assurer que cet objectif puisse rallier le plus grand nombre de personnes dans l’organisation. Il est également nécessaire d’avoir une bonne connaissance des ressources utilisées, à savoir l’énergie, les matériaux, les matières premières et les consommables. Avoir une vision la plus précise possible de sa consommation est un atout pour optimiser l’usage de l’énergie en remplaçant des machines énergivores par des solutions plus économes. Parallèlement à la maîtrise de sa consommation énergétique, il faut être économe dans les matériaux utilisés pour la production des biens et des services. Dans notre cas, nous devons rationner notre utilisation du cuivre et de l’aluminium, qui sont les principaux conducteurs des câbles électriques. Il est absolument nécessaire d’encourager le recyclage et la collecte des câbles obsolètes pour réutiliser les métaux et limiter le risque de pénurie bien réel. Cette transformation nécessite d’être comprise par les employés, les actionnaires, les investisseurs mais aussi par les fournisseurs et les clients.
Et comment rassembler les parties prenantes autour de cette nouvelle stratégie ?
La sobriété environnementale est un succès lorsqu’elle est directement liée à la place que l’on réserve aux acteurs de la chaîne et à la façon dont on les engage dans ce changement de paradigme. Prenons le cas de l’économie circulaire : Nexans est un acteur industriel avec près de 70 usines aptes à réutiliser le métal et l’isolant dans leurs processus industriels pour produire des câbles à contenu recyclé. Cette opération n’est possible que si les clients, et les clients des clients, apportent les câbles démantelés sur les chantiers, les restes de câbles posés ou les câbles obsolètes. C’est donc toute une démarche collective qui permet de mieux gérer la matière première. Chacun est gagnant parce qu’il contribue à sécuriser cette matière et à partager sa valeur aussi bien économique qu’environnementale.
Quelle place accordez-vous à la performance dans une telle configuration ?
La force de Nexans est de lier sobriété et profitabilité dans son modèle de performance. La profitabilité volumique au détriment des ressources n’est pas considérée comme une bonne performance. Depuis plusieurs années, le groupe refuse de donner une guidance sur le chiffre d’affaires, indiquant par là que la croissance et la croissance des volumes ne sont pas une priorité, compte tenu du risque de pénurie justement. L’objectif de Nexans est d’apporter de la valeur aux clients et aux actionnaires. Par ailleurs, si on fait le choix de la sobriété, on voit facilement l’intérêt économique de cette démarche. Optimiser l’énergie, utiliser moins de matériaux, tout cela génère des économies financières qui servent la performance. Nous travaillons avec les responsables des business dans ce sens : les objectifs de nos unités en termes de volume dépendent de leur profitabilité et de leur niveau de décarbonation. Nous plafonnons aussi le nombre de références afin de limiter la complexité industrielle, logistique et commerciale, ce qui évite de détériorer les marges financières et limite l’utilisation des ressources. Troisième point, nous intégrons le prix interne du carbone afin d’avoir une vision combinée de la performance financière et environnementale. Ce point de vue global nous aide pour décider d’un investissement ou d’une dépense. Enfin, nous analysons nos marges par le prisme de la qualité afin de nous assurer qu’il s’agit réellement d’une croissance durable. Moins de matériaux, moins de produits ne signifient pas moins de performance, surtout si l’innovation s’en mêle !
La sobriété a-t-elle un avenir ? Est-ce un modèle qui va s’imposer ?
La sobriété est une nécessité. Ces dernières années ont révélé une série de crises difficilement prévisibles qui, conjuguées à la crise climatique, vont continuer à toucher différents secteurs d’activité. En gérant au mieux ses ressources, une organisation peut s’adapter, réagir à une crise et faire que celle-ci soit une occasion de se transformer, bien plus que le risque de disparaître.
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