Comment se différencier en évitant le risque de greenwashing ?
20/09/2023La loi Climat et résilience en France et le projet de directive européenne sur la protection des consommateurs relèvent le degré d’exigence en matière de communication responsable. Les entreprises peuvent se trouver accusées de greenwashing en pensant bien faire. C’est toute la stratégie de communication qui doit être revue en lien avec la démarche RSE. Mathieu Jahnich nous livre quelques clés.
Les entreprises se doivent de communiquer sur leur stratégie bas carbone mais le contexte exige de la transparence. Peut-on dire qu’elles font davantage ou moins de greenwashing qu’avant ?
Mathieu Jahnich – Les entreprises font davantage de greenwashing parce que, mécaniquement, elles sont plus nombreuses à vouloir communiquer sur le sujet. Elles n’ont pas nécessairement des équipes en interne ou des agences formées aux enjeux écologiques et aux cadres déontologiques et réglementaires, et donc, nous constatons plus d’erreurs. Je ne dis pas qu’elles le font de manière consciente et volontaire. Très souvent, il s’agit de maladresses. Elles me disent parfois qu’elles ont la sensation de bien faire mais ont peur, finalement, de prendre la parole. La question est donc : comment peut-on se différencier tout en évitant le risque de greenwashing, ou du moins en le réduisant au maximum ?
En même temps, il est essentiel de communiquer sur ces sujets, en interne comme en externe. Sinon, vous créez un décalage, de la démotivation, vous n’attirez plus les talents ni les clients et les investisseurs.
En quoi les réglementations française et européenne vont-elles faire bouger les lignes ?
M. J. – Avec la réglementation, nous allons avoir un encadrement strict de certaines allégations. Toutes les entreprises seront concernées. Pour affirmer qu’un produit est plus responsable, il va falloir apporter des éléments de preuve. Un projet de directive sur la protection des consommateurs est en négociation au Parlement européen. Il devrait exiger la vérification de chaque allégation par un organisme tiers, notamment sur la neutralité carbone. Ce qui est mis en avant dans la loi Climat et résilience en France. Depuis janvier 2023, il est interdit aux annonceurs d’affirmer qu’un produit ou service est « neutre en carbone » sans présenter un bilan des émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble du cycle de vie, la trajectoire de réduction prévue des émissions, ainsi que les modalités de compensation des émissions résiduelles. Cette décision européenne, si elle est adoptée, est totalement nouvelle. D’ici deux ans, elle pourrait être appliquée dans le droit français. Le signal envoyé est fort : il y aura un contrôle strict des allégations avant diffusion. Aujourd’hui, le contrôle est réalisé en amont uniquement pour les spots TV et de façon optionnelle pour tous les autres supports.
Quelles sont alors les clés pour une communication responsable aboutie ?
M. J. – La principale clé, c’est d’avoir une bonne stratégie de responsabilité, notamment de décarbonisation. Comment allez-vous réduire significativement vos émissions ? En quoi votre trajectoire est-elle compatible avec l’accord de Paris ? Pour valoriser votre action, vous avez besoin d’équipes qui comprennent les enjeux climatiques, déjà, qui comprennent ce qu’est un scope 1, 2, 3 ou encore le SBTI [ndlr : l’initiative Science Based Targets est une démarche collective visant à réduire l’empreinte carbone]. Des équipes qui connaissent les cadres réglementaires et déontologiques, et qui ont une véritable culture sur le greenwashing, et capables de faire des propositions pertinentes.
Évidemment, la publicité est faite pour vendre et il est compliqué de vendre une stratégie de décarbonisation. Mais vous avez de bons exemples de publicités où les entreprises expliquent de quelle manière elles sont engagées. C’est vraiment une posture d’humilité par rapport aux enjeux.
Il faut aussi que cette stratégie soit présente sur le site internet. Quand vous êtes formé au marketing, à la communication, vous êtes formé pour enjoliver, pour prendre le meilleur. Il va falloir prendre un peu de recul et accepter de montrer les arbitrages et les difficultés rencontrées. La perception de la société va aussi évoluer avec l’engagement des entreprises. Depuis trois ans, nous assistons à une cristallisation de l’attention et des critiques sur certaines thématiques, notamment le plastique. Les entreprises qui ne font pas l’effort de suivre ces évolutions seront montrées du doigt. Elles ont donc un virage à prendre en termes de communication.
La Bio de Mathieu Jahnich
Depuis vingt ans, il explore et analyse les enjeux communication et marketing des organisations, en particulier dans les domaines de l’environnement et de la responsabilité sociétale. Communication et marketing responsables, communication sur la RSE, publicité et environnement, greenwashing sont ses thèmes de prédilection. Sa posture : « de la recherche à l’action ».
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