« Les consommateurs sont en quête de familiarité avec les marques »
26/01/2023« Les gens ne comprennent plus la société dans laquelle ils vivent. » C’est le constat que dresse Rémy Oudghiri, sociologue et directeur général de Sociovision, l’entité du groupe Ifop dédiée au suivi des tendances et à la prospective. Un des enjeux pour les marques est de remettre du sens. Et de faire preuve d’empathie pour aider à traverser les grands chocs que nous connaissons.
On dit les consommateurs fatigués, tendus, anxieux… C’est aussi la lecture que vous faites à Sociovision ?
Rémy Oudghiri : Ce que j’observe avant tout, c’est que les gens ont aujourd’hui beaucoup de mal à comprendre le monde dans lequel ils vivent. Ils ont du mal à décrypter ce qu’il se passe autour d’eux. Guerre en Ukraine, retour de l’inflation, crise climatique, etc. Les gens sont perdus. Ils ont du mal à trouver leurs repères. Et cela crée de l’inquiétude. D’autant que nous sortons d’une période éprouvante liée à la crise Covid. Les gens pensaient enfin pouvoir souffler… Or ils se retrouvent à nouveau placés sous pression et ils ont énormément de mal à se projeter. Ils sont même convaincus que demain sera pire qu’aujourd’hui.
On voit d’ailleurs se développer une forme de nostalgie. Les gens ont tendance à se réfugier dans le passé, à vouloir retrouver des périodes où ils ont le sentiment que les choses allaient mieux. Les Trente Glorieuses, les années 80… Le vintage est une des grandes tendances que nous identifions. Les Français veulent retrouver des objets qu’ils ont connus il y a longtemps, ou que leurs parents ont connus, et qu’ils remettent au goût du jour. Il y a un aspect presque magique, à la façon d’un talisman. Avec ces objets qui ont traversé le temps, on se sent plus fort, on se rassure.
Les consommateurs attendent aussi des marques qu’elles les rassurent ?
Les consommateurs sont en quête de sécurité, de simplicité, de repères… Dans une de nos études en 2022, 58 % des Français disaient faire attention au Nutriscore lorsqu’ils achètent des produits alimentaires. Cela reste une déclaration d’intention, mais cela montre qu’ils sont en attente de ce type d’outils qui remettent des repères dans la consommation.
Si je prends le domaine bancaire, les clients ne veulent pas qu’on leur promette des rendements incroyables ou des innovations financières. Ils veulent des placements ou des solutions qui ont fait leurs preuves, qui les rassurent. Ils peuvent même se méfier de produits qu’on leur présente comme innovants car ils soupçonnent que l’on cherche à leur faire payer plus cher sans réelle raison.
Globalement, je dirais que les consommateurs attendent de la familiarité avec les marques. C’est-à-dire une relation qui ne soit pas lointaine, impersonnelle, globale, mais bien à l’échelle humaine.
Dans une période d’inflation, peut-on parler d’autres choses aux clients que de prix et de promotions ?
C’est difficile. Une grande partie des Français ont du mal à maîtriser leur budget. Tout au long de 2022, nous avons vu progresser dans nos études la quête systématique de promotions, la recherche de marques distributeurs au détriment des marques nationales, le recours plus fréquent aux cartes de fidélité pour bénéficier d’avantages, le succès de l’occasion car cela permet de payer moins cher, etc. Être en empathie avec les consommateurs, c’est d’abord aujourd’hui les aider à ne pas faire déraper leur budget.
L’empathie, c’est aussi comprendre que les gens ont besoin de sens. Il faut réintroduire du sens à chaque fois que l’on le peut. Quel est le rôle d’une banque, d’un fabricant d’articles de sport, de technologie, etc. ? Quelle est l’utilité d’une marque ? Cela semble être des questions simples, mais c’est précisément ce que les gens veulent savoir.
Quelle marque les consommateurs considèreraient comme proche ?
Une marque qui les aiderait à passer les trois chocs que nous connaissons. Le choc inflationniste : les marques qui sont perçues comme des alliées sont celles qui permettent à leurs consommateurs d’avoir toujours accès aux produits et aux services de leur choix. Le choc climatique : les marques empathiques sont celles qui font en sorte que la consommation responsable ne soit pas réservée aux CSP +. Et le choc digital : avec la numérisation de nos modes de vie qui s’accélère, les gens veulent quand même conserver des points de contact avec des personnes en chair et en os. Au final, une marque véritablement empathique s’engage à maitriser au maximum ses prix, démocratise la transition écologique et, sans rejeter le digital, n’oublie pas l’humain.
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