Réseaux sociaux : comment les algorithmes décident de ce que voient vos clients
23/09/2021Trop de contenus sont désormais publiés sur les réseaux sociaux pour que l’on puisse tous les voir, même si on y est abonné. Les publications sont donc passées au tamis de milliers de critères pour déterminer leur ordre d’affichage. Tour d’horizon des mécanismes en œuvre afin d’arriver à dompter les algorithmes.
« La plupart des utilisateurs d’Instagram voient moins de la moitié de leur fil d’actualité. » C’est le patron d’Instagram lui-même, Adam Mosseri, qui vient de rappeler ce constat dans un post de blog. Les internautes sont aujourd’hui abonnés à trop de comptes, qui publient trop de contenus, pour espérer tout voir. Adam Mosseri fait remonter la prise de conscience en 2016. Cette année-là, Instagram mesure que ses utilisateurs passent à côté de 70 % du contenu publié sur leur fil d’actualité. Instagram décide alors de mettre fin à l’affichage des publications selon une seule logique chronologique. Désormais, comme pour l’ensemble des réseaux sociaux, c’est un algorithme qui décide de l’ordre d’affichage des messages.
Un directeur des programmes qui s’appuie sur des milliers de critères pour captiver les internautes
« La fonction de l’algorithme est de s’assurer qu’un utilisateur voit toujours en premier les contenus qui l’intéressent, résume Rémi Douine, expert social data et enseignant à Sciences Po. L’algorithme joue le rôle de directeur des programmes qui individualise ce que voit chacun des membres d’un réseau social. Les plateformes ont un intérêt manifeste : s’assurer que les utilisateurs restent le plus longtemps possible et reviennent régulièrement. Leur business model est de vendre de la publicité. »
Comment les réseaux sociaux arrivent-il à prévoir ce qui va intéresser un utilisateur ? Facebook explique que « des milliers de facteurs entrent en ligne de compte dans le classement du fil d’actualité ». Certains sont assez étonnants. « Nous tenons même compte de facteurs tels que le débit actuel de votre connexion Internet ou le type de téléphone que vous utilisez (car cela influe sur la vitesse de chargement de votre fil d’actualité) », détaille Facebook.
Si l’on regarde les critères les plus influents, arrive en tête la fréquence des interactions avec les publications de ses amis. Plus on like et on commente les posts d’une personne, plus Facebook nous montrera les suivants en priorité. Mais mauvaise nouvelle pour les entreprises : Facebook, comme d’autres réseaux sociaux, pénalise la diffusion des publications de leurs Pages. L’objectif est de « les inciter à passer à la publicité », décrypte Jonathan Chan, expert des réseaux sociaux et community manager de dentsu France et iProspect (retrouvez son interview « Il ne faut pas être idéaliste et faire comme si l’algorithme n’existait pas »).
Pour établir son classement, la plateforme prend aussi en compte les formats qu’un utilisateur consulte le plus (photo, vidéo, lien…), la popularité d’une publication (plus elle reçoit de likes, plus Facebook sera enclin à nous la montrer), et son caractère récent.
« Facebook, comme tous les réseaux sociaux, se nourrit des informations que lui fournissent les utilisateurs, souligne Rémi Douine. Chaque fois qu’une personne se connecte sur Facebook et qu’elle interagit, ou pas, avec une publication que lui propose la plateforme, cette information renforce la capacité de Facebook à proposer un contenu pertinent. De même, quand une personne ne se connecte pas pendant une semaine, le réseau social comprend qu’elle n’est plus satisfaite du contenu et va tester d’autres pistes. Cet apprentissage est amplifié par le nombre de personnes qui utilisent les réseaux sociaux. »
Les publications sont d’abord montrées à une petite partie des abonnés
Facebook, Instagram, Twitter, LinkedIn : chacune de ces plateformes dispose de son propre algorithme, mais leur fonctionnement s’inscrit dans les mêmes logiques autour de deux temps clés. Schématiquement, l’algorithme opère un premier filtre en analysant le contenu mis en ligne. L’auteur publie-t-il régulièrement ? A-t-on déjà interagi avec lui ? La plateforme s’assure aussi que la publication ne comporte pas d’images ou de propos offensants. Pour les contenus qui s’affichent dans sa rubrique Explorer, Instagram dit vouloir éviter les posts qui font la promotion du tabac ou du vapotage, par exemple.
Pour établir ce premier classement des contenus, les réseaux sociaux prennent aussi en compte leur intérêt propre. Facebook, comme d’autres, donnera plus de retentissement à une vidéo postée sur sa plateforme qu’à une vidéo postée sur YouTube. Globalement, les réseaux sociaux sont peu friands de liens externes, car ils font sortir l’utilisateur de leur environnement.
Puis le post est d’abord montré à une petite partie des abonnés, les plus proches, pour s’assurer de son intérêt. « Si le nombre de likes n’est pas suffisant lors de la première heure, l’algorithme prend cela pour un signal négatif », explique Jonathan Chan. En revanche, si la publication obtient un bon niveau d’engagement (likes, commentaires, partages), elle est montrée à plus d’abonnés, et ainsi de suite. En 2019, l’agence Tiz avait résumé ce fonctionnement dans une série d’infographies, dont celle sur Facebook ci-dessus.
Changement de paradigme avec TikTok
TikTok, le réseau social le plus en vogue aujourd’hui, affiche lui une logique bien différente. « Cette plateforme se démarque de Facebook ou d’Instagram car l’utilisateur arrive par défaut sur un espace ‘For You’, pointe Rémi Douine. Ce ne sont plus les contenus de vos amis ou des pages que vous suivez : c’est une sélection personnalisée par rapport aux contenus que vous avez regardés et aimés. »
TikTok base notamment son algorithme sur la reconnaissance d’images : il arrive à reconnaître les éléments qui figurent dans une vidéo. « Il ‘comprend’ qu’il y a dans la vidéo une voiture, une personne qui boit, une balle de ping-pong…, illustre Rémi Douine. Et il prend en compte la vidéo que les utilisateurs ont regardé ensuite. Si bien que quand une personne regarde une vidéo, quelle qu’elle soit, avec une voiture, une personne qui boit et une balle de ping-pong, l’algorithme lui proposera ensuite la vidéo qui a marché auprès des autres utilisateurs. » « C’est un changement de paradigme, relève Jonathan Chan. L’algorithme ne repose plus sur le profil d’un utilisateur mais sur son comportement. C’est pour cela qu’il est aussi addictif. »
Deux effets négatifs majeurs : addiction et bulles de filtres
« Ces algorithmes ne sont programmés que pour une chose : garder les utilisateurs afin de générer le plus de publicités, reprend Rémi Douine. Mais en remplissant leur mission, ils ont des effets négatifs sur la société, ce que les économistes appellent des externalités négatives. » Certaines personnes tombent dans une véritable addiction à la consultation de leurs réseaux sociaux, provoquant des troubles du comportement.
L’externalité négative la plus discutée concerne le phénomène des « bulles de filtres ». Les algorithmes ont tendance à enfermer les utilisateurs dans un horizon limité : ils leur proposent des contenus qui répondent à leurs goûts et à leurs convictions. Ce qui peut notamment contribuer à la diffusion de fake news et favoriser le complotisme.
Les réseaux sociaux sont bien conscients de ces écueils. TikTok a ainsi lancé le 13 septembre dernier #EspritCriTik, un programme « pour aider les utilisateurs à développer leur esprit critique et mieux cerner les rouages de la fabrication de l’information en France ».
Face aux critiques, les réseaux sociaux commencent aussi à proposer de débrancher leur algorithme. Dans ses paramètres, Facebook a ajouté l’an dernier la possibilité de revenir à un affichage antéchronologique, pour voir les publications les plus récentes en premier sans autre filtre. De son côté, Instagram travaillerait sur une option pour mettre des comptes en « favoris ». Ils s’afficheraient alors sans passer par le tamis de l’algorithme. Selon le Blog du Modérateur, « cette fonctionnalité en phase de test pourrait ainsi inverser la donne et redonner du contrôle aux utilisateurs ». Tendance de fond ou effet d’annonce ?
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