Faroudja Kicher, DRH Engie : les RH sans langue de bois

Faroudja Kicher, DRH Engie : les RH sans langue de bois
Depuis près d’une décennie, Faroudja Kicher pilote la stratégie RH au sein d’Engie, mastodonte mondial de la transition énergétique. Cette DRH incarne une génération de leaders qui osent parler vrai, transformer en profondeur, et remettre l’humain au centre sans mots creux.
L’AUDACE, FIL ROUGE DE SA VIE
La chance sourit aux audacieuses, dit le dicton, et elle a souri à Faroudja Kicher, qui a fait de l’audace un fil rouge de sa vie. « Après sept années comme juriste en droit du travail chez Toyota à Valenciennes, j’avais envie d’avoir des responsabilités et d’être face à une personne quand il faut lui dire des choses difficiles. J’ai demandé à devenir DRH, et dès que l’occasion s’est présentée, on m’a donné ce poste », se souvient-elle. À cette juriste de formation, les RH étaient apparues très tôt comme une évidence. « J’étais partie pour être avocate, puis j’ai passé un master2 en droit social qui m’a plu. Les relations de travail qu’il faut équilibrer, cela sonnait bien à mon oreille. »
Faire preuve d’audace n’a rien d’évident dans un grand groupe historique comme Engie, où les bonnes volontés peuvent se heurter à des process lourds. Mais elle sait exploiter ses marges de manœuvre. « Pour impulser une vision, l’important n’est pas d’aller vite tout seule, mais de convaincre les équipes et créer de l’adhésion autour du projet qu’on porte. Pour ça, il faut des convictions et ne pas ménager sa peine. »
FÉMINISER LES MÉTIERS TECHNIQUES
Des convictions, Faroudja Kicher en a à revendre. Be.U@ENGIE, programme de sensibilisation en faveur de l’inclusion, est un sujet qui lui tient à cœur. « L’idée, c’est que chaque personne se sente respectée dans toute sa différence dans l’entreprise. Nous visons notamment 40%de femmes manageurs d’ici 2030. » Le défi est ambitieux car les femmes sont rares dans les filières scientifiques. « Pour féminiser nos métiers techniques, nous avons lancé le programme “Young Leadership au féminin” à l’issue duquel nous avons recruté sept jeunes ingénieures, avec un accompagnement sur mesure dans l’entreprise. Nous distribuons aussi des bourses à des étudiantes en dernière année d’études avec une promesse d’embauche. ».
Avec son collègue Lemjed Bouzekri, elle a publié en 2016 Pas la gueule de l’emploi ?! (Éditions J’ai lu), un livre de « conseils de grande sœur ». « Dans ce livre, j’ai voulu transmettre aux jeunes ce que j’ai dû apprendre par moi-même, tous les conseils que j’aurais aimé recevoir en début de carrière pour aller plus vite. L’idée est de leur éviter de se prendre quelques murs parce qu’ils n’ont pas les codes et que personne dans leur entourage ne peut les orienter. »
DRH, UN MÉTIER À RISQUES
Risque de réputation ou risques éthiques, la prise de risque dans les RH se vit au quotidien, selon Faroudja Kicher, qui considère que le plus gros risque reste le recrutement. « Tous les jours je prends des risques sur les profils que je sélectionne, et j’en attends autant des manageurs. Je leur demande d’ouvrir leurs chakras, d’arrêter de cloner leurs collaborateurs, de prendre en compte le potentiel de certains candidats même s’ils ne cochent pas toutes les cases. L’autocensure, c’est ce qu’il y a de pire, et je les pousse à dépasser leurs appréhensions. »
Et à ceux qui prétendent que les RH ne servent à rien, elle rétorque que dans les entreprises qui se targuent d’être devenues «zéro RH», chaque manageur est en réalité le DRH de ses collaborateurs. « Dans les grandes organisations, le rôle du manageur est souvent limité par des reportings et des contraintes financières. Mais pour moi, manager veut dire piloter les actions d’hommes et de femmes pour parvenir à un résultat. Les manageurs doivent donc prendre leur rôle de RH au sérieux, c’est-à-dire tendre la main à des jeunes recrues et faire grandir leurs équipes humainement et professionnellement. »
L’ENTRETIEN ANNUEL, C’EST DÉMODÉ
S’il y a un processus RH qu’elle aimerait disrupter, c’est l’entretien annuel, qu’elle trouve démodé. « C’est un peu le dîner de la Saint-Valentin, mais dans un couple, il faut dîner plusieurs fois dans l’année. C’est la même chose entre un manageur et son collaborateur: ils doivent se parler et avoir des feedbacks plusieurs fois par an. »
À toutes les aspirantes DRH, elle donne un conseil en forme de question : quelle sera ta valeur ajoutée dans un collectif ? Comment comptes-tu influencer favorablement les décisions dans l’organisation ? « Il y a beaucoup de DRH bashing dans les organisations, on ne devient pas DRH pour être populaire, car on est souvent très seul. Et il faut avoir de l’empathie : une DRH qui ne sait pas se mettre à la place de ses interlocuteurs passerait totalement à côté de son rôle. »
Faroudja Kicher en 5 dates
2000 – Responsable juridique chez Toyota à Valencienne (Nord)
2010 – Premier poste de DRH
2016 – Ecriture et publication du livre Pas la gueule de l’emploi ?!
2018 – Première expérience de responsable d’un compte de résultats
2020 – Gestion de la crise Covid en tant que DRH
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