Gamification de la consommation : à quels jeux jouent les marques ?
23/01/2020Les jeux concours ont plus que jamais la cote chez les marques et leurs clients. Ils sont un des premiers motifs d’engagement sur Instagram. Mais de nouvelles mécaniques émergent grâce au smartphone. En mêlant virtuel et réel, la relation devient plus ludique et redonne du plaisir dans la consommation.
300 000 ! C’est le nombre de personnes qui ont participé à la chasse au trésor « Noël givré » organisée dans la France entière en décembre dernier par Sephora en partenariat avec Snapchat. Une opération inédite par son ampleur pour des performances inédites, décrypte dans Petit Web Elisabeth Sehmer, directrice marketing de Sephora France. L’enseigne avait glissé dans 3 000 affiches un « snapcode », une sorte de QR code à flasher avec l’application Snapchat. Une fois scanné, un message s’animait, faisant apparaître le cadeau gagné. Chaque jour, du 11 au 24 décembre 2019, 50 cartes d’achat de 10 à 50 € étaient en jeu. Mais en pratique, tous les participants étaient récompensés : les perdants recevaient un code promotionnel à valoir sur leurs achats en ligne ou en magasin (par exemple, 5 € de remise pour 40 € d’achats). Les affiches, que les joueurs pouvaient géolocaliser sur le site de Sephora, avaient été sélectionnées pour leur proximité avec un magasin de l’enseigne. Les participants au jeu pouvaient donc facilement se rendre dans une boutique pour utiliser le code promo obtenu.
Expérience et rétribution
Le succès de l’opération menée par Sephora traduit bien la tendance actuelle : la gamification de la relation client est plus vivante que jamais. La gamification ? Le terme est relativement récent, observe Stratégies : « On doit ce néologisme au professeur de technologies et de design de jeux vidéo Jesse Schell lors d’une conférence en 2000. La gamification (ou ludification) consiste à appliquer les ressorts du jeu à d’autres domaines. En marketing, il s’agit de rendre une action ludique afin de favoriser l’engagement des consommateurs et la viralité d’une information. »
La gamification repose sur deux leviers : l’expérience de jeu et la rétribution. Des éléments qu’il convient de bien équilibrer. « Plus l’expérience est pauvre, plus la rétribution est forte », observe une étude menée par des enseignants-chercheurs de l’ISC Paris, La gamification et la relation marque consommateur. À l’inverse, gamifier peut être l’occasion de faire vivre aux consommateurs une expérience en phase avec les valeurs d’une marque. L’expérience de jeu peut même être si « riche » qu’elle peut ne pas s’accompagner de rétribution matérielle. Des consommateurs vont jusqu’à payer pour vivre une expérience ludique avec une marque. L’été dernier, Coca-Cola avait installé un escape game au Palais de Tokyo à Paris pour célébrer ses 100 ans en France. Une aventure conçue pour faire découvrir aux joueurs l’histoire de la marque. Pour un groupe de cinq, les tarifs s’échelonnaient de 90 à 130 € selon le créneau horaire voulu…
De nouvelles mécaniques grâce au smartphone
Bien sûr, l’organisation de jeux concours pour animer les ventes, et recueillir les données des clients, n’est pas un phénomène nouveau : elle se confond presque avec l’histoire du retail ! Ces jeux concours perdurent et continuent d’accompagner les temps forts commerciaux des marques et des enseignes. Mais d’autres mécaniques émergent, basées sur la digitalisation de la relation et l’avènement du smartphone. À l’instar de Sephora, les marques se tournent notamment vers Snapchat. Pour fêter les trois ans de son programme de fidélité, en octobre 2019, H&M s’est associée à l’application de partage de photos et de vidéos pour organiser, elle aussi, une chasse au trésor dans ses 199 magasins français. Pour jouer, il fallait se rendre dans une boutique de la marque et y dénicher des indices au travers d’un filtre de réalité augmentée. Le premier prix n’était pas un gain purement financier, mais un relooking avec une experte de la mode, intégrant des conseils pour donner une deuxième vie à ses vêtements en les customisant ou en les recyclant. Bien plus qu’un jeu concours, H&M conviait ses clients à vivre une expérience cohérente avec les valeurs que revendique la marque.
Pour les dernières fêtes de Noël, Ralph Lauren avait aussi déployé un jeu sur Snapchat mettant en scène son « Polo Bear » : le joueur guidait la course de l’ourson iconique pour qu’il récupère des cadeaux pour les fêtes. En fonction du score, des articles Ralph Lauren se débloquaient et pouvaient être achetés en ligne.
Associer Snapchat à la mécanique du jeu permet naturellement de rajeunir la cible, sans pour autant ne viser que les ados. « Notre cœur de cible sont les 18-30 ans, indique dans LSA la directrice commerciale de Snapchat, Emmanuelle Asseraf. Notre audience est plus âgée que l’on ne le croit. » Elle pointe également : « De plus en plus d’annonceurs utilisent Snapchat dans des logiques de performance ».
Des programmes de fidélité qui font jouer et participer
L’une des difficultés aujourd’hui pour les marques et les enseignes est de vaincre la monotonie et redonner du plaisir dans l’acte d’achat. La gamification permet justement d’éviter que les consommateurs associent shopping et contrainte, courses et ennui. Très prosaïquement, Auchan a mis en place les « Défis Waaoh ». S’appuyant sur une solution développée par la startup UntieNots, le distributeur propose des challenges personnalisés à ses clients détenteurs de la carte de fidélité : ils doivent acheter, dans un temps imparti, sur quelques semaines, les produits qu’a sélectionnés un algorithme selon leur profil. S’ils atteignent les objectifs et remplissent le défi, ils font monter leur cagnotte.
« Avec la gamification et la personnalisation, le taux de participation des clients est 5 fois plus élevé que la moyenne des opérations de promotion ciblées habituelles, affirme UntieNots, cité par La Revue du Digital. Dans ce cadre, 1 € de promotion accordé génère au moins 7 € de chiffre d’affaires incrémental. Les paniers moyens mensuels sont en hausse de 10 % à 12 % et les clients participants font une visite supplémentaire chaque mois en moyenne », poursuit la startup.
Les enseignes Go Sport et Sport 2000 ont toutes deux ajouté à l’automne 2019 une couche de gamification à leurs programmes de fidélité. Objectif : récompenser la pratique sportive de leurs clients. Les détenteurs d’une carte de fidélité sont incités à synchroniser leur appli de suivi sportif (Runkeeper, Fitbit, Garmin…) avec leur compte sur le site de l’enseigne. En fonction des kilomètres parcourus, en course, randonnée ou vélo, le sportif reçoit des euros sur sa carte, à dépenser chez l’enseigne. Jusqu’à 50 € par an chez Go Sport et 60 € chez Sport 2000. Une façon pour ces distributeurs de se placer du côté de leurs clients et de soutenir leurs efforts.
Les jeux concours, stars de l’engagement sur les réseaux sociaux
Les marques redécouvrent également aujourd’hui les jeux concours car ils sont un fantastique outil pour animer et booster leurs réseaux sociaux, Instagram en tête. Avec des mécaniques plus ou moins sophistiquées, ils permettent de générer de l’engagement chez les consommateurs, de fidéliser l’audience, de développer la communauté, de récolter des données… Et l’impact des jeux concours est impressionnant : selon une étude menée aux États-Unis par Tailwind, qui propose une solution d’analyse des réseaux sociaux, 91 % des publications ayant plus de 1 000 commentaires sur Instagram sont liées à un concours ! (À retrouver dans notre test Êtes-vous incollable sur la gamification ?).
Une journaliste de L’ADN raconte comment elle a participé l’an dernier à tous les concours Instagram qu’elle a vus. « Je découvre de drôles de mécaniques. La plus classique : liker le post, s’abonner au compte et taguer deux amis en commentaire. (…) Mais certains comptes n’hésitent pas à demander beaucoup plus. Quelques organisateurs demandent de taguer jusqu’à cinq amis. Ça commence à faire beaucoup pour remporter un rouge à lèvres. D’autres poussent encore plus loin et demandent à ce que chaque ami soit tagué dans un commentaire séparé. » Etc., etc.
Toutes les marques ne vont naturellement pas aussi loin. La plupart veillent à marier les objectifs d’engagement et de viralité alloués aux jeux concours avec une expérience de qualité en lien avec les valeurs et le positionnement de la marque. Les concours qui font appel à la créativité de la communauté sont notamment très appréciés par les marques sur Instagram. C’est par exemple ce qu’a mis en place Photoshop en 2018, qui voulait inciter les créateurs à utiliser toutes les ressources de son logiciel. Les recherches marketing ont montré à la marque qu’une grande partie de ses utilisateurs étaient des fans de Donjons et Dragons. Photoshop a donc lancé un appel à sa communauté pour concevoir un nouveau monstre dans l’univers de ce jeu de rôle. Résultat : le concours a suscité plus de 200 000 engagements et 2 000 créatures ont été créées (le grand prix ci-dessus). Photoshop estime aussi que ce jeu a permis de générer 3 000 téléchargements de son logiciel. Le succès de l’opération est notamment lié à son dispositif d’accompagnement. Sur un site dédié, Photoshop proposait une nouvelle histoire de Donjons et Dragons dans laquelle devait s’inscrire le monstre, et la société mettait à disposition kit et tutoriels vidéo pour concevoir la créature. Soit une démarche de gamification totalement intégrée, amenant les utilisateurs à découvrir de nouvelles fonctionnalités en s’amusant. Banco !
VOUS POURRIEZ ÉGALEMENT AIMER
Comment Les Inrocks recrutent leurs abonnés sur Facebook et Instagram
#Rétro2019. La principale mission d’Annabelle Bizard, Directrice Marketing et Diffusion des Inrockuptibles ? « Recruter des abonnés digitaux, répond-elle. Et je vais les chercher sur les réseaux sociaux. » Annabelle Bizard s’exprimait en octobre dernier lors d’un Atelier du Hub de La Poste animé par Maryse Mougin, Directeur Marketing Expérience Client, Branche Service Courrier Colis, autour d’une question : les réseaux sociaux sont-ils les nouveaux canaux de vente et de fidélisation ? Pour Les Inrocks, cela ne fait aucun doute. Près de 60 % du trafic de son site provient des réseaux sociaux. « Nos futurs abonnés se trouvent donc parmi les utilisateurs qui nous suivent sur Facebook et Instagram et qui lisent les contenus sur notre site. » L’enjeu pour le magazine va être de cibler ces abonnés potentiels. « Nous pouvons par exemple axer une campagne sur nos critiques musicales ou nos playlists en identifiant les lecteurs qui ont montré un intérêt marqué pour nos articles sur la musique. »