Il a suffi d’un TPE, ou travail personnel encadré (supprimé, depuis, de l’enseignement) dédié aux textiles synthétiques pour que le destin de Laure Betsch bascule. À ses côtés sur les bancs du lycée Fénelon à Paris, sa meilleure amie, Camille Le Gal. « Nous avons développé un fil de nylon à l’occasion d’un exercice autour de DuPont de Nemours. Nous avons adoré travailler ensemble et cela a marqué le début de notre aventure. » Ce jour-là, elles ne savaient pas encore qu’elles créeraient une entreprise quelques années plus tard, mais elles avaient compris à quel point l’industrie du textile devait évoluer. Le parcours se poursuit, chacune de son côté en école de commerce, IÉSEG pour Laure, TBS Education pour Camille. Commerciale dans une usine en Chine, puis product manager chez Maison Kitsuné, Laure devient acheteuse au sein du groupe H&M. « Mon activité m’amenait à vendre des produits sur lesquels j’avais très peu de visibilité. Je me posais des questions, mais je n’avais pas beaucoup de réponses. »

La création de Fairly Made, en 2018, coule de source. Laure, plus que jamais inséparable de Camille, la retrouve à Hong Kong autour d’un café, et lors de leur échange naît l’idée de proposer des solutions aux marques. Leur grande force : savoir faire évoluer leur modèle. 

Toutes les deux commencent en produisant des vêtements avec cette promesse : une traçabilité et des matières certifiées. « Nous allions sélectionner des usines. À la clé, la visite de plus de 200 lieux, chacun des maillons de la chaîne, des fermiers, des filateurs, des tisseurs, des concessionnaires, des teinturiers…Toutes ces étapes nous ont permis de nous rendre compte des enjeux à la fois sociaux et environnementaux. »

Fairly Made est désormais une plateforme SaaS qui aide les acteurs de la mode à agir autour de trois grands piliers. En premier lieu, la traçabilité, ou comment remonter leur chaîne de production et identifier les fournisseurs et, potentiellement, des zones à risque. « Dans un deuxième temps, nous les aidons à mesurer leur impact grâce aux informations et aux datas collectées. Enfin, le volet environnemental et social, avec une note de recyclabilité et bientôt de durabilité. » Une vue à 360°. Et comme Laure et sa camarade n’oublient pas les clients, elles développent des QR Codes. À l’aide de son smartphone, chacun peut suivre le parcours du vêtement qu’il tient entre les mains. 

De cette amitié très forte est donc née une entreprise passée, en cinq ans, d’une équipe de 3 à une équipe de 55 personnes qui affiche, parmi ses clients, LVMH, Asphalte, Balzac Paris, ba&sh, Des Petits Hauts, M. Moustache et beaucoup d’autres grandes marques… Mais toujours portée par un fort désir d’indépendance, avec une deuxième levée de fonds de 5 millions d’euros en 2022 menée par le fonds ETF Capital, pour Environmental Technology Fund. 

Pionnières dans leur domaine, elles se retrouvent boostées par la loi Agec et son article 13, qui oblige les marques réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros à partager des informations.

Laure, maman d’un jeune Gaspard, s’est aussi investie, comme Camille, dans We are Sista, qui a pour ambition de faire émerger une génération de leaders diversifiés en réduisant les inégalités de financement entre les hommes et les femmes. « Cette sororité est majeure. C’est agréable de donner en retour, de prendre du temps pour conseiller, maintenant que nous avons franchi plusieurs étapes. » Sans oublier les valeurs de l’entreprise à mission qu’est Fairly Made. 

« Nous sommes leaders sur le marché français en tant que solution de traçabilité. Notre ambition est de faire de même sur le marché européen puis mondial. » L’aventure commencée au lycée est donc loin d’être terminée.