Le magasin comme une extension du smartphone
08/10/2020Zara, Nike, Decathlon, Ikea, Starbucks… Toutes les grandes enseignes déploient en ce moment des initiatives pour intégrer plus fortement le smartphone dans le parcours d’achat en magasin. Peu à peu, le mobile se transforme en télécommande permettant de piloter achats et services en boutique. Illustrations.
1Zara branche ses magasins sur le smartphone de ses clients
Inditex, la maison mère de Zara, prévoit d’investir 2,7 milliards d’euros dans le digital d’ici 2022, comme l’indique son projet « 2022 Horizon ». Un milliard d’euros viendra directement en soutien du e-commerce. L’investissement semble colossal. Et pourtant, un montant encore plus élevé (1,7 milliard) sera alloué à la digitalisation des magasins et à leur meilleure intégration avec Internet. Près de 60 % des investissements numériques d’Inditex vont ainsi être consacrés au déploiement d’une plateforme permettant, entre autres, l’unification des stocks entre les boutiques et le e-commerce.
C’est dans ce contexte que Zara vient de lancer en Espagne une nouvelle fonctionnalité sur son appli mobile abolissant encore un peu plus les frontières entre le magasin et le digital. Baptisée Store Mode, elle apporte trois nouveaux services. Le premier, Click & Go, permet de savoir en temps réel quels sont les articles vraiment en stock dans une boutique Zara. L’objectif n’est pas seulement d’éviter de se déplacer en cas de rupture de stock : avec l’appli, les clients peuvent désormais acheter un article depuis leur téléphone mobile et venir ensuite le récupérer en boutique. Pratique, rapide et « covid friendly » car limitant le temps passé en magasin.
Autre nouveau service : Click & Find. Grâce à la technologie RFID, l’appli Zara peut maintenant géolocaliser dans la boutique le vêtement que recherche un client. Le téléphone affiche un plan du magasin montrant l’emplacement exact de l’article.
Troisième nouveauté : Click & Try. Elle donne la possibilité au client qui se trouve dans le magasin de réserver une cabine d’essayage. Cela lui évite de faire la queue en lui permettant de continuer à faire son shopping. En période de crise sanitaire, ce service présente aussi l’avantage de faciliter la distanciation sociale. Store Mode fonctionne pour l’instant dans 25 magasins situés dans les plus grandes villes d’Espagne. Les investissements en cours laissent préjuger un déploiement international.
2« Nike transforme la boutique en une extension physique de l’application »
Après New York et Shanghai, Nike a ouvert cet été sur les Champs-Élysées à Paris sa première « House of Innovation » sur le sol européen. Dans ce qui est présenté comme le « magasin du futur », la marque propose une offre de consommation hybride entre expérience numérique et boutique physique. « En entrant, la première chose conseillée est de télécharger l’application Nike », explique le journal Les Échos. C’est la condition sine qua non pour profiter d’un ensemble de nouveaux services.
Sur un principe proche de l’appli de Zara, Nike App permet par exemple de réserver des produits et une cabine d’essayage. « Une fois dans le magasin, vos chaussures vous attendent dans des points de retrait, vos tenues sont prêtes dans votre cabine, et il ne vous reste plus qu’à essayer », décrivent Les Échos.
Nike App permet aussi de trouver la pointure de chaussures parfaite grâce à un scan des pieds (la photo ci-dessus). En boutique, il suffit de poser ses pieds sur un plateau nommé « Nike Fit » et de les pointer avec son smartphone. L’application mémorise alors leur forme au millimètre près. En scannant ensuite le code-barres d’une paire de sneakers, le client saura exactement quelle pointure choisir pour ce modèle. Un système équivalent existe pour les brassières. Ici pas de scan : la cliente entre ses mensurations dans l’outil « Bra Fit by Nike » et elle reçoit une recommandation de soutien-gorge en fonction de la pratique sportive.
L’appli de Nike évite également le passage en caisse. Le client scanne ses articles et paie depuis l’application. S’il le souhaite, il continuera de recevoir sur son téléphone des recommandations personnalisées à partir des informations collectées lors de sa visite en magasin. « Au final, ces innovations transforment la boutique en une extension physique de l’application autant qu’en outil de recrutement de nouveaux clients en ligne », écrivent Les Échos.
« Pendant le confinement, Nike a connu une croissance record sur le numérique, avec des niveaux de téléchargement de l’application jamais vus, explique Cathy Sparks, la vice-présidente et directrice de la branche Nike Direct Stores et Services. Mais les consommateurs veulent conserver une connexion physique avec la marque. Le retail n’est pas mort, il doit s’adapter. L’objectif est de proposer une expérience qui mêle le meilleur du digital et du physique. »
3Dans ce nouveau Decathlon, l’appli sert de sésame pour acheter
L’enseigne de sport nordiste a dévoilé début septembre un nouveau concept de magasin sur son campus de Villeneuve d’Ascq : Decathlon DX. La marque y multiplie les innovations pour transformer l’expérience d’achat. Mais « étonnamment, il n’est pas du tout question d’omnicanal ni d’e-commerce », observe LSA. C’est bien l’expérience « in-store » qui est ici revisitée.
Parmi les ruptures testées par Decathlon DX : réserver l’achat aux titulaires de la carte Decathlon. Car si le magasin est ouvert à tous, seuls les membres peuvent y régler des achats. Ceux qui ont un compte Decathlon sont donc invités à scanner à l’entrée du magasin un QR code accessible depuis l’application. « En échange, le client accède au nouveau mode de paiement Decathlon Go », explique LSA. Concrètement, pour payer ses achats avant de sortir du magasin, le client passe dans un « tunnel » équipé de lecteurs RFID qui détectent les articles qu’il a avec lui. Le montant s’affiche sur un écran et il n’a qu’à appuyer sur « Payer » pour finaliser la transaction. Le montant sera automatiquement débité sur le compte bancaire qu’il a associé à sa carte Decathlon. Deux caisses RFID classiques restent toutefois disponibles pour un paiement par CB, ou en s’adressant aux vendeurs qui ont des terminaux mobiles.
Vous pouvez retrouver l’ensemble des innovations de ce concept store dans notre article « Avec son nouveau concept DX, Decathlon propose une expérience client inédite ».
4Boxy, l’Amazon Go à la française !
L’emplacement n’est certes pas aussi glamour que San Francisco ou Manhattan. Mais si vous voulez voir l’équivalent des supérettes Amazon Go, plus besoin de franchir l’Atlantique ! Des technologies similaires sont nichées dans le container Boxy installé depuis début août sur le port de Gennevilliers dans les Hauts-de-Seine. L’expérience d’achat s’apparente vraiment à celle proposée par les magasins sans caisse d’Amazon.
Sésame indispensable pour entrer dans la supérette : l’application Boxy. Après l’avoir téléchargée, il faut créer un compte en y associant une carte de paiement. L’utilisateur peut alors déverrouiller la porte d’entrée grâce à un QR code. À l’intérieur, 270 références de sandwichs, salades, boissons, gâteaux, pâtes, lait, produits d’hygiène… Le client n’a qu’à se servir et à repartir. La supérette détecte au fur et à mesure les produits dont il se saisit. Quelques minutes après son départ, le reçu arrive dans l’application et le montant des achats est automatiquement débité.
« Quand vous entrez dans le magasin, le système va capter votre silhouette et votre gabarit – sans reconnaissance faciale – et l’associer à votre compte », explique dans Le Point David Gabai, cofondateur de Storelift, la startup derrière cette supérette ultra-technologique. Tous les mouvements des clients sont traqués par des caméras et des capteurs, comme des balances placées dans les rayons pour vérifier quel produit a été choisi. Un client peut bien sûr changer d’avis et reposer un article sans qu’il lui soit facturé.
Le port de Gennevilliers n’a pas été choisi par hasard pour cette première installation. 8 000 personnes y travaillent, mais il n’y avait plus aucune offre de restauration. Autonome, Boxy est ouvert en permanence, une partie de son chiffre d’affaires étant réalisée la nuit, quand les travailleurs nocturnes des usines prennent leur pause. La supérette a simplement besoin d’une prise électrique pour fonctionner, avec une seule intervention humaine dans la journée pour réapprovisionner les rayons et nettoyer les lieux. D’où des coûts d’exploitation très faibles et des prix très attractifs pour les consommateurs.
Sur son premier mois d’exploitation, la supérette a enregistré en moyenne une cinquantaine de clients par jour. Il lui en faudrait le double environ pour être rentable. Cela pourrait arriver rapidement : le nombre de clients progresse de 15 % par semaine. La startup imagine déjà une dizaine d’autres ouvertures dans les prochains mois.
5Ikea intègre le smartphone dans le parcours d’achat en magasin
« C’est une nouvelle étape de la transformation du smartphone en télécommande de la consommation », commente Olivier Dauvers, spécialiste de la grande consommation. Depuis cet été, Ikea propose dans son magasin de Lomme, près de Lille, une première mondiale pour l’enseigne : un service de « scan and go ». Dans le magasin, les clients scannent les produits avec leur smartphone et se rendent ensuite à des caisses dédiées pour régler, par carte bancaire ou par chèque. Ils ont juste à présenter un QR code généré par l’appli Ikea récapitulant l’ensemble de leurs courses. L’enseigne met en avant le gain de temps pour les clients qui n’ont plus à faire la queue en caisse pour que leurs achats soient scannés.
Ce système semble répondre à une attente des consommateurs. Ikea s’était fixé, d’après Olivier Dauvers, un objectif d’utilisation par 5 % des clients. Un niveau atteint en moins d’un mois. Prochaine étape : le déploiement de ce service dans l’ensemble des magasins. Et, à moyen terme, l’intégration d’une fonction de paiement dans l’application, permettant de supprimer le passage en caisse dans le parcours d’achat.
6Starbucks crée des magasins dédiés aux commandes mobiles
Starbucks connaît des soubresauts du fait de la crise sanitaire, relate TechCrunch. Non seulement l’enseigne a dû fermer temporairement certains de ses magasins, mais une partie de ses clients est passée en télétravail et fréquente donc moins ses points de vente. Ce contexte incite Starbucks à revoir le format de ses prochaines ouvertures de cafés.
La chaîne se tourne en fait vers un concept testé avant la pandémie : des « Pickup stores ». Autrement dit, des restaurants uniquement dédiés aux commandes à emporter, passées par les clients depuis leur appli. Starbucks est parti d’un constat. Avant même la crise sanitaire, 80 % des transactions réalisées dans ses magasins de centre-ville concernaient des ventes à emporter. Son appli est par ailleurs très populaire chez ses clients, servant à la fois de carte de fidélité, de moyen de paiement et d’outil pour commander (lire notre Tendance « Les marques vont-elles devenir des banques ? »).
Les deux premiers Pickup stores ont ouvert à Manhattan et à Toronto avant le confinement. D’autres arrivent prochainement à New York, Chicago, Seattle et San Francisco. Mais ils n’ont pas vocation à remplacer les Starbucks classiques. L’objectif de l’enseigne est de doter chaque grande ville américaine d’un mix entre les habituels magasins de la marque et ces nouveaux Pickup stores, situés non loin l’un de l’autre pour désengorger les magasins traditionnels. C’est bien un nouveau circuit dédié aux commandes mobiles que Starbucks veut déployer.
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Lidl se lance dans les services cloud
La diversification qu’entreprend Schwarz Group, la maison mère de Lidl, peut surprendre au premier abord : le groupe vient d’annoncer son intention de devenir… un fournisseur de services cloud ! Très concrètement, il vient ainsi de racheter une société spécialisée, Camao IDC. Cette annonce est l’occasion de rappeler le poids que le digital occupe déjà au sein de la maison mère de Lidl : sa branche informatique emploie 3 000 personnes, gérant 20 000 serveurs pour le groupe. « Faire de ses services informatiques une source de revenus est une tendance qui s’accélère dans le retail », commente le magazine LSA. Le leader actuel des services sur le cloud est d’ailleurs Amazon avec sa filiale AWS (Amazon Web Services). Cette activité est née en 2006 quand le géant du e-commerce a voulu rentabiliser ses investissements en louant sa technologie à des clients externes. Une stratégie que nous décryptons dans notre Tendance : L’après Amazon se dessine-t-il ?