Philippe Moati (Obscoco) : « Les consommateurs veulent des solutions pour sortir de l’accumulation d’objets »
#IlsOntDit2018. Près de 8 Français sur 10 déclarent désormais privilégier l’usage à la possession, selon le 4e Observatoire des consommations émergentes publié début 2018 par l’Observatoire Société et Consommation (ObSoCo). « Il y a une maturation des consommateurs qui comprennent que ce qui est important, c’est de pouvoir jouir des biens. Ils perçoivent que la propriété n’est qu’une des modalités possibles pour bénéficier des effets utiles de ces biens », explique Philippe Moati (photo ci-dessus), cofondateur de l’ObSoCo, dans l’interview qu’il nous a accordée, en regard de notre dossier sur la révolution des business models. « Les formats alternatifs, reposant sur des systèmes d’abonnement, de location ou encore de partage, sont plus souples et s’adaptent mieux à des besoins qui peuvent être évolutifs », poursuit l’économiste.
L’inertie des grandes entreprises
Mais aujourd’hui, les offres alternatives à la possession restent encore limitées du côté des grandes marques. « Les entreprises font preuve d’inertie et hésitent à bousculer les business models existants, pointe Philippe Moati. D’autant que les business models alternatifs ne sont pas encore écrits. Il faut les découvrir, les expérimenter, sans être assuré de réussir. Ce sont d’ailleurs souvent des startups qui révèlent qu’il existe une possibilité alternative à la propriété. »
L’accumulation d’objets trouve ses limites
Pour Philippe Moati, le passage à de nouvelles formes de consommation semble néanmoins inéluctable : « Convaincre les gens de continuer à acheter toujours plus commence à buter sur des limites. » Les consommateurs trouvent d’ailleurs de moins en moins leur satisfaction dans l’accumulation d’objets. 8 Français sur 10 sont ainsi désormais adeptes du « fait maison » : « Plutôt qu’acheter, ils prennent plaisir à cultiver leur potager, à faire des confitures, à pratiquer la couture… Pour les gens, acheter un bien n’est pas une finalité. Ce qui compte pour eux, c’est d’obtenir une solution à un problème et, d’une certaine façon, de se transformer eux-mêmes. Ils veulent révéler leurs capacités, leurs talents, leur personnalité, accroître leur possibilité d’agir, gagner en autonomie. »
Passer de l’avoir à l’être
Philippe Moati résume ce nouvel horizon pour la consommation dans une formule : « Il faut réussir à passer de l’avoir à l’être ! C’est encore très progressif, mais les marchés de consommation évoluent pour aider les gens à se réaliser, pour les aider à faire. Dans l’alimentaire, on vend désormais les ingrédients pour préparer une recette. » Une entreprise comme Leroy Merlin l’a bien compris. En interne, ils ne se voient pas comme des vendeurs de produits, mais comme des apporteurs de solutions. « Ils accompagnent les clients tout au long de leur projet, de la conception jusqu’à la réalisation, que ce soit par des cours de bricolage, en vidéo ou en magasin, ou en proposant les services de Frizbiz, la startup de jobbing qu’ils ont rachetée. »
Retrouvez l’intégralité de l’interview de Philippe Moati.
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Les services additionnels représentent jusqu’à 30 % des revenus dans l’aérien
« Les compagnies aériennes sont-elles en passe de changer de modèle économique ? », interroge le quotidien Les Échos. En cause : l’étude annuelle du cabinet de conseil IdeaWorksCompany qui indique que les recettes annexes des compagnies aériennes (suppléments pour les bagages, choix du siège, repas, etc.) comptent désormais pour plus de 10 %, en moyenne, de leur chiffre d’affaires. Ces revenus complémentaires sont passés de 22,6 milliards de dollars en 2010 à 92,9 milliards en 2018. Soit une progression quatre fois plus rapide que la croissance du trafic aérien !
Les Français plébiscitent les marques engagées
À la question « Choisissez-vous une marque pour ses prises de position sur les grands débats de société ? », 65 % des consommateurs français répondent par l’affirmative, selon une étude que vient de publier le cabinet américain Edelman. Ce qui représente un bond de +15 points par rapport à l’année dernière. Portant sur 8 pays (États-Unis, Chine, Allemagne, Inde, Japon, Brésil, Royaume-Uni et France) avec 40 000 personnes interrogées, l’étude révèle aussi que, globalement, 67 % des consommateurs ont acheté des produits d’une nouvelle marque en raison de ses prises de position sur des sujets controversés. Inversement, 65 % déclarent qu’ils boycotteraient une marque qui serait restée silencieuse sur un sujet dont elle aurait dû s’emparer. Autre enseignement de l’étude : l’impact sur l’intention d’achat est quasiment identique entre une publicité qui vante les mérites d’un produit et une autre qui défend les valeurs de la marque (44 % dans le premier cas et 43 % dans l’autre).