Quand les marques s’engagent en faveur de l’inclusion

25/05/2023

Dans un contexte de crises, les marques se montrent plus attentives à faciliter le vivre-ensemble et à mieux refléter la diversité. Les consommateurs reconnaissent leurs efforts mais attendent des preuves de leur engagement. Entre produits plus inclusifs et meilleure accessibilité des services, voici comment des marques s’engagent pour prendre soin de tous leurs clients.

Pantone vient d’ajouter 28 teintes à son nuancier recensant les couleurs de peau. Le « SkinTone Guide 2023 » compte désormais 138 nuances, permettant aux clients de Pantone de reproduire au mieux la diversité des carnations. « Les attentes sont de plus en plus fortes vis-à-vis des marques pour qu’elles proposent une gamme de teintes de peau plus diversifiée, représentant mieux leur clientèle », fait valoir Pantone.

L’initiative est bien sûr symbolique mais elle traduit bien l’aspiration des consommateurs à une plus grande prise en compte de la diversité de la part des marques. 72 % des Français trouvent ainsi important, voire très important, que la publicité se montre inclusive, d’après le premier baromètre Inclusion & Diversité réalisé par Kantar Insights et The Good Company et publié l’an dernier. Les personnes interrogées trouvent certes que la situation s’améliore : 78 % des Français estiment que les marques font plus d’efforts ces dernières années pour représenter la diversité des individus dans la publicité. Les progrès viennent surtout, selon eux, de la représentation des personnes de couleurs de peau ou d’origines différentes.

Mais il reste bien du chemin à parcourir : 43 % des personnes interrogées disent ne pas se retrouver dans les campagnes de publicité ! C’est notamment le cas des plus âgées. À partir de 65 ans, seuls 16 % des Français arrivent à s’identifier aux personnages mis en scène par les publicités. C’est à peine mieux chez les 50-64 ans, qui ne sont que 20 % à se retrouver dans les contenus des marques. Les personnes interrogées pointent aussi un manque de sincérité de la part des marques. 69 % estiment qu’elles jouent le jeu de la diversité « par opportunisme », « pour surfer sur la tendance » ou pour être « politiquement correctes ».

Dove est perçue comme une des marques les plus inclusives

En conséquence, les consommateurs attendent des preuves et un engagement authentique. Parmi les marques qu’ils considèrent comme référentes sur le sujet, toujours d’après le baromètre Inclusion & Diversité : Dove. La marque a depuis longtemps placé l’estime de soi au cœur de sa mission, en adaptant ses prises de position aux évolutions de la société. Nous avons récemment raconté comment Dove avait lancé un mouvement contre le filtre « Bold Glamour » sur TikTok. Arrivé en février 2023, ce filtre transforme les visages pour les faire correspondre à des standards de beauté inatteignables dans la vie réelle. Ce qui contribue à créer des complexes, notamment chez les jeunes filles. D’après une étude menée par Dove, « 77 % des filles essaient de changer ou de cacher au moins une partie de leur corps avant de publier une photo d’elles ».

Autre combat mené par la marque cette année : la lutte contre les préjugés capillaires touchant les femmes noires. En partenariat avec LinkedIn, Dove a réalisé une enquête montrant que les coiffures des femmes noires sont considérées comme 2,5 fois moins professionnelles. Les deux tiers des femmes noires choisissent d’ailleurs de changer de coiffure lorsqu’elles se rendent à un entretien d’embauche. Pour faire bouger les lignes, Dove et LinkedIn ont lancé une campagne intitulée #BlackHairIsProfessional (les photos ci-dessus). Elle propose notamment des cours en ligne pour donner les clés de la création d’un environnement de travail plus équitable et inclusif. Les deux partenaires visent un million de participants, recruteurs et professionnels des ressources humaines, à ces formations.

Une célèbre chaîne américaine de meubles repense ses modèles les plus vendus

Les consommateurs veulent des preuves de l’engagement des marques, et cela commence naturellement par proposer des produits plus inclusifs. Aux États-Unis, Pottery Barn, une chaîne réputée de magasins de meubles, a revu le design de 150 de ses modèles les plus vendus pour les adapter aux personnes à mobilité réduite. Un travail mené avec les experts d’une organisation spécialisée, Disability Education and Advocacy Network, qui a conduit par exemple à repenser les miroirs pour qu’ils puissent s’incliner, ce qui permet aux personnes en fauteuil roulant de se voir plus facilement. Les dimensions des tables et des bureaux ont aussi été modifiées pour s’adapter aux fauteuils roulants. Pour la présidente de Pottery Barn, Marta Benson, interrogée par le magazine Fast Company, ces versions adaptées doivent s’intégrer parfaitement à l’esthétique de la marque. « Nous ne voulons pas que les clients aient l’impression de vivre dans un hôpital », dit-elle. Les 150 articles sont disponibles au même prix que les pièces originales.

Le design universel du modèle « Nike Go FlyEase » qui s’enfile sans les mains

L’objectif est d’arriver à des produits qui puissent être utilisés par tous, sans faire ressentir le handicap. Nike a fourni récemment une illustration ce que peut être un design universel, avec son modèle « Nike Go FlyEase ». Cette basket a été conçue pour être enfilable et retirable sans les mains. Cela donne un système vraiment innovant avec une charnière qui se verrouille et se déverrouille sans avoir à manipuler la basket, avec un look très actuel, bien loin des clichés d’une chaussure pour handicapés. D’ailleurs, si elle a été pensée pour les personnes à mobilité réduite, elle s’adresse à une cible plus large de personnes qui ne veulent pas passer de temps à nouer des lacets. 

Les premiers modèles de baskets inclusives de la collection FlyEase de Nike remontent à 2015, au départ avec une fermeture éclair sur le talon pour faciliter l’enfilage. L’histoire veut que le PDG de l’époque, Mark Parker, ait été ému par la lettre d’un lycéen handicapé, Matthew Walzer : « Mon rêve est d’aller à l’université de mon choix sans me soucier d’avoir quelqu’un avec moi pour lacer mes souliers, écrivait-il. J’ai 16 ans. Je m’habille mais mes parents doivent encore lacer mes chaussures, ce qui est très frustrant et embarrassant ». À la même période, un autre événement a affecté l’entreprise : le tout premier salarié embauché par la marque, Jeff Johnson, a eu un accident vasculaire cérébral qui lui a paralysé le côté droit du corps. Ce qui a accéléré la prise de conscience chez Nike de l’intérêt de mettre au point une collection inclusive.

La mode inclusive gagne du terrain

« L’industrie du prêt-à-porter s’intéresse de plus en plus à la mode dite inclusive, à l’attention des personnes dont les physiques ne correspondent pas aux canons habituels ou qui ont des besoins particuliers », soulignait récemment Libération. En 2022, la marque Tex (Carrefour) a par exemple commercialisé des maillots de bain destinés aux femmes ayant subi une mastectomie et n’ayant plus qu’un seul sein. Autre initiative avec la marque de prêt-à-porter masculin Jules. En collaboration avec APF France Handicap, elle a sorti l’an dernier sa première gamme de vêtements destinée aux personnes à mobilité réduite. À première vue, rien ne distingue cette collection des autres articles de l’enseigne. Mais dans le détail, tout est fait pour rendre les vêtements plus faciles à enfiler et plus confortables à porter. Les jeans ont un « faux bouton », fonctionnant avec une agrafe pour s’attacher facilement. Ils n’ont pas de poches arrière pour le confort, et des poches avant plus grandes pour pouvoir être utilisées en position assise dans un fauteuil roulant.

Zalando vient aussi de mettre au point sa première collection de mode adaptée aux personnes handicapées, via ses marques propres. La plateforme de e-commerce entend devenir dans un avenir proche le premier espace d’accès à la mode « qui accueille chacun et chacune », indique Fashion Network. Zalando dit vouloir donner globalement plus de voix aux groupes « sous-représentés ». Le site a par ailleurs étoffé son offre de marques « black-owned », autrement dit dont les propriétaires sont noirs, dans les secteurs de la mode, de la beauté et de la bijouterie.

Starbucks teste de nouvelles solutions pour rendre ses magasins plus accessibles

Autre volet clé d’une plus grande inclusion : l’accessibilité des produits et des services. Starbucks s’est, par exemple, engagée à ce que l’ensemble de ses magasins dans le monde atteignent les plus hauts standards d’accessibilité d’ici 2030. Cela passe par le design des espaces physiques pour faciliter les déplacements de tous. Mais l’enseigne compte aussi sur de nouvelles solutions technologiques. Starbucks expérimente ainsi un dispositif de reconnaissance vocale « speech to text », à l’attention des personnes malentendantes ou stressées par l’ambiance bruyante du café. Le principe : la conversation au comptoir entre le client et l’équipier de Starbucks est automatiquement transcrite par écrit sur un tableau digital. Ce qui rassure le client qui peut constater que sa commande a bien été prise en compte. Il pourra ensuite suivre l’avancée de sa préparation sur un grand écran digital.

Aux États-Unis, Starbucks propose déjà à ses clients aveugles ou malvoyants les services de l’application Aira. Il s’agit d’un système de guidage par la voix : le client filme avec son smartphone l’environnement devant lui, et un employé le guide à distance dans le café, lui permettant d’éviter obstacles et autres clients.

En France, Cora expérimente un service client pour les sourds et malentendants, disponible dans quelques magasins en partenariat avec la plateforme Sourdline. Quand une personne sourde ou malentendante se présente au Village des Services du magasin, elle peut accéder avec la personne de l’accueil aux services de Sourdline via une tablette. Un interprète se charge alors de répondre à ses questions en langue des signes.

Carrefour déploie des « espaces calmes » pour les personnes souffrant d’autisme

Autre initiative avec Carrefour qui déploie des « espaces calmes » pour les personnes souffrant d’autisme. Le distributeur a déjà systématisé une « heure silencieuse » hebdomadaire dans plus de 1 000 de ses magasins en France. Il va désormais installer dans tous ses hypermarchés des cabines d’essayage équipées d’un casque anti-bruit permettant de s’isoler de l’agitation du magasin. Répondant à une demande de l’association Autisme France, Carrefour s’est également engagé à apposer un plan du magasin sur les barres de ses chariots, permettant aux personnes en situation de fragilité, physique ou mentale, de s’orienter plus aisément. Une mesure qui pourra aussi profiter aux clients qui ont tendance à se perdre dans les magasins !

« Quand nous mettons en place des actions pour un public en particulier, cela touche souvent un plus grand nombre de clients, souligne Carine Kraus, Directrice de l’Engagement du groupe Carrefour, dans l’interview qu’elle nous a accordée. Beaucoup de personnes âgées viennent dans nos magasins lors des heures silencieuses, et même des personnes plus jeunes qui recherchent du calme pour faire leurs courses. »

Favoriser l’accessibilité peut prendre de nombreuses formes que ne soupçonnent pas les personnes en dehors du problème concerné, et qui nécessitent souvent l’appui d’associations spécialisées. Canal+ vient ainsi d’annoncer qu’il allait progressivement mettre en place des sous-titres adaptés aux dyslexiques. Objectif : permettre aux personnes souffrant de ces troubles du langage écrit de pouvoir regarder films et séries en version originale sous-titrée. La typographie utilisée, qui comporte notamment des surfaces blanches à l’intérieur des lettres, est conçue pour correspondre à la manière dont leur cerveau perçoit les lettres.

« C’est une première mondiale ! » se réjouit dans Le Parisien Béatrice Sauvageot, Présidente de l’association Puissance Dys, à l’origine de cet alphabet créé en 2017. 8 à 12 % de la population est concernée par ces troubles dyslexiques, soit 5 à 8 millions de personne en France. À terme, Canal+ pourrait même ne plus proposer que ces nouveaux sous-titres, facilement lisibles par tous, et permettant de se retrouver ensemble autour des mêmes programmes.