Marketing : vers une nouvelle génération d’influenceurs IA par Camille Jourdain

13/02/2025

Le marketing d’influence a franchi un nouveau seuil avec l’émergence des « leaders d’opinion virtuels » (LOV), ces avatars numériques conçus en croisant des logiciels de ciblage marketing avec de la génération de contenus par intelligence artificielle. Populaires au Japon, ils soulèvent cependant des interrogations éthiques sur l’authenticité et la transparence auprès des audiences ciblées. Décryptage de Camille Jourdain, consultant en marketing d’influence.

Comment, par qui et pourquoi sont créés les « leaders d’opinion virtuels » ?

Camille Jourdain – Pour commencer, je dirais qu’il est intéressant d’analyser le phénomène et de comprendre pourquoi il plaît. Une étude de HypeAuditor montre effectivement que les LOV génèrent presque trois fois plus d’engagement que les humains. Ces influenceurs virtuels sont créés par des entreprises, des agences de communication ou des studios spécialisés en animation et intelligence artificielle. Ce sont des personnages numériques conçus pour interagir avec le public sur les réseaux sociaux, promouvoir des marques et parfois incarner leurs valeurs. Pour cela, ils exploitent les avancées en intelligence artificielle, animation 3D et apprentissage profond pour créer de nouvelles formes de communication. 

Quels sont les avantages et les limites des avatars comparés aux influenceurs humains dans les campagnes de marketing ? 

C. J. – Contrairement aux influenceurs humains, ils ne vieillissent pas, ne font pas de faux pas et peuvent être contrôlés à 100% par leurs créateurs. On peut parler d’une maîtrise totale de leur image, ce qui est très avantageux. Autre avantage : la disponibilité totale, avec la possibilité de publier du contenu en mode 24/7/365 et interagir avec les abonnés sans contraintes de fatigue ou d’emploi du temps. En revanche, ils n’ont pas d’émotion, ne peuvent pas vraiment créer de lien avec leur audience. Ils sont donc moins authentiques et moins crédibles que les humains. Et ils peuvent être utilisés pour diffuser des fausses informations. Dernière limite, la dépendance technologique. La création et l’animation d’un influenceur virtuel nécessitent des compétences de pointe. Ce qui représente également un coût élevé. 

Des secteurs ou des marques sont-ils pionniers en la matière ? Comment répartissent-ils leurs campagnes entre influence par IA et influence « incarnée » ?

C. J. – Ces dernières années, nous avons vu apparaître beaucoup d’influenceurs virtuels, notamment sous forme d’avatars féminins, dans les secteurs de la mode, du luxe ou du voyage… Les plus connues étant Aitana Lopez, Shudu Gram et Lil Miquela. Cette dernière a été conçue par l’agence Brud, qui s’occupe également de Bermuda et Blawko, respectivement rivale et meilleur ami de Lil. C’est censé être une Hispano-Brésilienne de vingt ans qui partage son « quotidien » avec plus de deux millions d’abonnés. Elle a créé sa ligne de prêt-à-porter, sorti un single et enchaîné les partenariats avec les marques. Le succès est tel que des investisseurs ont injecté vingt millions de dollars dans l’agence afin qu’elle continue de la développer.

Nike a été une des premières marques à se lancer. Elle a collaboré avec Lil Miquela et lancé par la suite son influenceur virtuel avec son propre style. Elle a réussi à impliquer sa cible et à générer des retombées sur les réseaux sociaux. Évidemment, Nike continue de travailler en grande majorité avec des influenceurs humains. Par exemple avec Inoxtag à l’occasion de la réalisation de son documentaire Kaizen

 

Des secteurs ou des marques sont-ils pionniers en la matière ? Comment répartissent-ils leurs campagnes entre influence par IA et influence « incarnée » ?
Aitana Lopez, influenceuse 100% virtuelle, ©The Clueless Agency

Ces nouvelles formes de marketing numérique ont-elles un impact sur l’économie de l’influence et sur le marché des influenceurs humains ?

C. J. – Elles engendrent plus de concurrence, de nouvelles attentes de professionnalisme et de contrôle. Le marché de l’influence est de fait redéfini aujourd’hui par les influenceurs virtuels. En outre, les collaborations peuvent se diversifier. Plutôt que de remplacer les influenceurs humains, certains collaborent avec eux en créant des campagnes hybrides. 

L’investissement initial est certes plus important mais on constate une réduction importante des coûts à long terme. Leur apparition change ainsi les règles du jeu en matière de marketing d’influence. Même si le phénomène fait encore débat auprès des marketeurs, il a un impact croissant sur l’économie de l’influence et ouvre de nouvelles perspectives.

Expert : Camille Jourdain

Diplômé en marketing de l’Isegcom, Camille Jourdain a commencé sa carrière dans les médias sociaux au début de la décennie 2010. Auteur de plusieurs livres, dont un consacré à l’influence marketing, il exerce en tant que blogueur expert, consultant et formateur en réseaux sociaux. Il est aussi intervenant dans plusieurs écoles (Iseg, Isefac, Iscom).

Expert : Camille Jourdain

Crédits photo couverture : © Adobe Stock