« Quand on est une jeune fille et qu’on évolue dans le domaine de la mode, on a envie d’en faire son métier », confie Lisa Nakam, directrice générale associée de Jonak, aux côtés de son frère. Jonak, qui vient de la contraction entre le prénom Joseph porté par ses ancêtres et le nom de famille Nakam, c’est une entreprise fondée par son grand-père il y a 61 ans et qui produit des chaussures pour femmes. « J’ai baigné dans cet univers extrêmement jeune, j’allais au salon avec mon papa, et il me semblait parfaitement naturel que je reprenne le flambeau de mon père et de mon grand-père. »
À la fin de ses études à l’université Paris-Dauphine, elle part se former pendant deux ans à Londres et à New York. Là-bas, elle se frotte à d’autres univers professionnels, et ces deux expériences ont été déterminantes pour elle. « Si j’étais restée en France, tout aurait été différent, et Jonak n’aurait pas été l’entreprise qu’elle est aujourd’hui », convient-elle. Aux États-Unis, elle découvre la rapidité d’exécution. « C’est un élément très américain que j’ai appris à New York : ne pas avoir peur de l’expérimentation, on lance, on teste, on ajuste, et tout échec est un apprentissage. Cette culture du test and learn m’a aidée à moins craindre le risque et à être plus agile dans la gestion de l’entreprise. » Elle découvre aussi l’importance du détail et de l’expérience client premium, dans des marchés très concurrentiels. « Londres et New York sont très en avance sur les concept stores, on en voit apparaître tous les quatre matins, ça pousse à tester des choses sans avoir peur de se remettre en cause. »

New York, c’est aussi la puissance du storytelling qui s’appuie sur les réseaux sociaux et qu’elle a appliquée à Jonak à son retour en créant des comptes Instagram et TikTok bien avant tout le monde. « J’ai compris l’importance d’intégrer davantage de storytelling et d’expérience immersive dans nos boutiques en France, et de faire en sorte que chaque visite soit un moment unique. Un magasin doit raconter une histoire, et les New-Yorkais savent très bien le faire. J’ai utilisé cette recette en France, avec nos codes et notre communication. »
De retour en France, elle n’intègre pas tout de suite la direction générale mais commence par occuper tous les postes de l’entreprise pendant deux ans : vendeuse en magasin, responsable de produits, etc. « Mon père voulait que je fasse deux ans d’observation pour maîtriser tous les aspects du métier, techniques ou organisationnels, et je dois dire que cette longue expérience de terrain a été très formatrice, elle m’a donné une énorme légitimité vis-à-vis des collaborateurs parce que je suis capable de parler leur langage. Il n’y a pas de bon patron sans connaître parfaitement les rouages de son entreprise. » 

Une fois passé cet apprentissage, elle a carte blanche pour lancer des projets, comme le digital. « Ce projet était très porteur, il était rapidement source d’augmentation du chiffre d’affaires et très vite, mon père m’a laissé les rênes. » Elle met donc en place une stratégie d’omnicanalité, avec l’unification du réseau des stocks et des clients pour offrir une expérience homogène dans tous les points de contact. « Dans un réseau de magasins, il faut que l’information circule pour fournir à la cliente ce qu’elle veut, et nous avons eu la chance de mettre cette vision en œuvre bien avant nos concurrents. » 
Début 2025, Jonak a été labellisée B Corp, c’est-à-dire qu’elle s’engage pour une économie plus responsable, inclusive et durable. « Il nous a fallu 18 mois de travail pour obtenir cette certification, c’est la première fois qu’on a eu un projet d’entreprise aussi prenant ! Ça demande une vraie cohésion au niveau des équipes pour se comprendre, passer les informations nécessaires, etc. Mais c’est un tournant important qui valide la vision de mon grand-père quand il a lancé Jonak. »