Cinq projets d’architecture vernaculaire
06/11/2024Aujourd’hui, l’architecture doit être à la fois plus respectueuse de l’environnement, plus proche des habitants et plus conforme à l’identité des territoires. Pour tenir ces engagements, l’architecture vernaculaire – soit « l’architecture du pays », comme la définit Frédéric Denise, fondateur de l’agence Archipel Zéro – offre de riches perspectives. « Ce mode de construction low tech se base sur l’utilisation de matériaux locaux : terre crue, ardoise, chaume, matériaux de réemploi. Et quelques principes élémentaires : prise en compte du contexte bioclimatique et simplicité de la construction. » L’architecture vernaculaire est aussi récompensée par le Prix européen d’architecture, créé en 1982 par l’architecte belge Philippe Rotthier, qui distingue des réalisations qui s’appuient sur l’ancrage régional. « Les projets candidats se caractérisent par leur grande variété, depuis la rénovation d’un bâtiment patrimonial jusqu’à la réhabilitation d’un quartier de ville », note Noé Morin, fondateur de l’association La Table ronde de l’architecture et organisateur du prix en 2024. Échantillon de projets récents d’architecture vernaculaire, en France et en Europe.
[Article extrait du Mag Territoires]
#1 SEINE-SAINT-DENIS
Maison de la réserve écologique à Épinay-sur-Seine
Au cœur de la ville d’Épinay-sur-Seine, en Seine-Saint-Denis, une vaste réserve écologique s’est développée sur un terrain en friche de 1,5 hectare, colonisé en quelques décennies par de grands arbres, des ronces et une faune abondante. La municipalité a choisi de sanctuariser cette réserve naturelle et de la compléter avec un bâtiment qui abritera des actions de sensibilisation et d’éducation à la nature. « Pour préparer le cahier des charges, nous avons travaillé sur plusieurs aspects : usages, impact carbone, économies d’énergie, principes bioclimatiques, recours aux low tech… Le projet que nous avons sélectionné ajoutait en plus l’utilisation de matériaux biosourcés », explique Eugénie Ponthier, adjointe au maire déléguée à l’écologie urbaine. Les matériaux biosourcés sont caractéristiques de la construction vernaculaire : refus du béton, bois de pays, terre crue et matériaux de réemploi (baies vitrées). La Maison de la réserve écologique annonce l’ouverture de ses portes pour le 23 novembre 2024.
Réalisation : Agence Archipel Zéro.
#2 SEINE-ET-MARNE
Au Temps du Faubourg à Marne-la-Vallée
Au Temps du Faubourg est un nouveau projet de Val d’Europe, à Marne-la-Vallée (Seine-et-Marne). Achevé en décembre 2023, il mêle logements, y compris sociaux, commerces en rez-de-chaussée et parkings en sous-sol. Les nouveaux bâtiments, de deux à quatre étages, s’inscrivent dans l’esprit faubourien du quartier, avec des passages protégés allant des rues publiques à la cour intérieure privée et des zones piétonnes. Les façades sont conçues avec une variété d’époques et de typologies d’architecture typiques de la construction en Île-de- France : inspiration médiévale (pignon triangulaire) ou industrielle, villa de maître avec mansarde, immeuble du début du XXe siècle. Les murs et planchers sont en béton coulé sur place, les toitures en bois recouvertes de zinc, d’ardoises ou de tuiles d’argile, et les façades en pierre naturelle avec les modénatures en pierre reconstituée, dans le respect des usages de l’Île-de-France.
Réalisation : Paris Classical Architecture et Stanhope Gate Architecture.
#3 Belgique
Melopee School à Gand
Dans le port industriel de Gand, en Belgique, la Melopee School a su capter l’esprit des lieux en adoptant la grammaire architectonique du port. Elle se compose d’un « box industriel » compact, qui accueille une école, une crèche et des équipements sportifs, empilés les uns sur les autres, ainsi qu’une cour d’école verticale et verdoyante : « L’enjeu central était de construire ce projet mixte sur un site trop petit par rapport au programme, tout en garantissant le bon fonctionnement de l’école, de la salle de sport et de la crèche », selon Willem Van Besien, l’architecte qui a travaillé sur ce projet. Les façades ont été conçues comme un patchwork en polycarbonate opaque et translucide, en verre et en lattes d’aluminium. Là où auparavant il n’y avait rien, le projet a généré une nouvelle centralité urbaine : il « dessine l’avenir de la ville et la fait passer à la vitesse supérieure », déclarait Mathias De Clercq, bourgmestre de Gand, lors de l’inauguration. Œuvre de l’agence belge XDGA – Xaveer De Geyter Architects, la Melopee School a remporté de nombreux grands prix d’architecture. Lauréat du prix Rotthier 2021.
Réalisation : Agence Xaveer De Geyter Architects.
#4 CORSE
Mantinum, liaison verticale paysagère à Bastia
Mantinum, nom romain de la ville de Bastia, en Corse, désigne un nouvel ensemble paysager reliant le Vieux-Port à la Citadelle qui le domine. Il est composé d’une enfilade de jardins et de terrasses, d’un escalier monumental et d’un ascenseur public. « Nous voulions créer une liaison verticale au cœur de la ville pour rapprocher le Vieux-Port de la Citadelle, et ce projet est devenu un théâtre avec une ouverture magnifique sur la mer », confiait Pierre Savelli, maire de Bastia, lors de l’inauguration. Le style robuste et tranché découpe avec précision les volumes sous le soleil méditerranéen. La couleur du béton se fond dans celle de la roche locale et de la citadelle qui les surplombe. Les éléments géométriques de la composition, la verticalité de la cage d’ascenseur, les nombreuses plateformes panoramiques, la diagonale du grand escalier dévoilent le véritable potentiel des lieux. Mantinum a été consacré par de nombreuses récompenses internationales, dont le prix Rotthier 2021.
Réalisation : Buzzo Spinelli Architecture et Antoine Dufour Architectes.
#5 LOT
Philibert, habitation modulable aux Pechs-du-Vers
Le projet Philibert est une habitation constituée d’une pièce lumineuse en bois, et aménagée dans un parc privé des Pechs-du-Vers, dans le Lot. Il célèbre à la fois la construction vernaculaire et les joies d’une société mobile. En utilisant des matériaux locaux et en réinterprétant les traditions locales de la construction, l’édifice d’une grande légèreté trouve très bien sa place dans le paysage du Lot. Sa réalisation puise dans les structures de toit en bois inventées et perfectionnées au XVIe siècle par le maître d’œuvre Philibert Delorme, qui, en adoptant la forme de la coque d’un bateau en bois, augmentait la portée avec un minimum de matériau ; mais aussi dans l’illustre Domebook, qui a tant inspiré les hippies et les disciples de l’architecte américain du XXe siècle Buckminster Fuller dans leurs constructions ultralégères (lauréat du prix Rotthier 2021).
Réalisation : Pierre-François Limbosch and Frédéric Grousset.
[Article extrait du Mag Territoires]