L’habitat inclusif, la solution pour vieillir chez soi sans être seul
21/06/2024Consacré par la loi ELAN de 2018, l’habitat inclusif offre aux personnes âgées ou en situation de handicap une alternative entre l’isolement à domicile et la vie en collectivité. On dénombre aujourd’hui plus de 2 000 projets, mais plusieurs pistes ont été identifiées afin d’accélérer leur déploiement et répondre aux besoins et aux attentes de la société.
[Interview extraite du Mag Longévité]
« Les habitats regroupés existent depuis la nuit des temps », rappelle Sophie Audrain, directrice du réseau HAPA (Habitat partagé et accompagné). Mais l’habitat inclusif a été consacré par la loi ELAN de 2018, qui prévoit une « aide à la vie partagée », accordée par le département et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), pour financer la présence d’une personne chargée d’y animer la vie sociale.
L’habitat inclusif est un habitat de droit commun et les résidents y sont locataires en titre de leur domicile. Mais ils mutualisent des ressources financières, humaines, des espaces, etc. Il offre une alternative aux personnes âgées et/ou en situation de handicap qui ne souhaitent ni rester seules chez elles ni entrer en Ehpad. Pour Sophie Audrain, « il y a un besoin non couvert de vivre ensemble, avec d’autres à proximité ».
Jacques Wolfrom, directeur général chez Groupe Arcade-VYV et coauteur en 2020 du rapport Demain, je pourrai choisir d’habiter avec vous avec Denis Piveteau, conseiller d’État et ancien directeur de la CNSA, abonde : « Si 70 % des gens souhaitent rester le plus longtemps possible chez eux, vouloir rester chez soi mais pas seul, rester utile et continuer à être en altérité est une option choisie par 28 % d’entre eux. »
Renforcer la coordination et la cohérence
On décompte un peu plus de 2 000 projets d’habitats inclusifs sur le territoire français (métropole et outre-mer), dont 152 nouveaux projets en 2023, portés essentiellement par des gestionnaires d’établissements médico-sociaux et des associations ad hoc. Par exemple, un projet à destination de très jeunes malades d’Alzheimer qui sera construit dès cette année par le Comité de liaison des associations de retraités et des personnes âgées (Clarpa) du Morbihan avec le bailleur social Morbihan Habitat sur une parcelle cédée par la commune de Plumelin. De nombreuses associations et structures de l’économie sociale et solidaire ont été également créées pour porter ce type d’habitat, qui peut être accompagné par la plateforme HAPI (Habitat accompagné, partagé et inséré dans la vie locale), créée par la Caisse des Dépôts. Mais la diversité des projets issus du terrain, avec des montages économiques et juridiques variés qui reflètent les spécificités des territoires, a tendance à effrayer les financeurs. « Les porteurs de projets doivent dépenser beaucoup de temps (jusqu’à 7 ans pour l’ingénierie d’un projet) et d’énergie pour parvenir à les financer », témoigne Sophie Audrain. Elle déplore « un manque de cohérence, voire une certaine opacité concernant les critères d’attribution » de l’aide à la vie partagée. « Pour compléter la politique décentralisée et déconcentrée, nous avons identifié un besoin de coordination et d’animation de l’ensemble de la communauté », confirme Jacques Wolfrom.
Améliorer l’attractivité des métiers du soin
C’est l’un des points d’amélioration relevés dans le rapport rédigé avec Denis Piveteau, qui avait pour objectif d’exposer les conditions de déploiement de l’habitat inclusif à grande échelle et sur tout le territoire. Ou, plus précisément, « de l’habitat accompagné, partagé et inséré dans la vie locale, qui dit l’essentiel de ce qu’est cette forme d’habitat». Les freins techniques se lèvent peu à peu, notamment grâce à la loi « Bien vieillir ». Celle-ci prévoit de permettre à 27 000 personnes de vivre en habitat inclusif d’ici à 2030, avec une extension du financement en prêt locatif aidé d’intégration (PLAI) pour les personnes les plus modestes. « Il reste des actions à mener, notamment sur le financement des études préalables ou encore la coordination de l’action vis-à-vis des professionnels intervenant dans les territoires » précise Jacques Wolfrom. Autre facteur essentiel au déploiement, l’attractivité des métiers du soin. « Loger à proximité évite aux intervenants de se disperser en transports fatigants ; il est d’ailleurs nécessaire d’offrir un logement de fonction au sein d’un logement social, observe-t-il. De plus, la mission de coordination de la vie partagée offre des perspectives d’évolution de carrière pour les salariés de l’aide à domicile, après des années de terrain. » L’État, les collectivités territoriales et les acteurs doivent jouer un rôle pour faire mieux connaître l’offre de logements disponibles, mais « je suis confiant dans la capacité des territoires et des acteurs de s’emparer de cet outil, qui constitue une réponse à un désir profond de la société », conclut-il.
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