Logistique « verte » : quels leviers pour décarboner la livraison ?

14/05/2025

Comment réduire les impacts environnementaux de la livraison tout en maintenant la compétitivité ? Le secteur logistique est face à un défi de taille : réduire son empreinte carbone tout en répondant aux exigences croissantes des consommateurs et des entreprises. Innovation dans les transports, optimisation des parcours et éco-conception des emballages… Laure Mandaron, directrice RSE du groupe La Poste, partage son expérience. 

Quels sont aujourd’hui, selon vous, les leviers les plus efficaces pour décarboner la chaîne d’approvisionnement sans compromettre la performance ?

Laure Mandaron – Le verdissement de notre flotte constitue un levier essentiel : il comprend l’électrification de nos véhicules de livraison et la cyclo-logistique en zone urbaine, l’utilisation progressive de biogaz et de biocarburants sur les liaisons poids lourds et le recours à quelques poids lourds électriques, malgré la maturité encore insuffisante de l’électrique pour les liaisons moyenne et longue distance. L’optimisation logistique est également déterminante. Grâce à des techniques de chargement « en mode Tetris » (ou « vrac rangé ») combinées à l’usage de caisses mobiles, la capacité de transport est passée de 1 300 à près de 4 000 colis par camion : autant de trajets et donc d’émissions de CO2 et de polluants atmosphériques en moins. En parallèle, nous avons repensé nos emballages (l’emballage représente 30% de l’impact environnemental de la livraison d’un colis sur son cycle de vie), et l’intégralité des gammes d’emballages Colissimo est désormais éco-conçue et réutilisable. Enfin, parmi d’autres actions fortes, je citerais la suppression quasi complète du transport aérien national, et la formation massive à l’écoconduite, avec plus de 51 000 conducteurs depuis 2020, qui génère des économies de carburant pouvant aller jusqu’à 15% lorsque l’accompagnement s’inscrit dans la durée grâce à des piqûres de rappel.

Quels défis les acteurs du secteur de la livraison doivent-ils relever pour allier compétition et transition écologique ?

L. M. – L’un des défis majeurs, c’est la standardisation de la mesure de l’empreinte carbone de la livraison d’un colis. Aujourd’hui, il n’existe pas d’outil fiable et honnête pour que les e-acheteurs puissent comparer l’impact environnemental des différentes solutions de livraison lors de leurs achats en ligne. Il faut créer des référentiels clairs, à l’image du Nutri-score dans l’alimentation, pour corriger certaines idées reçues : par exemple, la récupération d’un colis avec son véhicule thermique dans un point relais peut multiplier par deux son empreinte carbone, par rapport à la livraison à domicile de ce colis par un facteur. À La Poste, nous défendons l’idée du modèle de tournée mutualisée, comme une sorte de « transport en commun des objets ». Au-delà de cette sensibilisation à l’empreinte carbone des livraisons, plusieurs défis techniques et structurels subsistent : l’accès au foncier en zone urbaine pour développer la cyclo-logistique, la constitution d’un réseau d’infrastructures de recharge pour les véhicules électriques suffisamment dimensionné, le changement de comportement des consommateurs, qui sont encore réticents à accepter les surcoûts d’une livraison plus écologique dans leurs décisions d’achat. 

Quels enseignements tirer des stratégies du groupe La Poste déjà mises en œuvre ?

L. M. – Un premier enseignement fort réside dans la mobilisation de nos collaborateurs, qui sont engagés et fiers de contribuer à la transition écologique du groupe, jusqu’aux facteurs, aux livreurs et aux chargés de clientèle. Cette dynamique interne est aujourd’hui l’un des moteurs puissants de transformation. Le groupe bénéficie également d’un coup d’avance : son engagement remonte à plus de vingt ans, et il est reconnu pour sa performance extra-financière par l’ensemble de ses parties prenantes (notamment les collectivités et les entreprises clientes). Autre enseignement clé : La Poste finance des projets locaux qui contribuent à la transition écologique en France, par la création de puits carbone dans les domaines de la forêt et de l’agriculture et la préservation de la biodiversité dans quarante départements, témoignant d’un ancrage fort dans les territoires. Cette capacité à être « engagée et engageante » fait de La Poste un catalyseur de dynamiques vertueuses, dans la mobilité durable aussi bien que dans l’économie circulaire. Nous avons par exemple contribué à la création d’une filière de recyclage des vêtements professionnels avec notamment ORÉE et la SNCF.

Comment les données environnementales sont-elles intégrées pour décider de la viabilité d’une offre ?

L. M. – Nous avons lancé un chantier d’acculturation de nos équipes marketing pour les former au marketing à impact et bientôt au marketing inclusif dès la conception des offres. Chaque nouvelle offre est évaluée selon des critères extra-financiers intégrés aux revues de jalons internes, autour de deux grandes questions: comment réduire au maximum ses impacts négatifs (CO₂, déchets, ressources)? Sa promesse contribue-t-elle activement aux grandes transitions écologiques ou sociétales ? 

Biographie

Diplômée d’AgroParisTech, Laure Mandaron a démarré sa carrière au cabinet de conseil Ernst&Young où elle a effectué des missions RSE. Directrice RSE de La Poste depuis quinze ans, elle pilote la stratégie RSE du groupe, centrée sur la transition écologique, l’inclusion sociale et la cohésion territoriale. Elle est aussi administratrice des think tanks ORSE et ORÉE, ainsi que de Nouvelle Attitude, filiale de La Poste. 

Biographie

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