Face aux GAFA et aux NATU, alliance ou défiance?

05/10/2017

Les NATU ? Netflix, Airbnb, Tesla et Uber. Avec les GAFA, ils bouleversent les modèles de consommation. Comment réagir pour une marque traditionnelle ? Certaines choisissent de s’appuyer sur la puissance de ces nouveaux géants. D’autres redoutent de faire entrer le loup dans la bergerie. Illustrations.

CÔTÉ ALLIANCE

1Les grands magasins Kohl’s accueillent des espaces Amazon

Aux États-Unis, la grande distribution est en proie au doute. Comment contrer la concurrence du e-commerce et continuer de faire venir les consommateurs en magasin ? (C’était l’objet de notre Tendance de juin dernier, Retail : le grand chambardement). La chaîne de grands magasins Kohl’s a choisi de « transformer une menace en un précieux allié », indique le site LSA. Ainsi, à partir de ce mois d’octobre, l’enseigne accueillera dans 10 de ses points de vente, autour de Los Angeles et Chicago, des espaces Amazon.

Sous l’intitulé « Amazon Smart Home Experience », ces espaces de 90 mètres carrés commercialiseront les produits high-tech développés par Amazon, comme son assistant vocal Echo, ses tablettes Fire ou encore l’Amazon Fire TV. Le géant du e-commerce trouve là le moyen d’entrer en contact avec un très large public, qui pourra acheter directement ses produits en boutique, sans passer par le site web.

Pour Kohl’s, qui possède plus de 1 100 magasins dans 49 états américains, l’ouverture de ces 10 espaces Amazon relève bien sûr d’une expérimentation. Mais l’enseigne espère bien qu’ils permettront de créer du trafic dans ses points de vente. Kohl’s a d’ailleurs également annoncé que les clients d’Amazon pourront désormais retourner leurs achats effectués en ligne en se rendant dans 82 de ses magasins, toujours dans les régions de Los Angeles et Chicago. L’enseigne se chargera d’emballer, si besoin, les commandes à réexpédier, et les réacheminera vers les entrepôts d’Amazon. Des places de parking seront même spécialement réservées pour les clients venant retourner les achats réalisés sur Amazon.

Outre-Atlantique, cette stratégie de Kohl’s fait débat : en coopérant avec Amazon, Kohl’s va-t-il réussir à booster les ventes de ses magasins ou va-t-il doper à son détriment celles du géant du e-commerce ? Certains experts, qui estiment que Kohl’s joue avec le feu, rappellent l’exemple de Toys‘‘R’’Us. L’enseigne avait signé un accord de distribution avec Amazon aux débuts des années 2000, allant jusqu’à rediriger son site ToysRUs.com vers Amazon.com. Résultat : Toys‘‘R’’Us n’a jamais pu rattraper son retard sur les ventes en ligne et le distributeur vient de se déclarer en faillite aux États-Unis.

2Des malls américains proposeront des lounges Uber

Comment donner envie aux consommateurs de se déplacer dans les grands centres commerciaux ? Cela commence par leur faciliter l’accès. Westfield, un groupe qui gère 33 malls à travers les États-Unis, vient de signer un accord avec Uber afin d’installer des emplacements réservés au service de VTC, permettant de déposer et d’embarquer les passagers. Il s’agira de l’équivalent de stations de taxi, avec une signalétique très visible, mais cela pourra aller jusqu’à l’installation de véritables lounges.

Le premier de ces lounges sera installé à Los Angeles, selon une info repérée par le blog So Particular. Les clients pourront y attendre leur chauffeur Uber à l’abri, confortablement assis avec leurs achats.

Les stations Uber figureront dans l’appli sous forme d’icônes pour permettre aux chauffeurs et aux passagers de se retrouver facilement. Uber prévoit aussi de dépêcher sur place des ambassadeurs pour faire la promotion de son service et aider les clients à faire leurs premiers pas sur l’appli.  

3McDonald’s fait livrer ses hamburgers à domicile par UberEats

Depuis cet été, la chaîne de fast-food propose à Paris et à Lyon un service de livraison à domicile assuré grâce à l’application UberEats. Les collaborations entre McDonald’s et la filiale de livraison à domicile d’Uber fleurissent à travers le monde : UberEats livre Big Mac et autres sandwichs aux États-Unis, au Canada, en Australie, au Royaume-Uni, etc.

Sur le papier, les deux partenaires sont gagnants. En France, dans un contexte de concurrence accrue, notamment face au développement de Burger King, McDonald’s apporte un service supplémentaire et répond à une nouvelle habitude de consommation, sans avoir à investir dans la livraison. Et UberEats, qui doit lui aussi faire face à une forte concurrence (Deliveroo, Allo Resto, Foodora, etc.), trouve là un client de poids, à même d’élargir la fréquentation de son application. UberEats gagne également la relation client avec les fans de McDo qui commandent sur son appli…

4Nike met ses baskets en vente sur Amazon

Nike a longtemps refusé de vendre sur Amazon. Mais face à la baisse de ses ventes, et pour toucher un public plus jeune, l’équipementier a revu sa stratégie cet été et a négocié un accord avec la plateforme de e-commerce pour y proposer baskets, vêtements et accessoires. La marque ne va toutefois pas y commercialiser l’ensemble de son catalogue. Pour préserver ses distributeurs historiques, comme Foot Locker, Nike ne devrait pas vendre sur Amazon ses articles les plus hauts de gamme. Du moins au démarrage. « Ce n’est que le début. Au fur et à mesure que le projet va avancer, nous allons voir avec Amazon si nous étendons le partenariat », indique Trevor Edwards, responsable de la marque Nike. L’annonce de cet accord avec Amazon a été bien accueillie à Wall Street, faisant grimper le titre de plus de 3 % dans les heures qui ont suivi.

Jusque-là, si Nike ne vendait pas en direct sur Amazon, les articles de la marque étaient toutefois commercialisés sur la plateforme par des détaillants sans licence et des grossistes. Pour l’expert du retail Jean Marc Megnin, « une des conditions essentielles de cet accord, c’est qu’Amazon fasse retirer immédiatement les produits à la marque Nike vendus par des vendeurs tiers et qu’ils luttent ensemble contre les ventes de contrefaçons ».

Un peu avant Nike, Ikea a également annoncé qu’il allait commercialiser ses produits sur Amazon. Ici aussi, c’est un changement de stratégie pour le groupe suédois, marquant la domination d’Amazon sur le commerce en ligne.

Selon une étude réalisée en France, en Allemagne et au Royaume-Uni et publiée le mois dernier, 56 % des consommateurs commencent désormais leur shopping en se rendant sur Amazon avant tout autre site.

5Walmart s’associe à Google pour contrer Amazon

Comment rivaliser avec Amazon ? En s’alliant avec un autre GAFA (pour Google, Apple, Facebook et Amazon) ! C’est ce que vient de décider Walmart en nouant un partenariat avec Google pour vendre ses produits en ligne via la commande vocale de Google Assistant. L’accord est opérationnel depuis la fin septembre, permettant de commander « des centaines de milliers d’articles ».

Leader mondial de la distribution, Walmart n’a pas jusqu’ici réussi à étendre son empire sur Internet. Le lancement par Google de son assistant domestique, concurrent de l’enceinte intelligente Echo d’Amazon, lui donne l’occasion de tenter de regagner des parts de marché en ligne. « Cela nous permettra d’offrir des recommandations d’achat très personnalisées, fondées sur les précédents achats du consommateur, incluant ceux réalisés dans les magasins Walmart et sur le site Walmart.com », fait notamment valoir Marc Lore, responsable du e-commerce chez Walmart.

 

CÔTÉ DÉFIANCE

6Data : la SNCF, la RATP, Transdev et BlaBlaCar s’allient pour contrer Google

« Face au péril représenté par les géants américains du numérique, plusieurs grands noms du transport français ont décidé de mettre de côté leurs rivalités pour travailler à une mise en commun de leurs données ». C’est ainsi que Les Échos présentent l’accord entre la SNCF, la RATP, Transdev (le groupe de transport public contrôlé par la Caisse des dépôts) et BlaBlaCar visant à créer un data warehouse (littéralement, un « entrepôt de données ») qui centralisera les informations des quatre opérateurs sur leur activité.

L’objectif est notamment de partager en temps réel les données sur les horaires afin de vendre des billets uniques combinant plusieurs modes de transport, mêlant train, bus, métro, covoiturage, etc.

Pourquoi cette alliance autour des datas ? En principe, la loi oblige les entreprises assurant un service public de transport à pratiquer l’open data. Mais les décrets d’application ne sont jamais parus. Et les quatre membres de l’alliance veulent aujourd’hui éviter que la mise à disposition sans condition de leurs données ne profite d’abord aux GAFA. Et en premier lieu à Google qui se développe fortement dans les transports en vendant déjà des billets d’avion via Google Flights. Le modèle économique envisagé de ce data warehouse serait un mélange d’accès gratuit pour les membres et payant pour les GAFA.

7Banques et distributeurs français se regroupent face à Apple Pay

À l’instar des acteurs du transport, plusieurs banques et distributeurs français ont également décidé de mettre leurs rivalités de côté face au danger que représentent les GAFA. Ici, le péril vient d’Apple et de sa solution de paiement mobile Apple Pay, déjà adoptée par 4,5 millions de commerçants américains. Mais le danger vient aussi de géants chinois du Net, WeChat et Alipay, qui commencent à déployer leurs services en dehors de Chine.

Pour proposer une alternative crédible, sept acteurs majeurs du monde de la banque et des paiements (BNP Paribas, Crédit Mutuel, Oney, Mastercard) ainsi que de la distribution (Auchan, Carrefour, Total) se sont regroupés en mai dernier pour créer Lyf Pay, une application de paiement mobile. « Il fallait une solution capable de proposer tout un écosystème autour des paiements : Lyf Pay embarque non seulement une solution de paiement, mais aussi de fidélité, d’identification et de communication avec des communautés de clients », explique Nicolas Théry, président de la Confédération du Crédit Mutuel.

Lyf Pay est né de la fusion de deux initiatives françaises autour du paiement mobile : Fivory, qui était portée par le Crédit Mutuel, Mastercard, Total, Oney et Auchan, et Wa !, défendue par Carrefour et BNP Paribas. L’union était devenue indispensable pour tenter de faire émerger une solution nationale.

8Leboncoin lance de nouveaux services pour résister à Facebook

Le 14 août dernier, Facebook a annoncé le lancement de sa fonctionnalité Marketplace dans 17 pays européens, dont la France. Le principe : proposer un espace de vente d’objets entre particuliers. Soit une offre en concurrence frontale avec le site de petites annonces Leboncoin. « Voir arriver Facebook sur son marché, ce n’est pas le truc le plus sympa qui puisse nous arriver », a reconnu Antoine Jouteau, le directeur général de Leboncoin, lors d’une keynote à la Paris Retail Week le 21 septembre 2017, selon L’Usine Digitale.

« On prend cette arrivée au sérieux. Après, ce n’est pas la panique. C’est la troisième fois qu’ils essayent. Ce qui est important, c’est de proposer la meilleure expérience utilisateur, indique le directeur général de Leboncoin. On ne va pas se laisser faire. On va se défendre par le produit, la marque et la transparence. » Et d’ajouter : « Peut-être que les internautes préféreront aller sur une plateforme qui paye ses impôts en France… »

Leboncoin a, en tout cas, déjà commencé à déployer sa riposte. Pour aller au-delà de la simple mise en relation des vendeurs et des acheteurs, il vient ainsi de lancer une messagerie instantanée facilitant les échanges entre ses utilisateurs. Avec des premiers résultats encourageants : « 1,5 million de messages y sont échangés chaque jour et on devrait atteindre les 3 millions », affirme Antoine Jouteau.

Autre déploiement en cours : la possibilité de payer directement sur la plateforme et non lors de la rencontre. Leboncoin a testé cette fonctionnalité durant l’été pour les locations de vacances. Le site prévoit un lancement officiel pour le premier semestre 2018.

Prochaine étape ? Sans doute celle de la livraison, pointe L’Usine Digitale. « Avec la messagerie, le paiement et la livraison, on couvrirait toute la chaîne de valeur, relève Antoine Jouteau. Tout ça sera bien sûr optionnel. Nous laisserons le choix à nos utilisateurs. » En attendant, Leboncoin s’attend encore à une croissance annuelle de 10 %.

9Les médias français ouvrent deux fronts contre Google et Facebook

Les médias français s’organisent eux aussi pour tenter de résister à la toute-puissance des GAFA. Ici, le champ de bataille est la publicité numérique, dominée par Google et Facebook qui pèsent à eux deux « 68 % du marché numérique français, et même 92 % du marché mobile en 2016 », indique Challenges.

En réaction, deux alliances sont nées cet été. Skyline, d’une part, qui est l’offre commune de deux grands rivaux, Le Figaro et Le Monde, et Gravity, d’autre part, qui rassemble une vingtaine de médias, de régies publicitaires, et même des groupes de e-commerce : Le Parisien, Les Échos, Lagardère Active (Elle, Europe 1, Paris Match…), SFR Média (L’Express, Libération), M6, Next Radio TV (BFMTV, RMC), Prisma, Fnac Darty, etc.

Le nerf de la guerre, ce sont bien sûr les datas. Gravity se présente ainsi pour les annonceurs comme une plateforme numérique commune et automatisée d’achat d’espaces publicitaires. Les membres de l’alliance y partageront l’intégralité des données personnelles des internautes dont ils disposent. Ce qui permettra de réaliser des campagnes de publicité programmatique, les ventes d’espaces publicitaires étant de plus en plus réalisées de façon automatisée, selon un système d’enchères, en fonction du profil de consommateurs visé. 

« Au total, les membres de Gravity touchent 44 % des internautes français chaque jour, soit 16 millions de personnes », assure Béatrice Lhopitallier du groupe Les Échos, alors que Google en touche 60 %, et Facebook 70 %. Actuellement en version test, Gravity connaîtra un lancement officiel en novembre, puis un lancement en « self-service » en janvier 2018.

De leur côté, les groupes Figaro et Le Monde (qui comprennent aussi Télérama, L’Obs, L’Internaute…) revendiquent 35 millions de visiteurs uniques par jour sur les trois écrans (ordinateur, mobile et tablette). En France, cela les place au quatrième rang derrière Google (44 millions), Facebook (40 millions) et Microsoft (36 millions). Les deux groupes de presse, qui conserveront des régies distinctes, mettent eux en avant la fiabilité de l’offre Skyline, sur un marché où la défiance s’est installée. « Avec nous, les clients sauront où ils investissent », avance Marc Feuillée, directeur général du Figaro.

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