La fondatrice de la joaillerie Gemmyo anime deux podcasts qui cartonnent
19/03/2020Pauline Laigneau, qui a cofondé Gemmyo avec son mari, est aussi à l’origine de deux podcasts très écoutés : Le Gratin, dédié à l’entrepreneuriat, et Chalalove, lié à sa marque. Le succès est tel que l’animation de ces podcasts devient son second métier. Rencontre avec une entrepreneure passionnée.
Vous animez le podcast Le Gratin qui rassemble plus de 250 000 auditeurs par mois. Comment est née l’idée ?
Pauline Laigneau : En faisant mon jogging, ou presque ! C’était en mars 2018. J’écoutais moi-même des podcasts, surtout des podcasts américains qui ont une très grande créativité sur des sujets pointus. Un ami américain m’avait recommandé ce média, à écouter notamment en faisant de la course à pied. Et je suis tombée amoureuse de ce format, j’ai réalisé que c’était un outil formidable pour apprendre. Mais il existait à l’époque très peu de podcasts en France. Je ne trouvais pratiquement que des rediffusions d’émissions radio. Cela me semblait dommage.
Parallèlement, j’ai deux passions dans la vie : la joaillerie – c’est pourquoi j’ai créé la marque Gemmyo en 2011 – et l’entrepreneuriat. J’ai eu l’envie de joindre de nouveau l’utile à l’agréable, en lançant un podcast dédié à l’entrepreneuriat. À la fois pour aider des gens qui voudraient se lancer mais aussi, de façon plus égoïste, pour avoir l’opportunité de rencontrer des personnes inspirantes, et de me créer mes propres mentors virtuels. Et tout est allé très vite. Deux semaines après avoir eu l’idée, je faisais les premières interviews.
D’où vient le nom Le Gratin ?
Je n’aime pas tellement me prendre au sérieux. Il faut avoir un peu de recul dans la vie. Le Gratin, cela exprime bien l’idée de rencontrer via le podcast la crème de la crème ! La mission du Gratin est d’essayer d’aider mes auditeurs à « devenir la meilleure version d’eux-mêmes ».Je n’avais qu’un seul format au départ : les Interviews du Gratin, publiées le lundi matin où j’interviewe des personnalités remarquables pour parler de leurs parcours et décrypter avec elles les clés de leur succès. Je propose aussi maintenant les Leçons du Gratin, le mercredi, où je réponds à des questions d’auditeurs pour les coacher, les guider, sur des thèmes comme l’entrepreneuriat, le marketing, les réseaux sociaux, le développement personnel…
Comment expliquez-vous le succès qu’a rapidement rencontré votre podcast ?
Il répond à un vrai besoin de pouvoir côtoyer sans filtre des personnalités inspirantes. Je reçois des entrepreneurs, des artistes, des sportifs… Il y a aujourd’hui un réel questionnement sur le sens de nos carrières, avec une recherche de développement personnel. Ce podcast permet d’avoir des éléments pour se créer ses propres réponses. Il correspond à un moment de société où l’on n’est plus dans des carrières où l’on passe 40 ans dans la même boîte. On rêve de devenir entrepreneur, ou de faire autre chose. Le Gratin permet d’ouvrir des horizons.
Quel impact a eu le confinement sur votre audience ?
Sur les 2 premières semaines du confinement, l’audience de mon podcast a chuté de 30 %. Il y a ensuite eu une stabilisation à -15 %. Mais depuis la mi-avril, l’audience repart nettement à la hausse et accélère même. Cette inversion de tendance est peut-être liée à l'annonce de la fin du confinement.
Détail intéressant : les heures d’écoute ont changé avec le confinement. Elles connaissaient des pics entre 7h et 9h, puis 18h et 20h. C’est désormais plus diffus sur la journée, avec de petits pics plutôt vers 10h-11h du matin. À voir s’il y aura un effet sur la durée.
En début d’année, vous avez annoncé vouloir consacrer deux jours par semaine exclusivement au Gratin…
L’accueil que reçoit Le Gratin m’a surprise. Je ne m’attendais pas à en faire un métier. Durant près de deux ans, j’ai travaillé sur ce podcast le soir, le week-end, cela m’intéresse énormément. J’ai l’impression de donner, d’aider. Mais cela me prend aussi de plus en plus de temps. J’ai donc décidé de passer à 3/5e sur mon activité chez Gemmyo, qui a une équipe solide et qui peut fonctionner de façon un peu plus indépendante de moi.
Le podcast est devenu une source de revenus ?
Depuis peu, via deux leviers principaux. La publicité tout d’abord. Depuis décembre 2019, des annonceurs utilisent régulièrement Le Gratin pour diffuser leur message avec ce que l’on appelle des pré-rolls. J’enregistre un message au début du podcast pour parler d’une marque, d’un produit. Cela correspond à une forme d’engagement pour moi, et je prends soin de choisir des marques dans lesquelles je me reconnais.
L’autre levier, c’est le développement d’une activité de développement personnel et d’organisation de carrière. Depuis janvier dernier, j’ai lancé le Bootcamp, un programme de mentoring, sur six semaines où j’aide des entrepreneurs et des salariés à faire passer un cap à leur carrière, à leur business. Cela démarre très bien, avec des résultats vraiment satisfaisants, et je voudrais accélérer sur cette activité.
Vous animez un autre podcast, Chalalove, qui est lui directement relié à Gemmyo.
Chalalove a démarré 9 mois après Le Gratin. Quand j’ai vu à quel point ce podcast fonctionnait et devenait un vrai média avec un ADN de marque forte sur l’entrepreneuriat, j’ai vu l’opportunité pour ma propre marque, Gemmyo. Mais il fallait trouver un territoire à explorer. En joaillerie, nous vendons des bijoux, mais surtout beaucoup d’amour ! Notre clientèle, ce sont des couples, avec encore souvent des hommes qui offrent un bijou pour un mariage, des fiançailles, un anniversaire important… Il n’y avait pas de podcast de société sur le thème de l’amour. C’est comme cela qu’est né Chalalove, sur le même format que Le Gratin puisque ce sont des conversations avec des couples, sur ce qui fonctionne entre eux, sur ce qui marche moins, leurs plus beaux souvenirs, la façon dont ils ont surmonté des difficultés…
Qu’est-ce que ce podcast apporte de plus à Gemmyo qu’un autre outil de communication ?
D’abord, de la visibilité. Quand des personnalités, des influenceurs, acceptent de jouer le jeu et de répondre aux questions de Chalalove, ils vont relayer le podcast auprès de leur communauté sur les réseaux sociaux. Deuxièmement, la marque s’approprie un territoire. Chalalove associe Gemmyo à la thématique de l’amour de façon beaucoup plus subtile qu’une publicité. Toutes les personnes qui écoutent Chalalove penseront à Gemmyo le jour où elles auront une occasion importante à célébrer. Le podcast permet d’affirmer son territoire. Il permet d’avoir aussi une audience extrêmement ciblée. Avec un épisode publié toutes les deux semaines, Chalalove réalise autour de 50 000 écoutes par mois.
Pouvez-vous mesurer l’impact de ce podcast sur Gemmyo ?
Dans le détail, c’est extrêmement difficile. Beaucoup d’auditeurs de Chalalove connaissaient déjà Gemmyo. Est-ce que Chalalove est directement à l’origine d’une vente ? Sûrement de temps en temps, mais c’est difficile à quantifier. Ce qui est sûr, c’est que depuis le lancement de Chalalove, les auditeurs nous associent à la thématique de l’amour. C’est extrêmement puissant. Cela crée une connexion instantanée entre l’amour que l’on ressent pour quelqu’un et notre marque. D’une certaine façon, Chalalove simplifie le choix pour l’audience qui sait vers quelle marque se tourner !
Comment réalisez-vous un podcast ?
En me lançant avec Le Gratin, j’ai tout appris moi-même, sans agence. Le podcast est un média très peu cher, et encore moins quand on le fait soi-même. Je travaille de la façon la plus simple possible. Pour Chalalove, une salle calme dans les locaux de Gemmyo me suffit, je n’ai pas besoin d’un studio magnifique. Choix des invités, préparation des interviews, entretiens… Je fais tout moi-même, à part aujourd’hui le montage pour un gain de temps. Le matériel, micros, enregistreur… m’a coûté tout au plus 1 000 euros.
Quel conseil donneriez-vous à une marque qui voudrait créer son podcast ?
Le plus souvent, à la différence de la radio en replay, les personnes qui font des podcasts natifs ne sont pas des professionnels des médias. Ce sont des personnes qui ont envie de se lancer avec sincérité. Et c’est ce que les auditeurs apprécient et recherchent. Pour une marque, il faut bien sûr que la qualité soit au rendez-vous, mais il ne faut pas trop se laisser influencer par des agences ou des experts qui proposeraient un contenu trop sophistiqué, trop éloigné de son ADN. Le podcast est un média de l’authenticité. S’il devient trop policé, il ira à l’encontre des attentes du public qui ne s’attend pas à cela. De la même manière qu’en Story sur Instagram, on accepte d’être un peu moins parfait que sur le feed, le podcast doit exprimer de la sincérité, quitte à avoir parfois quelques imperfections.