L’IA, futur « véhicule » de services automobiles sur mesure ? (Renault)

28/11/2024

L’avenir de l’industrie automobile se joue autant dans les centres de données que dans les usines… À mesure que les véhicules se dotent d’intelligence artificielle et d’une connectivité permanente, constructeurs et géants du numérique se disputent le terrain de l’innovation. Cette révolution redéfinit la filière : de moyen de transport, elle devient espace de services personnalisés et mobiles. Jusqu’où ira cette mutation et quelles en seront les conséquences pour les clients ? Éléments de réponse avec un responsable de Renault, Rodolphe Gelin, leader expert en IA.

Comment Renault utilise-t-il la donnée et l’IA pour redéfinir son activité ?

Rodolphe Gelin – Dès la décennie 2010, Renault a acté la valeur stratégique des données, et les a standardisées et regroupées dans un « lac » hébergé dans Google Cloud Platform. Celui-ci constitue une colonne vertébrale pour intégrer l’IA dans tous nos métiers. Dans un premier temps, nous avons instauré un métavers industriel pour suivre en temps réel et harmoniser la production dans l’ensemble de nos 25 usines dans le monde. En 2023, à la demande de Luca de Meo, directeur général, nous avons établi une cartographie complète des usages de l’IA chez Renault. Cette démarche a servi à définir nos priorités dans les approvisionnements, le marketing, le service après-vente ou encore l’ingénierie. Avec une idée majeure : tester, expérimenter, s’améliorer et identifier tout ce qui pouvait procurer des gains immédiats ou des retours sur le moyen et long terme.

 

Parmi les IA que vous utilisez, lesquelles ont le plus d’impact dans votre chaîne de valeur ?

R. G. – Les technologies d’IA que nous développons ou intégrons touchent à plusieurs domaines clés. Dans les usines, des algorithmes assurent un contrôle visuel automatisé sur des éléments critiques comme les soudures ou le remplissage des moules dans les fonderies.

La logistique en tire profit avec l’optimisation des trajets de collecte puis de livraison des pièces pour limiter les kilomètres parcourus, accélérer les livraisons et réduire l’empreinte carbone. L’IA a évité ainsi la circulation de 8 000 camions par an équivalente à 21 000 tonnes de CO2. L’IA nous sert aussi à maximiser le taux de remplissage de ces camions. Elle améliore également jusqu’à 10 % la certitude des dates de livraison de pièces ou de véhicules, au bénéfice de notre réseau de distribution et de nos clients.

En marketing, elle sert à analyser les performances des campagnes publicitaires en tenant compte de multiples variables, comme les tendances saisonnières ou les modèles de véhicules. Ces analyses aident à mieux cibler les offres promotionnelles et allouer les budgets par canaux (médias, réseaux sociaux). La première utilisation remonte à 2019 et en 2024, nous avons utilisé 17 algorithmes pour 164 campagnes marketing.

Enfin, dans la maintenance et le service après-vente, nous développons en ce moment des modèles d’IA qui analyseront les masses de messages d’erreur remontées, pour anticiper de possibles pannes ou usures anticipées de pièces, facteur essentiel dans la gestion des flottes de véhicules. 

 

Comment l’IA transforme-t-elle l’expérience client et conducteur ?

R. G. – D’abord, en rendant la voiture plus sûre. Les aides à la conduite – comme l’aide au freinage d’urgence, le régulateur de vitesse adaptatif ou l’aide au maintien en ligne – sont basées sur des IA embarquées dans le véhicule. Mais avant d’être embarquées, ces IA sont elles-mêmes validées par d’autres IA, plus précises, mais trop volumineuses pour être embarquées, lors d’un processus de « re-simulation » qui donne à voir les progrès de l’IA lors des mises à jour.       
Pour l’utilisateur, l’essentiel est qu’il garde toujours la main pour activer ou désactiver les aides et les services proposées par les IA, en utilisant les fonctions de personnalisation et de simplification que nous lui proposons.     
Par exemple, un assistant vocal intelligent, baptisé Reno, est intégré à la nouvelle R5 et bientôt à la R4. Cet avatar interactif, connecté entre autres à ChatGPT, offrira une assistance vocale avancée, qu’il s’agisse de guider l’utilisateur pour remplacer une ampoule sur son véhicule ou optimiser sa conduite. Dans nos modèles hybrides, l’IA répartit l’usage entre motorisation thermique ou électrique, en fonction de la topographie et des situations de conduite pour optimiser l’autonomie du véhicule. L’idée, à terme, est que les algorithmes d’apprentissage s’adaptent aux habitudes de chaque conducteur et proposent des actions ou des recommandations de façon personnalisée, en tenant compte de l’historique des interactions. À plus long terme, nous réfléchissons à intégrer l’intelligence émotionnelle dans ces interactions pour les ajuster aux réactions des conducteurs, et rendre chaque trajet unique. Cette hyper personnalisation sera rendue possible par une IA qui simplifiera et enrichira la vie quotidienne des clients, tout en renforçant leur confiance dans nos véhicules et notre marque.

 

Intervenant : Rodolphe Gelin, leader expert en IA chez Renault

Ingénieur diplômé de l’École nationale des ponts et chaussées, Rodolphe Gelin a commencé sa carrière au CEA, dirigeant plusieurs équipes de robotique, réalité virtuelle et sciences cognitives. En 2009, il rejoint SoftBank Robotics en tant que directeur des projets collaboratifs, puis directeur scientifique. Il intègre le groupe Renault en 2019, en tant que leader expert en IA.

Intervenant : Rodolphe Gelin, leader expert en IA chez Renault