Quelles pistes pour régénérer les forêts françaises ?

31/10/2024

C’est une bonne nouvelle en apparence : depuis plusieurs décennies, la couverture forestière s’accroît en France. Mais les forêts sont fragilisées par des épisodes de sécheresse récurrents et des crises sanitaires, et connaissent des taux de mortalité élevés. Les gestionnaires de forêts, qu’ils soient publics ou privés, expérimentent des solutions pour renforcer la résilience de l’écosystème forestier. 

Depuis quatre décennies, la forêt française s’accroît naturellement à un rythme de 85 000 hectares par an. En 2024, elle couvrait 17,5 millions d’hectares, soit 32 % du territoire métropolitain, selon le dernier inventaire forestier national de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), sorti en octobre 2024. 

Ce résultat encourageant ne dissipe pas les inquiétudes des professionnels de la forêt. En effet, en dix ans, le taux de mortalité des arbres a augmenté de 10% et la superficie de forêt dépérissante est passée d’environ 300 000 en 2017 à un million en 2022, selon l’IGN. 

Les raisons sont multiples : maladies des arbres, sécheresses plus fréquentes du fait du changement climatique qui affaiblissent les arbres et favorisent la prolifération d’insectes ravageurs et de champignons, espèces invasives… Ce dépérissement inquiète car la forêt joue un rôle essentiel de puits de carbone pour capter le CO2 en excès dans l’atmosphère : la « pompe à carbone » forestière aurait ainsi diminué de 50% en dix ans. 

Pour remédier à cette situation, il existe un éventail de solutions complémentaires. L’une des plus simples consiste à faire des prélèvements pour laisser de la place aux espèces les plus résilientes. L’Office national des forêts (ONF) crée à cet effet des « îlots d’avenir » pour identifier ces espèces. « Les îlots d’avenir sont un dispositif expérimental pour mieux connaître les espèces que l’on introduit, que ce soit des espèces européennes ou venant d’autres continents, explique Brigitte Musch, coordinatrice nationale des ressources génétiques forestières à l’ONF. Sur des petites surfaces, jusqu’à cinq hectares, nous observons la survie et la croissance de toutes ces espèces. Si une espèce disparaît au bout de trois ans, nous la supprimons. » 
 

Investir dans des projets de reforestation locaux

EcoTree, une entreprise fondée en 2016 pour permettre aux entreprises d’investir dans les forêts, récupère des parcelles pour les valoriser. « Nous proposons aux entreprises d’acheter des crédits carbone ou d’investir dans des projets de reforestation locaux, en France et en Europe, explique Erwan Le Méné, cofondateur d’EcoTree. Nous nous chargeons ensuite de planter et d’entretenir ces parcelles, en sélectionnant des espèces qui soient les plus résilientes possible dans la durée. Nous avons ainsi régénéré plus de 3 000 hectares de forêts, tourbières, zones humides, depuis la fondation d’EcoTree. » 

Autre piste : améliorer le patrimoine génétique des espèces d’arbres pour les rendre plus résistantes. « Les arbres des forêts n’ont jamais été domestiqués, ils présentent donc une très forte diversité génétique, et nous utilisons cette diversité au maximum au moment de la régénération et de la reproduction des arbres, précise Brigitte Musch. Les espèces des forêts sont aussi plus résistantes à la sécheresse et nous leur laissons plus de place à l’intérieur des parcelles. » 

L’ONF expérimente aussi depuis 2011 la « migration assistée », dans le cadre du projet Giono. « La migration assistée consiste à introduire des essences méridionales dans d’autres régions de France, ce qu’elles auraient fait naturellement avec un changement climatique moins rapide, ajoute Brigitte Musch. Ces espèces, nous les élevons en pépinière pour tester leurs limites avant de les replanter, car on ne peut pas planter directement un sapin de Céphalonie en altitude, par exemple, il ne s’adaptera pas au froid. De cette façon, nous estimons que ces espèces sélectionnées seront capables de résister aux écarts de température actuels et futurs. » 

Enfin, le WWF France a lancé Nature Impact, un fonds dédié à la protection de la biodiversité et à la séquestration carbone, pour financer des projets de préservation, restauration et gestion durable des forêts privées françaises. 

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