Comment l’IA transforme le retail

25/09/2024

Près d’un retailer sur deux utilise l’intelligence artificielle au quotidien, relève l’étude BtoB Havas Commerce, dévoilée au Paris Retail Week. L’IA constitue une puissante voie d’optimisation opérationnelle et business, mais aussi un potentiel transformatif, à condition de maîtriser la qualité de ses abonnés. L’analyse de Vincent Mayet, directeur général de l’agence Havas Paris. 

Quelles sont les grandes priorités tech des retailers actuellement ? 

Vincent Mayet – Le premier sujet de préoccupation des retailers porte sur l’inflation et les prix. Le prix reste le « driver » central de la distribution, qu’il s’agisse de magasins physiques, de places de marché ou d’e-commerçants. Les distributeurs cherchent des solutions pour préserver leurs marges tout en réduisant les prix de vente. Selon l’étude BtoB Havas Commerce menée dans plus de 20 pays, 36% des distributeurs indiquent modifier leurs gammes pour inclure davantage de produits discount. Le deuxième sujet majeur est l’amélioration des solutions de livraison, reflétant la prééminence du commerce électronique dans le monde. Pour 38% des répondants, l’efficacité des livraisons et des retours représente la tendance qui redéfinira l’avenir des entreprises. L’intelligence artificielle est considérée comme la deuxième innovation la plus prometteuse (74% des répondants), c’est donc une voie majeure de transformation du commerce, et ce, dans toutes les régions. Alors que l’Asie est historiquement orientée vers la technologie, les Européens et les Américains montrent également un fort intérêt pour l’IA.

 

Quel niveau de maturité observez-vous dans l’adoption de l’IA générative ?

V. M. – 46 % des retailers ont dépassé le stade exploratoire et déclarent intégrer l’IA dans leur activité quotidienne. Notre étude témoigne de cette maturité croissante des usages, avec trois grandes typologies d’utilisation : en premier lieu, l’IA conversationnelle, avec des usages comme les chatbots ou les assistants personnels, qui devient un axe majeur de développement. La robotisation et l’émergence des robots domestiques devraient encore accélérer son intégration dans les processus de choix et de vente. En deuxième lieu, l’analyse des données : la data est aujourd’hui le moteur du commerce. Les retailers, surtout les marketplaces et les e-commerçants de dimension mondiale, manipulent d’énormes quantités de données (recherches, commandes, produits, etc.). L’IA est un outil puissant pour les analyser et appliquer des modèles prédictifs, pour la gestion des stocks et l’analyse des ventes : elle équilibre les quantités pour éviter les excédents (qui pèsent sur la trésorerie) et les pénuries (sources de pertes de chiffre d’affaires), elle identifie les zones chaudes ou froides des magasins et prédit les tendances futures.
Enfin, l’IA générative, qui permet d’identifier de nouveaux besoins et de créer de nouveaux produits, est adoptée par 17% des retailers et promet d’ouvrir de nouvelles opportunités. Grâce à ses capacités d’autoapprentissage, l’IA est capable de repérer les produits contrefaits, par exemple. 

 

Quels seront les challenges des retailers pour réussir le déploiement de l’IA ?

V. M. – Le préalable à l’usage de l’IA est la qualité des données. L’intérêt et l’efficacité de l’IA dépendent directement de la qualité et de la quantité des informations qu’elle peut analyser. Aujourd’hui, on observe deux grands groupes parmi les retailers. Il y a ceux qui ont une exploitation avancée de la data, tels que les marketplaces, les e-commerçants et les marques DTC (Direct To Consumer). Et il y a ceux qui n’ont pas encore mis en place une stratégie solide de collecte et d’analyse. Ce groupe se trouve souvent en retard ou en situation de vulnérabilité, car il n’est pas en capacité d’analyser et de surveiller l’ensemble de ses flux de data pour optimiser son activité. Derrière les données des retailers se trouvent tous les aspects essentiels de leur métier : sélection, achat, stockage, vente, livraison et retour-produits. L’IA ne transforme pas fondamentalement le métier, mais elle permet cette optimisation à chaque étape. 
Enfin, l’IA conversationnelle pourrait radicalement transformer le secteur. Si elle atteignait demain le niveau des meilleurs conseillers et vendeurs, ses recommandations pourraient profondément impacter la performance d’un commerçant. Une IA sophistiquée, capable de comprendre les besoins des clients sur la base de leurs préférences et de leurs achats passés, combinée à un large éventail de produits ou de services, permettrait d’identifier précisément le produit idéal en un temps record.

La bio de Vincent Mayet

Vincent Mayet est le fondateur d’Havas Commerce, et depuis 2016, le directeur général de l’agence Havas Paris. Il a été successivement directeur commercial d’Euro RSCG GBHR/Euro RSCG Works, vice-président-directeur général délégué d’Euro RSCG 360 et co-CEO d’Havas 360. Spécialiste du commerce, il a accompagné des marques telles que Le Bon Coin, AXA Assurances, L’Oréal, Citroën, Intersport, Carrefour Market, Brico Dépôt, BUT… Il est également l’auteur de Amazon, main basse sur le futur (2019, Éditions Robert Laffont).

La bio de Vincent Mayet

Crédits photos : ©AdobeStock