Podcast : les bonnes et les mauvaises raisons de se lancer, par Grégory Pouy

19/03/2020

Le podcast est le média en vogue. Mais les marques doivent-elles s’y lancer à corps perdus ? Les conseils de Grégory Pouy, qui connaît bien le sujet : il est cofondateur de Plink, une agence de création de podcasts pour les marques, animateur lui-même du podcast Vlan, et expert du marketing à l’ère digitale.  

Grégory Pouy (photo © Géraldine Aresteanu)

Pour chercher une attention partagée

Oui. Nous sommes désormais dans une surabondance de contenus. Pour le consommateur moyen, il y a une saturation de l’attention. En particulier de l’attention à 100 %, celle que l’on a devant un écran. Le podcast permet, lui, d’aller chercher une attention partagée, quand les gens font autre chose. Quand ils font de la cuisine, le ménage, quand ils font du sport, quand ils sont dans les transports… Il y a encore relativement peu de contenus audio, et encore beaucoup de temps d’attention partagée disponible. C’est une vraie opportunité pour les marques.

Par ailleurs, via les différentes plateformes de diffusion, l’audience est abonnée au podcast. À moins que le contenu ne soit pas bon, les gens restent abonnés et une relation peut se construire.

Parce que le podcast est un média qui s’installe durablement dans les habitudes des gens, même en cas de confinement

Oui. La première semaine du confinement, il y a eu une chute des audiences. Les gens avaient perdu leurs repères. Un podcast s’écoute en effet très souvent dans des situations de mobilité, et les auditeurs ne trouvaient plus de moment à y consacrer. Mais cela a repris ensuite. On voit même aujourd’hui des audiences de podcasts qui remontent au-delà de ce qu’elles étaient avant le confinement. Les gens recherchent de l’information et ils se tournent naturellement vers les podcasts. Avec le confinement, développement personnel et cuisine sont bien sûr des thématiques qui fonctionnent bien, mais pas uniquement. Sur mon podcast Vlan, j’ai passé un épisode sur la politique, questionnant la mondialisation, et il a très bien marché.

Depuis la mi-mars, de nouvelles personnes ont découvert ce média. Après le confinement, elles continueront d’écouter des podcasts dans les transports. C’est une accélération durable de l’audience.

Le confinement a aussi eu une incidence sur les conditions de production. Avec mon studio Plink, nous avons créé à cette occasion une offre d’enregistrement de podcasts à distance, avec la mise à disposition de micros et d’une solution technique dédiée. Ce type d’initiatives va pérenniser et faciliter encore la création de podcasts.

Parce que ce n’est pas cher

Non. Dans certains cas, le podcast est effectivement un média bien moins cher que d’autres. Bien moins cher que la vidéo, par exemple. Mais aujourd’hui, pour de nombreuses marques, cela devient la première raison de se lancer. Le média est à la mode, il est « cool », alors les marques mettent juste un peu d’argent pour voir.

La première question que nous posent les marques est souvent : « Combien ça coûte de faire un podcast ? ». De la même façon qu’en 2005 elles demandaient : « Combien coûte un film viral car on n’a pas les moyens de faire un film télé ? ». Les demandes de devis sont rarement accompagnées d’un pitch. En ce sens, le marché du podcast est encore très immature.

De nombreuses marques lancent encore un podcast sans réelle réflexion sur l’intérêt d’ajouter ce média à leur galaxie de contenus. En quoi va-t-il servir leur image de marque ? Souvent, elles ne se posent pas non plus la question de leur voix. Féminine, dynamique, apaisée ? C’est pourtant une question fondamentale…

Sans cette réflexion stratégique, les marques produisent quelques épisodes d’un podcast sans réel intérêt, constatent que ça ne marche pas, et arrêtent. Mais elles reviendront plus tard car le podcast est une vague de fond.

Pour tenir un propos que l’on ne peut pas tenir autrement que par l’audio

Oui. L’audio est le meilleur vecteur de storytelling. Une réelle intimité se crée avec l’auditeur. Le podcast est le média idéal pour partager un propos long, avec une émotion particulière ou avec une dimension documentaire, pourquoi pas fictionnelle.

Les marques imaginent souvent le podcast sur le format de la conversation. Mais il existe bien d’autres typologies de narration pouvant intégrer des effets sonores, du sound design, un montage élaboré, des dialogues entre comédiens… Avec Plink, nous venons de faire une série documentaire pour Greenpeace, Greenpeace Expérience ; nous sommes allés sur un de leurs bateaux en Patagonie pour écouter des baleines, des oiseaux marins, etc. C’est vraiment une expérience unique qui est proposée à l’auditeur, qui se retrouve en immersion avec l’ONG, guidé par la voix de Lambert Wilson.

Pour toucher le grand public

Non. À court terme, les podcasts, ce n’est pas le grand public. C’est encore une cible CSP+, urbaine et très féminine. Les deux tiers environ des podcasts sont aujourd’hui écoutés sur Apple Podcast, une plateforme correspondant à cette audience CSP+.

Mais cela va évoluer. Les GAFA investissent énormément dans les podcasts. Et qu’on le veuille ou non, en réalité, nous consommons les contenus que les GAFA ont envie que nous consommions ! L’année dernière, Google a modifié son algorithme de référencement naturel, et cela a fait remonter très fortement les podcasts. Spotify vient, lui, d’investir très lourdement dans les podcasts, Apple est en train de créer des contenus, Netflix investit également dans les podcasts… La qualité des contenus va fortement augmenter, et nécessairement ils vont toucher le grand public dans le futur.

Pour explorer un territoire de marque

Oui. Le podcast n’est pas fait pour vendre un produit. Les marques ne doivent pas en attendre du ROI financier court terme. Mais c’est un outil idéal pour générer de la préférence de marque et explorer un territoire.

Pour certaines marques, c’est assez facile. Instagram vient de lancer un podcast avec un positionnement très naturel. La marque y propose des interviews de personnes qui ont réussi grâce à sa plateforme. C’est une idée simple, mais très cohérente et très utile pour ceux qui veulent développer leur business sur Instagram.

Pour d’autres marques, ça peut sembler plus compliqué. Mais elles peuvent toujours prendre un peu de recul sur leur secteur ou faire un pas de côté pour nourrir un territoire de marque. Je prends l’exemple de Casper, le vendeur de matelas en ligne. Faire un podcast sur les matelas aurait été incroyablement ennuyeux. Alors la marque a fait un podcast sur… les rêves ! Les internautes pouvaient envoyer leur rêve et deux personnes les analysaient. Cela créait une forme de collaboration entre les auditeurs et le podcast, sur un sujet qui intéresse les gens, ils ont envie de comprendre leurs rêves. Bref, c’est un podcast intelligent, réfléchi, et qui permet d’associer Casper aux rêves.

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