En octobre 2018, Laure Wagner lit un rapport spécial du GIEC sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5 °C. Cette lecture a été un choc. « Pendant une semaine, j’ai dévoré sans m’arrêter les textes et les graphiques du rapport en surlignant ce qui était important, pour bien comprendre la gravité de la situation. » 

À l’époque, Laure Wagner travaillait chez BlaBlaCar sur l’application BlaBlaCar Daily, dédiée aux trajets domicile-travail. « Je voyais le profil des gens qui s’inscrivaient pour partager leurs trajets et les trajets très longs qu’ils devaient faire tous les jours. Je me demandais pourquoi ces gens au smic faisaient autant de kilomètres pour aller travailler. Dans les entreprises, tout n’est pas optimisé comme on pense que ça devrait l’être. » 

Elle prend peu à peu conscience de la nécessité de réduire l’impact de ces trajets du quotidien. Elle ingurgite des livres sur le comportement humain et la mobilité durable ainsi que des jeux de données de l’Insee, puis lors d’un Startup Weekend chez l’incubateur Makesense fin octobre 2018, elle pitche un projet qu’elle baptise 1 km à pied. « Ensuite tout est allé très vite. Dans l’entrepreneuriat, il ne faut pas procrastiner : si j’ai une idée, il faut la tester ! Au Startup Weekend, j’ai pu confronter mon idée avec un jury et ça m’a mis un pied à l’étrier. »

Dans la foulée, elle recrute un associé, démarre une version bêta, lance 1 km à pied en 2020, et signe ses premiers contrats en 2021. La solution qu’elle propose comporte deux briques. La première analyse les trajets domicile-travail, sur la base du fichier des salariés. « On l’a conçu comme un véritable audit mobilité, très pratique pour élaborer un plan de mobilité employeur. L’entreprise peut voir les durées de transport, les distances parcourues, le nombre de correspondances en transport en commun, le bilan carbone… » La deuxième brique est un logiciel de réaffectation des employés dans un site plus près de leur domicile, avec des fonctionnalités orientées RH. « En fonction des réaffectations qu’elles ont réalisées, les entreprises clientes voient en direct les émissions de gaz à effet de serre économisées et le kilométrage annuel évité. Elles peuvent aussi raisonner en retour sur investissement : chaque salarié rapproché, c’est un salarié moins fatigué, moins absent et fidélisé. » 

Cinq ans plus tard, 1 km à pied a convaincu de nombreuses entreprises dans la grande distribution, l’énergie, les transports, les réseaux de crèches et d’Ehpad, aidant les équipes RH à identifier des permutations à poste égal qui permettent de réduire les trajets domicile-travail . « Le point commun de nos clients, c’est d’être multisites, avec des emplois similaires sur chaque site, ils représentent la moitié des actifs en France aujourd’hui. En moyenne, chez nos clients, 62% des salariés ont un site plus près de chez eux, c’est énorme ! Avec notre solution, ils économisent 20,4 km par jour, c’est autant de fatigue en moins pour eux. »

Forte de son expérience chez BlaBlaCar, Laure Wagner a aussi participé au lancement de la Fresque de la mobilité. « Avec un petit groupe de 5-6 experts en mobilité bénévoles du Shift Project, nous avons eu l’idée d’étendre le concept de la “Fresque du climat” à la mobilité. Cette fresque est ludique comme un jeu de rôle, avec des QCM, des profils, des scénarios, des mises en situation pour les individus, les entreprises et les collectivités. Elle est très demandée, preuve qu’elle répond à un vrai besoin. » 

Ne rien lâcher, c’est la leçon que Laure Wagner a retenue de son passage à BlaBlaCar et qu’elle applique à 1 km à pied. « Le plus difficile dans l’innovation, c’est de faire changer les habitudes. Quand des clients réussissent à réaffecter des salariés, on éprouve une grande satisfaction, et on continue d’apprendre de leur expérience. »

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