Dans un reportage diffusé en 2019 dans l’émission Capital, sur la chaîne M6, on pouvait voir des distributeurs détruire par le feu des produits neufs invendus : jouets, multimédia, mobilier… « Ce reportage m’a rendu fou, se souvient Lukas Liénard. J’avais conscience que des Français ne pouvaient pas acheter des couches pour leur bébé ni offrir des cadeaux à leurs enfants, et pendant ce temps, un distributeur brûlait des invendus. C’était révoltant ! »

Hanté par ces images, il réfléchit à un moyen de mettre en contact des commerçants et des clients potentiels. Trois ans plus tard, en 2022, alors qu’il achève un cycle d’études à l’IAE Lille, une business school du Nord, il lance un concept d’application avec deux associés, Rafael Lopes Nogueira, en charge du marketing et de l’acquisition des utilisateurs, et Cyril Maertens, qui s’occupe de son développement technologique. Usave était née. « À l’IAE Lille, on nous demandait de travailler sur un projet entrepreneurial, c’était donc le bon moment pour nous consacrer à Usave à 100 %. Nous nous sommes inspirés du modèle de Too Good To Go, la startup de Lucie Basch, qui lutte contre le gaspillage alimentaire. Ça tombait bien parce que la loi anti-gaspi pour une économie circulaire, qui interdit la destruction des invendus non alimentaires, est entrée en vigueur au même moment, en février 2022. » 

Le principe de Usave est simple : il s’agit de proposer une large gamme de produits (multimédia, bijoux, jouets, cosmétiques, textiles, mobilier, etc.) chez des commerçants partenaires, qui peuvent ainsi valoriser leurs invendus avec des réductions allant de 30 à 70 % tout en générant du trafic. Les particuliers réservent les produits qui les intéressent via l’application et vont les récupérer en magasin. « La crise inflationniste pèse sur les dépenses des ménages, les commerçants se retrouvent avec plus d’invendus, et ça leur coûte une fortune de les renvoyer dans des entrepôts pour les vendre à des soldeurs. Avec Usave, on leur dit de garder leurs invendus en magasin et de les valoriser via l’application. Et l’application évite aussi les émissions de gaz à effet de serre engendrées par le transport et la destruction des produits. »

Les trois complices lancent officiellement Usave en mai 2023, neuf mois après avoir intégré l’incubateur EuraTechnologies, à Lille. Ils se rémunèrent en demandant une participation aux magasins qui proposent leurs produits sur l’application. Les particuliers, eux, ne paient rien. « Nous travaillons déjà avec plusieurs grandes chaînes de distribution dans les Hauts-de-France, et nous venons de conclure un partenariat avec le startup studio de l’Association familiale Mulliez, ce qui nous ouvre les portes de ses enseignes Leroy Merlin, Boulanger, Norauto, Décathlon. D’ici à l’été, nous allons nous implanter Ile-de-France, puis en Auvergne-Rhône-Alpes et en région Sud. »

Entreprendre n’avait rien d’évident pour Lukas Liénard, qui ne se considérait pas comme un créatif, mais plutôt comme un développeur de projet. « J’avais fait un stage chez Dejbox, une startup qui livrait des box déjeuners aux salariés et qui est devenue Refectory après son rachat par Carrefour. C’était une période riche en énergie et pleine de défis, qui m’a donné le virus de l’entrepreneuriat. Adrien Verhack, son fondateur, m’a beaucoup inspiré et montré tout le dynamisme de l’entrepreneur. »

Depuis son lancement, Usave a remporté une pluie de récompenses : prix Climat et Concours de pitch de la métropole de Lille, prix Coup de cœur du public Challenge RSE… Elle a été élue Retail Tech de l’année 2023 sur BFM et a décroché le coup de cœur du jury au salon One to One Retail E-commerce de Monaco en 2024. « Grâce à ces récompenses et aux retours enthousiastes des utilisateurs de Usave, nous avons vraiment le sentiment de remplir une mission utile. »