Nicolas Chabanne : l’« anti-patron » qui veut sauver les producteurs de fruits et légumes
Nicolas Chabanne : l’« anti-patron » qui veut sauver les producteurs de fruits et légumes
Comment rémunérer correctement les producteurs de fruits et légumes ? Cette question cruciale taraude Nicolas Chabanne depuis le début de sa carrière. En fondant « C’est qui le patron ?! » en 2016, une coopérative qui a commencé par vendre des briques de lait, il pourrait bien avoir trouvé la martingale. En 2023, C’est qui le patron ?! a vendu plus de 500 millions de produits alimentaires.
« Aujourd’hui, il n’y a pas en France de sujet plus important que la rémunération des producteurs, c’est la priorité absolue. »
Quand on l’interroge sur ses motivations, Nicolas Chabanne, fondateur de C’est qui le patron ?!, n’y va pas par quatre chemins. « On ne vendra pas beaucoup de voitures, d’ordinateurs ou de téléphones portables si tout le monde est en grande galère pour simplement se nourrir. »
Cet engagement en faveur d’une juste rémunération des producteurs, il l’a concrétisé en 2016 en fondant C’est qui le patron ?! – un collectif constitué en coopérative qui prélève 5 % du prix de vente des produits –, avec Laurent Pasquier, consommateur et l’un des premiers sociétaires de la coopérative. « C’est qui le patron ?!, c’est une aventure fondamentalement collective et je ne le dis pas par coquetterie », insiste-t-il.
Pour conter l’histoire de la coopérative, il choisit une métaphore du monde animal : les murmurations, ces fameux ballets d’étourneaux qui tournoient par milliers en figures parfaites dans le ciel. « Les scientifiques ont montré qu’il n’y avait pas un leader, mais une énergie collective qui s’empare du groupe et lui fait faire des choses incroyables. L’intelligence collective a une force extraordinaire, parce qu’elle se libère de ce que l’intelligence individuelle intègre. »
La force de la coopérative : le bouche-à-oreille
Sept ans plus tard, C’est qui le patron ?! a passé le seuil des 500 millions de produits vendus, et sa fameuse brique de lait bleue devient la plus achetée hors marque de distributeur. « La petite marque des consommateurs est quasiment à 6 % alors que tout le rayon du lait a baissé en 2023 ! Et nous n’avons pas de commerciaux, c’est le bouche-à-oreille qui a fait ce succès. Cela prouve que bien rémunérer les producteurs rencontre l’adhésion des consommateurs. »
Sa première connexion avec le monde agricole remonte à son enfance. « J’habitais au pied du Mont Ventoux, dans le Vaucluse, le jardin de la France, et déjà, je voyais que mes copains bossaient tout le temps avec leurs parents, qui avaient du mal à vivre de leur métier. Je partais en vacances, et pas eux. Je goûtais leurs fruits extraordinaires, mais cette forme d’injustice finissait par m’en couper l’envie. »
Adulte, il aide la Confrérie de la fraise de Carpentras, en tant que communicant, et crée l’initiative Gustatif et solidaire avec son complice et associé Renan Even, où les producteurs affichent leur photo sur les barquettes de fruits en demandant aux distributeurs de payer les produits 30 % de plus. « L’initiative dure dans le temps puisqu’aujourd’hui encore, 109 familles gagnent leur vie en produisant des fruits qui ont du goût et en préservant l’environnement. »
« Sauvez la planète, mangez moche »
Plus tard, il lance les Gueules cassées, pour vendre des fruits et légumes « moches ». « Les producteurs doivent jeter de très bons fruits et légumes simplement parce qu’ils ont des petits défauts, c’est aberrant. On les a aidés à les valoriser auprès des consommateurs. » Le projet lui vaut un Prix de l’audace marketing de HEC en 2015, ainsi qu’un article dans le New York Times, intitulé « Save The Planet, Eat Ugly » [« Sauvez la planète, mangez moche »], « comme si c’était la première fois qu’un pays s’occupait des fruits un peu difformes ! ».
Quelles personnalités inspirent son action ? « On est toujours le résultat de milliers de rencontres, avec des gens dont on ne se souvient pas toujours, mais je suis un grand fan d’Arthur Rimbaud, ce poète parti vivre des aventures extraordinaires sur les routes du monde », confesse cet ancien étudiant en lettres modernes à la Sorbonne.
À ses yeux, si la marque C’est qui le patron ?! suscite autant l’adhésion des consommateurs, c’est parce qu’elle est fondée sur l’action collective et le partage équitable de la richesse. « J’imagine que dans les années à venir, la profession la plus noble, la plus respectée sera celle des agriculteurs, ces femmes et ces hommes qui consacrent leur vie à nourrir les autres. »
Parcours
Nicolas Chabanne en cinq dates clés
2003 : Label les Petits Producteurs devenu le label Gustatif et Solidaire aujourd’hui
2009 : Communicant auprès de la Confrérie de la fraise de Carpentras
2010 : Lancement des Gueules cassées pour revaloriser les « fruits et légumes moches »
2016 : Premières briques de lait équitables C’est qui le patron ?!, coopérative fondée avec Laurent Pasquier
2023 : 500 millions de produits vendus.
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