Les nouvelles formes de collaboration entre les marques et leurs clients

23/03/2017

Les processus de co-construction avec les clients gagnent toutes les strates des entreprises, du bureau d’études au comité de direction, en passant bien sûr par le marketing produit. Les clients deviennent des bêta-testeurs intégrés dans les processus de conception. Zoom sur les best practices.

En décembre dernier, le comité de direction du Club Med accueillait neuf clients au siège parisien de l’entreprise. Objectif : améliorer l’expérience client grâce à un dialogue direct et informel, au plus haut niveau, avec les « Gentils Membres ». Baptisée « Open Codir », cette initiative est appelée à se renouveler, le Club Med voulant associer sa clientèle à ses réflexions stratégiques. La démarche est symptomatique d’une tendance de fond : les marques multiplient les instances de dialogue avec leurs clients afin de co-innover et de co-concevoir avec eux produits et services.

Voyages-SNCF.com a ainsi créé une « Love Team » dédiée à la co-construction de services avec les internautes. Entre autres initiatives, cette équipe a aussi mis en place des rencontres physiques avec les clients, organisées tous les deux mois. « Ce sont des moments privilégiés où l’on échange avec cinq clients sur des projets bien précis. C’est une forme d’A/B test vivant », explique Valérie Darmaillacq, Directrice Performance et Relation Clients de Voyages-SNCF.com, dans l’interview qu’elle nous a accordée.

Des plateformes dédiées à la co-construction

La RATP, Allianz, Decathlon, Lego, Starbucks, Danone, Butagaz… La liste des marques incitant leurs clients à s’engager dans un processus de co-construction ne cesse de s’allonger. Elles répondent à une attente des consommateurs, qui ne veulent plus être des acheteurs passifs en bout de chaîne, mais souhaitent avoir voix au chapitre dès la conception des nouveaux produits et services. Intérêt pour les marques : la co-création les met en prise directe avec les attentes des clients. Ce qui permet entre autres de réduire le « time-to-market » en faisant des choix guidés par les consommateurs.

Pour donner corps à la co-construction, les marques déploient, pour la plupart, une même démarche : elles mettent en place un site collaboratif dédié. Parallèlement à l’« Open Codir », le Club Med vient ainsi d’ouvrir une plateforme « Open Makers » qui se présente comme « une opportunité unique de co-créer, ensemble, de nouveaux services ». La marque y propose, par exemple, de voter pour choisir la destination d’un nouveau circuit (Madagascar ou Laos ?) et donne aussi aux GM la possibilité de suggérer leurs propres idées, comme des cours de cuisine locale.

Les clients se transforment en bêta-testeurs

Les démarches de co-création touchent l’ensemble du cycle de vie des produits et services. Très en amont, elles permettent d’aiguiller la R&D des entreprises ou même de valider la légitimité d’une marque à investir un nouveau territoire. En aval, elles transforment les clients en bêta-testeurs. La plateforme EDF Pulse & You répond à ces deux objectifs. Lancée en avril 2016, elle se veut un laboratoire digital d’innovation participative, où des startups viennent exposer leur projet dans le domaine de l’énergie, de l’habitat et du bien-être. Une version 2.0 du « proof of concept », décrit EDF. « Les commentaires et les idées déposés par les usagers permettent d’améliorer leurs produits, de faire évoluer les technologies, ou d’inventer des services auxquels les concepteurs n’auraient pas forcément pensé », ajoute Gaël Le Boulch, en charge de l’innovation ouverte à la Direction Marketing des clients particuliers d’EDF.

EDF Pulse & You a par exemple été utilisée pour finaliser la mise au point d’Hector. Il s’agit d’un cube connecté, développé par une startup du même nom, et cumulant les fonctions de station météo, de thermomètre et d’hygromètre. Lors d’une première phase, au printemps 2016, les internautes ont été sollicités pour savoir ce qu’ils feraient d’un tel objet, comment ils l’utiliseraient, dans quels endroits, etc. Et pour la seconde phase du projet, les 100 contributeurs les plus actifs ont reçu gratuitement un exemplaire d’Hector chez eux, afin de le tester et de faire remonter leur feedback. Ce qui a permis de faire évoluer le produit en lui-même (certains utilisateurs trouvaient que la V1 manquait de robustesse), ses fonctionnalités, et aussi sa communication, pour intégrer la variété d’usages qui se sont révélés grâce aux retours des participants.

Une étape collaborative qui s’inscrit dans le processus de conception

Autre exemple d’entreprise qui fait tester de nouvelles fonctionnalités par sa communauté de clients : la Société Générale. La banque a même développé une application, l’Appli LAB, uniquement destinée aux clients qui veulent essayer les nouveaux services en avant-première, afin de donner leur avis avant le lancement officiel. En ce moment, l’Appli LAB propose par exemple de tester une fonctionnalité « La tirelire » pour mettre de l’argent de côté quand on le souhaite.

Parmi les marques référentes qui ont développé une culture de la co-création et du test de produits par la communauté, il faut aussi citer Decathlon. « Les tests de nos produits et services font partie de notre processus de conception et sont une étape importante pour garantir les meilleurs produits », fait valoir l’enseigne sur son site dédié, Decathlon Creation. Chacun peut y poser sa candidature pour devenir testeur de nouveaux produits.

Pourquoi les marques veulent leurs propres plateformes

Pourquoi lancer une plateforme dédiée à la co-création alors que les clients sont déjà inscrits sur les pages Facebook, Instagram ou Twitter des marques ? « Facebook est un très bon point de départ pour prendre le pouls de sa communauté et poser les bases d’un processus de co-construction, estime Gaël Muller, Directeur Général de Fanvoice, spécialisée dans la conception de plateformes collaboratives pour les entreprises. Mais Facebook est aussi une plateforme très généraliste. Les motivations des clients y sont très diverses : ils y viennent pour participer à un jeu, pour accéder au SAV, etc. Cela perturbe la conversation sur des sujets ciblés. » D’où la conception par les marques de leurs propres plateformes collaboratives. Elles peuvent y tisser des liens durables et étroits avec leur communauté. Et à la différence de leurs pages sur les réseaux sociaux, elles y ont la maîtrise totale des données fournies par les membres inscrits…

Qu’est-ce qui motive les clients ?

La première motivation des clients est l’envie de participer à l’aventure d’une marque qu’ils apprécient. Sans autre bénéfice que de pouvoir influencer la conception des futurs produits et services. Toutefois, pour récompenser les clients les plus actifs, les marques mettent souvent en place des processus de gamification. Typiquement, elles offrent un cadeau aux participants dont les contributions ont été le plus « likées » par la communauté. Pour Hector, par exemple, trois prix étaient accordés aux contributeurs les plus actifs (un casque sans fil, un chargeur solaire, un coffret cadeau).

De son côté, Decathlon récompense les participants par un système de points, qui s’échangent contre des euros, sur la base de 100 points pour 1 €. Une idée proposée sur le site et retenue par Decathlon peut par exemple donner droit à 50 000 points. Ce qui incite à venir partager des projets avec l’enseigne !

Lego va encore plus loin sur sa plateforme Lego Ideas. Lorsqu’un projet comptabilise 10 000 votes, il est étudié par les designers de la marque. Et s’il est retenu pour être produit et commercialisé, le concepteur en reçoit 10 exemplaires gratuitement. Son nom est aussi inscrit sur la boîte comme étant le créateur officiel du jeu. Et il perçoit 1 % des ventes générées. C’est presque un nouveau modèle de collaboration entre les marques et les clients qui s’invente ainsi.

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