« Les start-ups de l’économie collaborative sont des championnes de la relation client »

22/10/2015

Comment une marque peut-elle se transformer pour répondre aux nouvelles attentes des consommateurs ? Antonin Léonard, cofondateur de OuiShare, think-tank et incubateur de projets dans l’économie collaborative, pose les termes du débat et propose des pistes d’avenir.

Antonin Léonard

La consommation collaborative est-elle une menace pour les marques ?

Antonin Léonard : Pour répondre à cette question, il faut d’abord définir la notion de consommation collaborative. C’est un mouvement protéiforme regroupant des acteurs très divers. Avec la Fing (Fondation Internet Nouvelle Génération), nous avons mené une étude l’année dernière pour cartographier l’offre. Il en ressort 4 grands types de modèles :

– les systèmes de « re-distribution » de biens, qui permettent aux particuliers de s’adonner à la revente, au don ou au troc d’objets divers. C’est typiquement le Bon Coin ;

– les pratiques de location et de partage de ressources matérielles entre particuliers. On parle également d’économie de la fonctionnalité. C’est le modèle d’Airbnb, par exemple ;

– les services à la demande, qui concernent les services entre particuliers via une application. C’est notamment le cas de la plupart des nouveaux services de livraison ;

– et les systèmes locaux coopératifs, de type Amap (Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne). C’est une catégorie souvent négligée, qui repose sur une communauté ou un réseau mais sans avoir nécessairement recours à une plateforme en ligne.

Pour les clients, les bénéfices perçus sont différents selon les modèles : soutenir un producteur grâce à des circuits courts, créer des liens en échangeant entre particuliers, profiter d’un service à moindre frais, ou encore vivre des expériences plus authentiques.

Est-ce que l’on peut globaliser les attentes des consommateurs qui se tournent vers l’économie collaborative ?

Il y a une forte dimension économique, pour consommer moins cher ou générer des revenus supplémentaires. Il y a aussi la volonté de trouver du sens, une forme d’authenticité, un supplément d’âme dans sa consommation. Les gens recherchent une expérience plus authentique, dans un contexte où les relations économiques sont désincarnées et en perte de sens. Faire appel à un particulier plutôt qu’à un professionnel peut permettre de trouver cette forme d’authenticité, même si on peut se demander si cela va perdurer sur le long terme.

L’économie collaborative permet, par ailleurs, d’amener de l’intelligence dans sa consommation, en recyclant et en générant moins de déchets notamment. Le covoiturage apporte une réponse à ces 3 grandes attentes : c’est un mode de déplacement moins cher, qui permet de rencontrer des gens, et qui a l’image d’un moindre impact sur l’environnement. Mais les personnes ne cherchent pas toujours ces 3 bénéfices à la fois.

Quel est l’impact pour les marques de ces nouvelles attentes ?

La question qui se pose pour les entreprises classiques est de savoir comment intégrer ces nouvelles logiques d’usage. La meilleure approche me semble d’entamer des dynamiques d’expérimentation multiples et variées. De tester de nouvelles relations avec leurs clients.

Les grandes entreprises ont souvent des structures rigides héritées de l’ère industrielle où l’on ne faisait pas participer les gens. Si l’on regarde les start-ups de l’économie collaborative, elles sont d’abord des championnes de la participation et de la relation client. Elles développent une vraie culture centrée sur leur communauté, qui est notamment « data driven » : elles s’appuient sur des données multiples que partagent les utilisateurs pour proposer une expérience réinventée et développer des services au plus près des besoins.

C’est un changement important qui attend les entreprises traditionnelles, une vraie transformation culturelle. Une des façons d’accélérer cette transformation est de nouer des partenariats ou de prendre des participations dans des start-ups, mais cela ne suffira pas, la transformation doit être interne, à commencer par le top management.

Quelles expériences convaincantes avez-vous vu sur le sujet ?

La Maif et la SNCF. Ce sont des entreprises dont OuiShare est partenaire. Je réponds donc avec ce prisme particulier, mais ce sont aussi des entreprises que je connais bien. Et j’observe qu’elles mènent des projets intéressants, sur des secteurs en transformation rapide, l’assurance pour la Maif et la mobilité pour la SNCF.

Sur l’assurance, par exemple, on passe d’une consommation de biens à une logique d’accès. Auparavant, le métier consistait à assurer une voiture qui appartenait à une personne. Aujourd’hui, cette voiture peut être louée entre particuliers, elle peut servir à du covoiturage, demain sans chauffeur… Son usage est de moins en moins lié à sa propriété, avec un impact direct sur le risque assurantiel. La Maif prend des participations dans des start-ups de l’économie collaborative, ce qui lui apporte un retour d’expérience et lui permet aussi de se positionner sur ces nouvelles pratiques et d’en tirer un bénéfice immatériel.

Et du côté de la SNCF ?

Elle devient opérateur de mobilité, avec l’objectif d’offrir la possibilité de prendre une série de transports de façon agile et connectée. Train, mais aussi bus, covoiturage, location d’un véhicule d’un endroit à un autre… L’enjeu demain sera de réussir à proposer, grâce à une application, une combinaison de transports pour se déplacer porte-à-porte de façon aussi pratique qu’avec une voiture individuelle.

La SNCF travaille aussi sur ses gares. Avec OuiShare, elle vient juste de lancer un appel à projets pour transformer 18 gares d’Ile-de-France en lieux de vie partagés. L’objectif est de faire remonter des propositions de services collaboratifs de la part des utilisateurs des gares, comme des espaces de coworking ou des projets de crèches partagées, par exemple.