Faire durer les produits plus longtemps, un nouveau défi entre RSE et pouvoir d’achat
01/12/2022Des produits durables et réparables. Cette attente est de plus en plus forte chez les consommateurs, tant pour la planète que pour leur porte-monnaie. Les pouvoirs publics soutiennent cette aspiration, avec l’obligation d’afficher un indice de réparabilité et l’arrivée d’un fonds d’aide à la réparation. Conséquence : les marques repensent la conception de leurs produits et développent de nouveaux services pour les réparer.
1Fnac Darty ouvre son plus grand atelier de réparation
Début novembre, près de Tours, Fnac Darty a inauguré sa 4e plateforme dédiée à la réparation. Il s’agit du « plus gros investissement réalisé par le groupe dans le SAV, explique à Republik Retail Vincent Gufflet, Directeur des services et des opérations de Fnac Darty. Nous réparons de plus en plus de produits et nous devons nous dimensionner par rapport à ces besoins croissants. » Sur 7 850 m2, le site recevra les produits en panne déposés dans 181 magasins Darty et 90 Fnac.
Cet investissement vient consolider les ambitions du groupe en matière de réparation et de durabilité. Une stratégie incarnée par l’abonnement Darty Max couvrant la réparation de tous les appareils que possède un client, achetés ou non chez Fnac Darty. Le groupe vise les 2 millions d’abonnés en 2025 et en comptait déjà 500 000 début 2022. La nouvelle plateforme permettra d’assurer l’intendance avec une capacité de réparation de 220 000 appareils par an.
Deux mesures inscrites dans la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec) vont contribuer à booster le marché de la réparation. Tout d’abord, l’instauration à partir du 15 décembre 2022 d’un « bonus réparation » pour aider à remettre en état les équipements électriques et électroniques en panne. « Il prendra la forme d’un forfait de 10 à 45 euros selon le type d’appareil à réparer », décrit France Info. Ce bonus permettra, par exemple, d’alléger de 25 euros la facture de réparation d’un lave-linge, soit environ le quart du coût de l’intervention. L’objectif est d’augmenter de 20 % le nombre d’appareils réparés chaque année.
L’autre mesure de la loi Agec concerne l’instauration d’un indice de réparabilité devant être affiché sur les produits électroménagers, prenant notamment en compte la facilité de démontage et la disponibilité des pièces détachées. Déjà obligatoire pour les smartphones, les ordinateurs portables, les téléviseurs, les tondeuses et les lave-linge, cet indice vient d’être étendu aux lave-vaisselle et aux aspirateurs. Fnac Darty a été pionnier dans la mise en place d’une telle signalétique, traduite par le label « Choix durable ». Les consommateurs y sont sensibles : le groupe constate que lorsqu’un produit passe dans la sélection « Choix durable », ses ventes doublent, voire quadruplent.
Ce nouvel environnement pousse les fabricants à s’adapter et à repenser la conception de leurs appareils. « L’instauration de l’indice de réparabilité a conduit à modifier nos produits », souligne ainsi dans Les Échos Véronique Denise, Présidente de Beko France et du Gifam, qui rassemble une centaine de marques d’électroménager. Le Gifam a d’ailleurs créé son propre site, monindicedereparabilite.fr, pour faciliter le repérage des consommateurs et les aider à trouver les produits les plus durables.
2Spareka accompagne les consommateurs dans l’autoréparation
Au-delà des enjeux environnementaux, un autre facteur conduit aujourd’hui les consommateurs à prolonger la durée de vie de leurs produits : les tensions sur le pouvoir d’achat qui n’incitent pas à renouveler l’équipement de la maison. Cela favorise l’activité de PME spécialisées dans l’aide à la réparation, à l’instar de Spareka. Cette startup francilienne est déjà forte de 30 salariés et affiche 10 millions d’euros de chiffre d’affaires. « Spareka intervient au cours de trois étapes : le diagnostic de la panne, la vente de pièces détachées et l’aide au remplacement de la pièce », explique dans Les Échos son fondateur, Geoffroy Malaterre. L’entreprise propose ses services en direct, en BtoC, auprès des particuliers, ainsi qu’en « BtoBtoC » grâce à des partenariats avec des distributeurs, des fabricants et des assureurs. Elle a notamment signé des accords avec Leroy Merlin et Cdiscount, qui souhaitaient apporter à leurs clients une solution de réparation à distance de leurs appareils.
En plus de disposer de millions de références de pièces détachées, Spareka accompagne ses clients grâce à un outil de diagnostic de panne en ligne. Elle a aussi mis en ligne plus d’un millier de vidéos tutoriels, et propose un service d’assistance en visio. Elle a même imaginé un abonnement à 2,99 € par mois pour profiter des conseils d’un réparateur expérimenté en illimité par message et en visioconférence 7j/7.
« En période d’inflation, l’autoréparation revient à trois, voire quatre fois moins cher qu’un circuit de réparation classique », fait valoir Geoffroy Malaterre. Surtout, ajoute-t-il, « dans la moitié des cas, la panne n’est pas due à un problème grave, mais juste à une erreur de réglages ou à un mauvais nettoyage, comme une chaussette coincée dans un tuyau. »
D’autres entreprises profitent du contexte actuel favorable à la réparation, comme SOS Accessoire ou Murfy, qui intervient à domicile. Cette startup revendique une croissance de 120 %. « La réparation a retrouvé ses lettres de noblesse. Nous n’avons même pas assez de réparateurs pour répondre à l’ensemble de la demande », pointe dans Le Figaro Guy Pezaku, son cofondateur, qui prévoit de passer de 150 techniciens à 400 d’ici fin 2023.
3Les Cahiers de la Mode Durable recensent les initiatives pour prolonger la vie des produits
L’Alliance du commerce et le cabinet de conseil Deloitte publient le nouveau volet de leurs « Cahiers de la mode durable », une revue pratique à l’attention des acteurs du secteur qui veulent limiter leur impact sur la planète. L’édition qui vient de paraître s’intéresse à la durée de vie des vêtements et des chaussures, « un levier incontournable pour réduire l’empreinte environnementale du secteur » et « un critère d’achat majeur dans un contexte d’inflation grandissante ».
Des vêtements qui durent plus longtemps, cela passe bien sûr par la qualité des matières premières et du façonnage, mais pas uniquement. « Prolonger la durée de vie des articles requiert des changements profonds et complexes pour les marques. Cela suppose un travail sur l’ensemble du cycle de vie du produit, de la conception à l’usage et à la fin de vie », écrivent les Cahiers de la mode durable. Ils donnent l’exemple de Decathlon qui a interrogé 2 800 clients afin d’identifier les zones d’usure et les problèmes récurrents liés à l’usage de ses chaussettes (rétrécissement, boulochage, trous). Autre initiative avec Weekday, marque suédoise du groupe H&M, qui a repensé le design de ses jeans pour réduire les risques de déchirure en travaillant sur les empiècements et sur une nouvelle combinaison de fils plus épais.
Mais des vêtements qui durent, ce sont aussi des vêtements qui ne se démodent pas. Jacadi s’inspire ainsi du vestiaire traditionnel enfantin pour créer des modèles s’inscrivant dans un patrimoine culturel intemporel. Autre piste pour prolonger la vie des vêtements : la marque française Loom envoie des consignes d’entretien détaillées par mail à ses clients au moment de l’achat, puis au bout d’un an afin de collecter leurs retours et partager des astuces pour corriger les signes d’usure.
Réussir à produire des vêtements plus durables ouvre par ailleurs la voie à de nouveaux business models fondés sur l’usage, comme la location ou l’abonnement. Plus les produits sont résistants et facilement réparables, plus ils peuvent être loués longtemps et donc générer plus de revenus (voir notre dossier Les nouveaux business models de la conso responsable).
4Uniqlo lance un studio de réparation dans son vaisseau amiral de Regent Street à Londres
Pour prolonger la durée de vie de leurs vêtements, de plus en plus de marques déploient des services de réparation en magasin. Uniqlo vient ainsi de consacrer un niveau entier de son « flagship » situé au centre de Londres à un atelier de réparation, de customisation et de recyclage, baptisé Re.Uniqlo Studio. Les clients peuvent y confier leurs vêtements troués ou abîmés à une équipe de couturiers, pour des tarifs à partir de 3 livres sterling.
L’enseigne incite aussi à se lancer dans l’upcycling, en transformant et en personnalisant les anciens vêtements. Uniqlo remet notamment au goût du jour le « sashiko », une technique traditionnelle de broderie japonaise. Le studio peut se charger de customiser les vêtements avec cette méthode pour leur donner une nouvelle jeunesse. Les clients peuvent aussi acheter tout le matériel nécessaire pour se lancer eux-mêmes.
Uniqlo envisagerait d’installer des studios du même genre dans d’autres pays européens. L’enseigne japonaise pourrait aussi élargir son service de réparation et de customisation à d’autres vêtements que ceux de sa marque. C’est déjà ce que propose l’enseigne Jules dans 14 de ses magasins. Les clients peuvent y déposer leurs vêtements quelle que soit la marque pour les faire réparer. L’enseigne s’appuie sur des couturiers indépendants pour proposer ce service. Elle en a fait un avantage pour ses clients qui disposent de la carte de fidélité : ils ont droit à une réparation offerte.
5Nike teste en magasin un robot qui nettoie et répare les baskets usées
Finie l’époque où l’atelier de couture et de reprise des vêtements se situait derrière une porte dérobée au fond du magasin. Proposer de remettre à neuf les produits devient un argument de vente que les marques mettent en scène. Dans le cadre d’un projet pilote, Nike a installé de façon très visible dans son magasin NikeTown London un robot entièrement dédié à la remise en état des baskets usées. Sous le nom de BILL, pour Bot Initiated Longevity Lab, il commence par créer un modèle 3D de la chaussure pour identifier les zones les plus abîmées, et il se met au travail, utilisant des produits de nettoyage à base d’eau et des patchs en polyester recyclé. En fin de process, un employé intervient pour changer la doublure et les lacets, eux aussi en matériaux recyclés. Nettoyage et réparation prennent en tout 45 minutes. Un service proposé gratuitement pour cette phase de test.
6Too Good To Go remonte la chaîne de l’anti-gaspi et achète une startup de gestion des dates de péremption
Réduire le gaspillage et optimiser la durée de vie des produits alimentaires. C’est le combat de Too Good To Go, l’application qui permet aux commerçants d’écouler leurs produits en fin de vie, et aux clients de les acheter avec des rabais de 30 % à 50 %. Cette entreprise danoise, très présente en France, a décidé de remonter la chaîne de l’anti-gaspi en rachetant une startup française, CodaBene, spécialisée dans la gestion des dates limites de consommation (DLC). Elle propose aux enseignes de la grande distribution une solution complète pour identifier les produits bientôt périmés et trouver la meilleure réponse possible.
Quand un produit approche de sa date de péremption, les algorithmes de CodaBene recommandent ainsi au collaborateur du magasin l’action la plus juste et la plus rentable à mener, explique LSA. Cela peut être de proposer une remise sur le prix (un nouveau code-barres est alors automatiquement édité), d’en faire don à une association, ou de l’affecter à un panier anti-gaspi comme Too Good To Go.
« 2 milliards d’euros de marchandises sont jetés dans les points de vente en France tous les ans », explique dans un communiqué Laurent Bacot, CEO et cofondateur de CodaBene. Monoprix, qui a déployé cette technologie depuis janvier 2021, estime avoir déjà réussi à sauver plus de 13 millions de produits, soit plus de 5 200 tonnes de denrées alimentaires.
7Frigo Magic imagine des recettes à partir du contenu de votre réfrigérateur
Pour ne plus jeter des produits bientôt périmés, l’application Frigo Magic propose des recettes en fonction du contenu de son réfrigérateur et de ses placards. Afin de suggérer des plats appropriés, l’appli demande de préciser l’équipement dont on dispose (plaques de cuisson, four, mixeur…) ainsi que les éventuels régimes alimentaires (végétarien, sans gluten…). Il n’y a plus alors qu’à indiquer le ou les aliments que l’on souhaite cuisiner. Frigo Magic revendique 4 800 recettes qui se préparent en moins de 30 minutes.
D’autres applications permettent de gérer au mieux ses stocks alimentaires, comme KitchenPal ou Popotte Duck.