2019, année de bascule pour des pratiques plus responsables ?
07/02/2019Face à la pression des consommateurs, de grandes marques passent à des emballages plus verts, font la chasse au gaspillage, modifient la composition de leurs produits… Ces comportements « eco friendly » s’imposent peu à peu comme la nouvelle norme.
1Avec Loop, les grandes marques réinventent la consigne
Abandonnée en France à partir des années 1960 au profit d’emballages jetables jugés plus modernes, la consigne pourrait faire son grand retour en 2019. C’est le pari de 25 multinationales comme Procter & Gamble, Nestlé, Unilever, Danone, Carrefour, Pepsi ou encore Coca-Cola, et derrière elles, de très nombreuses marques : Dove, Skip, Persil, Milka, Häagen-Dazs, Evian, Tropicana…
Elles ont répondu à l’appel de TerraCycle, entreprise américaine spécialisée dans le recyclage des déchets. Son idée : lancer une plateforme d’e-commerce baptisée Loop (« boucle ») ne proposant que des produits de grande consommation sans aucun emballage jetable. Tous les contenants sont consignés, et une fois vides, ils sont lavés et stérilisés pour être réutilisés. « Loop a été conçu pour éliminer le déchet à sa source », résume Tom Szaky, PDG de TerraCycle.
Des initiatives locales d’épicerie en ligne sans emballage existent déjà, mais le principe prend ici une toute autre ampleur. Signe que ce projet s’inscrit au plus haut dans la stratégie des multinationales, Loop a été dévoilé lors du forum de Davos, le 24 janvier dernier.
Le lancement de la plateforme est prévu en mai 2019, d’abord à Paris et à New York, proposant au démarrage 300 produits. Ils seront au même prix que dans la grande distribution, avec en plus un « dépôt » pour les emballages, de quelques centimes à une dizaine d’euros selon le produit. Le client pourra se faire rembourser après usage, ou recommander le même produit. La livraison sera gratuite à partir de 12 articles commandés.
Supprimer les emballages jetables a naturellement nécessité de revisiter le conditionnement de l’ensemble des produits. Souvent avec un effet vintage lié au retour à des contenants en verre ou en métal. Les biscuits Milka seront ainsi livrés dans une boîte en acier. Avec aussi parfois des innovations en termes d’usage : les glaces Häagen-Dazs seront proposées dans un pot en acier à double paroi, résistant plus longtemps en dehors du congélateur et supposé améliorer la dégustation.
Pour adapter le packaging, les investissements demandés oscilleraient entre un et trois millions de dollars pour chacune des entreprises impliquées, selon TerraCycle, auxquels s’ajoutent 250 000 dollars de frais de participation à la plateforme, indique La Tribune.
Entre la production des emballages, les passages du livreur et le nouveau circuit de conditionnement, quelle sera vraiment l’empreinte carbone de Loop ? « À partir de cinq réemplois, l’emballage a un impact carbone inférieur à ceux des objets à usage unique livrés par l’e-commerce classique », assure TerraCycle.
Ce projet intéresse les marques au plus haut point. Il leur permet non seulement d’améliorer leur image de marque, mais aussi de se préparer concrètement à la fin annoncée des emballages en plastique, de plus en plus contestés.
Loop permet également d’expérimenter un nouveau modèle économique. Car c’est une forme d’abonnement qui pourrait se dessiner : les clients ayant laissé un dépôt pour l’emballage auront le réflexe de se réapprovisionner en commandant le même produit. Autre avantage pour les marques : Loop leur permet de faire une incursion dans la vente en direct, proposant leurs produits aux consommateurs sans l’intermédiaire des distributeurs habituels...
2Nestlé se prépare à la fin du plastique à usage unique
Au-delà de sa participation à Loop, Nestlé a fait une autre annonce symbolique mi-janvier : le groupe suisse va « éliminer de ses produits toutes les pailles en plastique ». Pour les remplacer, Nestlé dit travailler « sur des matériaux alternatifs, tels que le papier, ainsi que sur des concepts innovants pour réduire les déchets », rapporte Le Figaro.
Plus largement, Nestlé veut rendre 100 % de ses emballages recyclables ou réutilisables d’ici 2025. Mieux, il mène des recherches pour éliminer le plastique de ses packagings. « Par exemple, nous allons bientôt lancer une poche de Nesquik faite en papier et complètement recyclable », indique Jean-Manuel Bluet, responsable développement durable chez Nestlé France. Les friandises Smarties ou les pâtisseries Yes! vont suivre le même chemin.
Nestlé anticipe l’évolution de la réglementation. Dès le 1er janvier 2020, de nombreux produits à usage unique vont être retirés de la vente, rappelle Le Parisien : gobelets, verres, assiettes jetables, pailles et couverts en plastique devront avoir disparu de la circulation. Des interdictions qui vont être renforcées en 2021 par l’Union européenne.
3Adidas veut vendre 11 millions de paires de chaussures recyclées en 2019
Ne plus utiliser que des matériaux recyclés dans la fabrication de ses chaussures et de ses vêtements d’ici à 2024. C’est l’engagement qu’a pris Adidas, relate le journal Les Échos. Déjà l’an dernier, la deuxième marque mondiale de vêtements de sport a vendu 5 millions de chaussures recyclées, et vise les 11 millions en 2019. Mais le chemin sera encore long : cela ne représentera que 3 % de sa production totale…
Dans la mode, considérée comme une des industries les plus polluantes au monde, les marques sont de plus en plus nombreuses à revendiquer l’utilisation de plastiques recyclés. Comme H&M, Patagonia, ou récemment Asos qui vient de lancer une collection de sous-vêtements réalisés à partir de bouteilles en plastique et de vieux filets de pêche.
Mais jusqu’où les marques ont-elles le choix pour adopter des démarches plus « eco-friendly » ? D’après une récente étude menée auprès de 1 000 femmes par Thredup, une marketplace américaine dédiée aux vêtements d’occasion, 58 % des consommatrices veulent générer moins de déchets. Une femme sur 4 se dit ainsi prête à arrêter la « fast fashion » en 2019. Et ce taux monte à 40 % chez les millennials, relève Fashion Network.
4Les « paniers surprises » de Too Good To Go pour lutter contre les invendus
Connaissez-vous l’application « Too Good To Go » ? Elle a déjà été téléchargée plus de 3 millions de fois en France et compte 5 500 commerçants partenaires dans l’Hexagone, selon des chiffres communiqués début janvier 2019 par l’application.
Son principe : réduire le gaspillage alimentaire en permettant d’acheter à prix cassés les invendus des commerçants, qu’ils appartiennent à une chaîne comme Carrefour ou Exki, ou qu’ils soient indépendants. Un magasin voit des marchandises arriver à date de péremption ou se retrouve avec des légumes ou des plats à emporter bientôt périmés ? Il peut proposer sur l’appli des « paniers surprises » bradés jusqu’à 70 %. Leur prix est souvent de 3 ou 4 euros (au lieu d’une douzaine d’euros).
« Le panier surprise, c’est en fait plus simple pour les commerçants, qui n’ont pas à référencer tous les produits invendus. Et pour le consommateur, c’est l’occasion de découvrir des produits, des fruits, des légumes qu’il n’aurait pas forcément achetés en temps normal », explique à Ouest-France Rose Boursier-Wyler, une employée de Too Good To Go.
L’utilisateur est géolocalisé par l’application, qui lui indique les paniers disponibles autour de lui : il ne connaît que le nom de l’enseigne et le prix du panier, qu’il réserve et paie à l’avance via l’appli. Too Good To Go se rémunère par une commission sur les ventes. L’application revendique 3 millions de repas sauvés en 2018 en France. Lancée en France en 2016, elle est désormais disponible dans 9 pays.
5Quand le prix s’adapte à la date de péremption
Une innovation a été remarquée le mois dernier à New York lors du NRF Retail’s Big Show : Wasteless, une startup néerlandaise, a mis au point un système permettant un double affichage du prix (l’image ci-dessus). À côté du prix « normal », l’étiquette électronique indique un tarif réduit calculé en fonction de la date limite de consommation. Le calcul s’effectue automatiquement grâce à un algorithme connecté à l’ERP (le système de gestion) du magasin.
Cette solution, en test dans plusieurs enseignes précise e-marketing.fr, vise à la fois à réduire les invendus (jusqu’à un tiers, selon Wasteless) et à diminuer le temps de manutention en magasin pour repérer et étiqueter les promotions sur les produits bientôt périmés.
6Des supermarchés belges veulent modifier le comportement de leurs clients
Comment inciter les consommateurs à modifier leurs comportements et faire de meilleurs choix, pour eux et pour l’environnement ? Une chaîne de supermarchés belge, Colruyt, a travaillé avec le département Environnement des autorités flamandes pour mettre en pratique la théorie du « nudge ». Littéralement, c’est le « coup de coude », la petite incitation qui attire l’attention et qui peut faire changer une habitude.
Durant 9 mois, des supermarchés Colruyt ont par exemple proposé deux types de portion de saucisses, l’une de 125 grammes, l’autre de 100. Résultat : la moitié des clients a d’elle-même choisi le pack le plus petit, sans qu’il y ait de report sur d’autres types de viande. Il y a donc bien eu une diminution de la consommation de viande.
D’autres tests ont porté sur l’offre végétarienne et sur la saisonnalité des produits, explique le site Gondola, montrant l’efficacité du recours à des nudges. Pour Guy Elewaut, Directeur Marketing de Colruyt, « les clients sont demandeurs d’une consommation plus responsable (…) et nous voulons les accompagner dans cette direction ». Sur la base de cette étude, Colruyt vient de modifier, dans 14 magasins-tests, la signalétique sur les légumes pour inciter à consommer des produits de saison.
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