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Omnicanal : le chaînon manquant débarque !

10/01/2019

Les enseignes multiplient les nouveaux formats pour se placer physiquement sur le chemin de leurs clients... et nourrir leurs ventes en ligne. Jusqu’à s’implanter dans des Photomaton ! Les initiatives d’Ikea, Decathlon, Darty, LCL, etc.

1La banque en ligne Anytime ouvre des agences dans des Photomaton

La néobanque française Anytime expérimente un format assez étonnant de point de contact physique : depuis novembre 2018, elle propose d’ouvrir un compte bancaire depuis dix cabines Photomaton, installées dans le réseau de transport en commun d’Île-de-France (gare du Nord, Châtelet, gare Saint-Lazare...).

« Vous entrez dans un Photomaton, il y a un écran sur lequel vous pourrez choisir de faire des photos ou d’ouvrir un compte, résume pour L’Usine Digitale Damien Dupouy, le dirigeant de la banque. On scanne un justificatif de domicile, une pièce d’identité et on vous prend en photo pour vérifier si vous correspondez à la photo de votre carte d’identité. » Deux jours après, le temps qu’un « être humain » valide les pièces justificatives et que le dossier passe par des systèmes anti-fraude, le compte est ouvert.

Pour le responsable d’Anytime, l’alliance avec Photomaton « va servir à s’adresser à un nouveau marché, car le fait d’avoir une présence physique rassure la clientèle, donne un peu plus confiance ».

Suivant l’accueil du public, la banque imagine pour la suite de permettre aux clients de déposer des chèques ou des espèces depuis une cabine Photomaton, et même de dialoguer avec un conseiller en visioconférence. À voir si les questions de confidentialité ne seront pas un frein à ces mini-agences d’un nouveau genre.

2Ikea va ouvrir cette année des magasins au cœur de Paris et de Manhattan

C’est le nouvel axe stratégique du géant de l’ameublement : implanter dans les centres-villes des grandes métropoles des « mini Ikea », schématiquement des showrooms avec un fort niveau de conseil pour aménager son intérieur. Un de ces espaces baptisés « Ikea Planning Studio » a ouvert en octobre 2018 au cœur de Londres. Sur 400 mètres carrés, au lieu des habituelles surfaces de plus de 20 000 mètres carrés, ce nouveau format se concentre sur la cuisine et la chambre à coucher.

Parmi les ouvertures annoncées en 2019 : Manhattan au printemps et Paris, dans le quartier de la Madeleine, au plus tard cet été, avec un concept un peu différent du mini Ikea de Londres. L’enseigne disposera de 5 000 mètres carrés dans la capitale. Mais pas question pour autant d’en faire une version réduite d’un magasin de périphérie : l’objectif est d’abord de générer des ventes en ligne.

Cette nouvelle génération de magasins Ikea se veut le chaînon manquant entre le e-commerce, où l’enseigne accuse un certain retard (elle réalise 5 % de ses ventes en ligne, contre 8 % pour Conforama et 12 % pour But, selon Slate.fr), et son réseau de mégastores, qui intéresse de moins en moins les consommateurs urbains. Les habitants des grandes métropoles délaissent en effet la voiture et sont moins enclins à se rendre dans des magasins excentrés. « Le paysage du commerce de détail se transforme à une échelle et à une allure inédites. Comme les comportements des clients changent rapidement, nous investissons et développons notre activité de manière à mieux répondre à leurs besoins et de nouvelle façon », indique dans Les Échos Jesper Brodin, PDG d’Ikea.

Pour mettre son plan à exécution, la maison mère d’Ikea va simplifier son organisation et supprimer, dans les deux ans à venir, 7 500 postes dans le monde, sur un total de 160 000, principalement dans le secteur administratif. Dans le même temps, l’enseigne annonce la création de 11 500 postes dédiés au numérique dans 30 nouveaux points de vente.

3Avec ses magasins de centre-ville, Decathlon veut fédérer des communautés locales

Historiquement implanté en périphérie des agglomérations, Decathlon veut lui aussi désormais se placer sur le chemin de ses clients en ville. Alors que l’enseigne a déjà ouvert un premier Decathlon City dans le 15e arrondissement parisien, rappelle Fashion Network, le distributeur d’articles de sport a inauguré en 2018 un nouveau point de vente à Paris dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés, boulevard Saint-Germain.

Ce magasin de 700 mètres carrés veut créer un lien privilégié avec ses voisins, bien au-delà d’une simple relation marchande. « La proximité avec le client y est exacerbée, décrit Fashion Network, notamment par l’organisation quotidienne de séances de sport gratuites – zumba, running ou cross training – dispensées par des coachs. Le but est de construire une communauté locale et d’apporter des services, comme la réparation de cycles. » D’autres ouvertures citadines sont en cours ou programmées, à Lille, Bordeaux, Lyon, Nantes…

Decathlon développe aussi la proximité physique avec ses clients grâce à un magasin itinérant, « Mon p’tit Decat’ ». Installé sur une semi-remorque, il se déplace d’événements sportifs en lieux de pratique, adaptant à chaque fois son offre. La surface de vente étant limitée, des bornes pour commander en ligne complètent le dispositif. Ce magasin itinérant fait également office de lieu de retrait pour le « click & collect ». Nous lui avons consacré un article en octobre dernier.

4Face à Amazon, Darty se rapproche plus encore de ses clients

Darty a ouvert en novembre 2018 à Paris un magasin au format encore plus réduit que ceux imaginés par Ikea ou Decathlon. Situé dans le 14e arrondissement, avenue du Général Leclerc, Darty Alésia ne mesure que 80 mètres carrés. Sur une telle surface, impossible de proposer toute l’offre habituelle. On n’y trouve pas de TV grand écran, mais du petit électroménager, des téléphones, des accessoires multimédias… Et beaucoup de conseillers : pas moins de 10 vendeurs se relaient dans le magasin pour répondre aux questions des clients, soit un ratio par mètre carré inégalé dans les autres espaces de vente du groupe. Avec l’objectif de nourrir des ventes en ligne. « Cette nouvelle ouverture au cœur de Paris confirme notre volonté d’être au plus proche de nos clients et de leur permettre de retrouver l’ensemble de l’expertise, des produits et des services Darty », indique Benoît Jaubert, Directeur Exploitation du groupe Fnac Darty.

Les services ont également été pensés pour les urbains, pointe le site LSA, avec des livraisons en une heure jusqu’à 20h30, une livraison à pied dans un rayon de 500 mètres autour du magasin, et une livraison à vélo offerte aux détenteurs de la carte Darty+.

Face à son rival en ligne Amazon, Darty multiplie les initiatives pour se rapprocher physiquement des consommateurs. Depuis le 20 novembre dernier, l’enseigne expérimente également le concept de « shop in shop » dans deux hypermarchés Carrefour, à La-Ville-du-Bois (91) et Limoges Boisseuil (87). Darty y a véritablement pris la place des rayons « électro-photo-vidéo-son » qui étaient à la peine, pour proposer désormais une offre assez proche de ses magasins classiques. Avant même le retour d’expérience, 5 autres de ces « shop in shop » sont déjà programmés pour le premier semestre 2019, indique le magazine Linéaires.

5À peine créée, From Future pense son développement entre e-shop et showrooms

Combiner digital et proximité physique est en passe de devenir un réflexe pour tous les créateurs d’entreprise. Philippe de Hesdin, cofondateur de Kookaï, est ainsi à l’origine d’un nouveau projet avec ses deux enfants, Pauline et Thomas : le lancement de la marque From Future, spécialisée dans les pulls en cachemire de luxe vendus à des prix abordables, entre 59 € et 129 € pièce.

Pour tenir ces tarifs, la marque commande des quantités importantes qu’elle entend écouler d’abord via son e-shop mais aussi en s’appuyant sur un réseau physique. From Future a inauguré un « vrai » magasin rue de Rennes à Paris, et prépare l’ouverture d’un showroom d’essayage et de commande rue de Longchamp, dans le 16e arrondissement de Paris. Un espace de 30 mètres carrés sans stock dans lequel il sera possible d’essayer tous les modèles, puis de passer commande grâce à des bornes. « On envisage ces petits espaces comme le prolongement d’Internet, une façon aussi de rassurer nos éventuels clients sur la qualité du produit », explique à Fashion Network Thomas de Hesdin.

Ce type de boutique sans stock permet aussi de répondre à une équation financière assez fine. La marque pratique une marge faible par rapport au secteur (x2, quand des enseignes de luxe peuvent pratiquer une marge x10 ou plus). « Avec cette marge, nous perdons 23 € sur la vente d’un pull en boutique en raison des coûts de fonctionnement du point de vente, détaille Thomas de Hesdin. Alors que sur le web, nous réalisons un bénéfice de 17 € à 19 € par article. » L’ouverture de petites surfaces, uniquement pour essayer les articles et faire découvrir la marque, permet de rebattre les cartes de l’équilibre financier.

Aux États-Unis, c’est le pari qu’est en train de faire la chaîne de grands magasins Nordstorm, qui ouvre des boutiques sans stock mais dopées aux services. Nous détaillons cette initiative dans notre dossier « Expérience client : l’émotion comme seule friction ! ».

6LCL et Orange Bank revendiquent le rôle déterminant de leur réseau physique

À contre-courant, alors que les banques en ligne et les néobanques comme N26 ou Anytime semblent devenir le modèle de référence pour la relation bancaire, LCL revendique depuis la fin 2018 l’atout que constitue son réseau d’agences. Un positionnement qui s’exprime dans une série de publicités sur le thème de l’agence au coin de la rue, avec comme nouvelle signature « Ma vie. Ma ville. Ma banque ».

En mettant en avant ses agences – « un actif clé » selon Michel Mathieu, directeur général de la banque –, LCL se donne cinq ans pour devenir la banque d’un urbain sur sept, contre un sur neuf actuellement. Cela ne va pas empêcher quelques fermetures d’agences (voir cet article du Monde). Mais c’est surtout un nouveau mode de fonctionnement qui se met en place. Pour mieux coller aux attentes des clients, LCL expérimente notamment l’ouverture jusqu’à 20 heures dans neuf de ses agences en centre-ville. « Nous étions ouverts quand nos clients étaient au travail, et lorsqu'ils rentraient chez eux, nous étions fermés !, souligne dans Les Échos Jérôme Sicot, directeur du réseau Grand Paris Nord et Ouest de LCL. On constate un étonnement positif de la clientèle, et un réel motif de satisfaction : il n'est plus nécessaire de prendre une demi-journée de RTT ou son samedi matin pour aller voir son banquier. »

Autre mesure imaginée pour faciliter la vie des clients : pouvoir prendre rendez-vous avec son conseiller grâce à l’appli mobile. Et s’ils conservent un conseiller attitré, les clients sont désormais clients non plus d’une agence en particulier mais de tout le réseau : pour tout service, ils peuvent s’adresser sans contrainte à n’importe quelle agence.

Nouvel entrant sur le marché bancaire, Orange a pu mesurer le rôle clé de son réseau de boutiques pour générer des ouvertures de comptes. D’après l’ancien directeur général d’Orange Bank, André Coisne, cité par La Revue du Digital, « 150 points de vente participent à la commercialisation d’Orange Bank et ils contribuent pour plus de la moitié aux ouvertures de comptes. » Pour le dirigeant, entre néobanques et banques traditionnelles, il existe de la place pour des banques « phygitales ».

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