Tri à la source des biodéchets : un gros pari pour les collectivités
10/10/2023Dans le cadre de la loi AGEC (anti-gaspillage pour une économie circulaire), les collectivités devront mettre à disposition des particuliers des solutions pratiques de tri à la source de leurs déchets verts et alimentaires, à compter du 1er janvier 2024. Toutes les communes ne seront pas prêtes mais certaines ont déjà pris de l’avance.
Ils pèsent un tiers de nos ordures ménagères et sont composés d’eau à 80 %. Incinérer les biodéchets alimentaires ou issus de l’entretien des parcs et jardins est donc une aberration économique et environnementale. À l’inverse, ils peuvent être valorisés sous forme de paillage en ce qui concerne les résidus ligneux, de compost ou d’énergie via la méthanisation. Depuis 2012, une obligation de tri séparé s’applique aux plus gros producteurs (restauration collective, industrie agroalimentaire, etc.), mais la loi AGEC de 2020 généralise le tri à la source au 1er janvier 2024 pour tous les producteurs de déchets (collectivités, administrations, ménages, professionnels). À chaque collectivité d’identifier les solutions les plus pertinentes pour que tous les particuliers disposent d’une solution pratique à cette date.
Un tiers des Français disposent déjà d’une solution
Selon le réseau de collectivités Amorce, un tiers seulement des Français vivraient dans une collectivité ayant entamé des démarches en ce sens. « Les collectivités manquent pour la plupart de solutions techniques, et surtout, des moyens pour absorber les surcoûts, explique Stéphane Duru, responsable du pôle Déchets d’Amorce. Ces derniers sont très variables selon la solution choisie : la gestion de proximité (compostage individuel ou partagé localement) est nettement moins onéreuse que la collecte séparée (en porte à porte ou en points d’apport volontaire), qui nécessite des véhicules et de la main-d’œuvre dédiés. Amorce demande donc que l’État prenne en charge la moitié de ces surcoûts, évalués entre 10 et 20 € par an et par habitant. »
À Besançon, des composteurs individuels, en batteries, en chalets…
Pourtant, certaines collectivités ont pris de l’avance. Depuis 2009, Besançon propose des composteurs individuels subventionnés en habitat individuel ; des batteries de composteurs en pied d’immeubles équipés de cadenas et gérés par des référents bénévoles accompagnés par une association ; et des « chalets de compostage » pour les quartiers urbains à forte densité, mais aussi pour des bourgs de taille modeste. « L’évolution réglementaire a entraîné une accélération de la demande : 30 chalets sont aujourd’hui installés sur des espaces verts publics, contre 13 avant 2020 », témoigne l’adjointe à la maire, Claudine Caulet. Dans l’hypercentre, peu propice à l’implantation d’abri-bacs et interdit à la circulation, une collecte à bicyclette a été mise en place. La diminution du volume de déchets générée par ces initiatives a permis de fermer l’un des deux fours d’incinération.
À Grenoble, le compost issu de la collecte à domicile enrichit les terres agricoles
Dans son schéma directeur déchets 2020-2030, Grenoble Alpes Métropole prévoit de diviser par deux le flux d’ordures ménagères résiduelles. Dans une zone où l’habitat est collectif à 85 %, le choix s’est porté sur la collecte en porte à porte, avec fourniture de bio-seaux et de sacs biodégradables. À Montpellier, qui vise une baisse de 30% des biodéchets issus d’ordures ménagères, la métropole a fait appel à La Poste Solutions Business pour déployer la remise d’un kit de collecte (bio-seau et sacs kraft) et sensibiliser la population à cette nouvelle habitude de tri.
A Grenoble comme à Besançon, une tarification incitative, variable selon le poids des poubelles ou le nombre de levées, a été instaurée. 30 % des biodéchets sont désormais triés dans l’habitat collectif, 50 % dans le résidentiel. Cette évolution a permis à la métropole de faire évoluer ses équipements de traitement lors de leur renouvellement : moindre capacité d’incinération, nouveau centre de tri et capacité de compostage accrue. Pour Véronique Berger, cheffe de projet déchets alimentaires, « le principal enjeu est d’entretenir un cercle vertueux : trier une matière locale et l’utiliser localement pour amender des terres agricoles. »
Broyer les déchets verts in situ pour limiter les brûlages sauvages
Majoritairement apportés en déchetterie, les résidus de jardin peuvent provoquer des brûlages sauvages, voire des incendies. Aussi, certaines collectivités ont mis en place des dispositifs pour limiter ces risques et réduire le volume de ces apports. La communauté de communes du pays charitois (Nièvre) a proposé dès 2013 un service de broyage de végétaux sur rendez-vous, destiné aux particuliers comme aux communes, interrompu depuis en raison du COVID. Le broyat ainsi obtenu était utilisé sur place en épandage ou en compost. Payant pour les particuliers, le service était subventionné à 60 % par la collectivité.
De l’habitat collectif en ville à la maison individuelle en zone rurale, des solutions existent pour faciliter aux particuliers le tri de leurs biodéchets. Mais, outre les enjeux techniques et financiers, « les collectivités n’ont pas toujours les clés pour faire baisser le volume des déchets, qui dépendent d’un changement de comportement des citoyens », observe Stéphane Duru, d’Amorce.
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