« Une société en soldes est une société qui n’a plus de projet collectif »

« Une société en soldes est une société qui n’a plus de projet collectif »

#Bestof2020. Il y a un an environ, avant que la crise sanitaire ne vienne bousculer la planète, Benoît Heilbrunn, professeur de marketing à l’ESCP Business School, nous accordait une interview d’une acuité toujours brûlante. « La nécessité, et le problème, pour les marques dans les années à venir sera de réussir à créer de la valeur économique dans un monde qui va forcément devoir décroître en termes de consommation », pointe l’auteur de plusieurs livres dont le Que sais-je ? sur la marque, Le marketing pour les nuls ou encore L’obsession du bien-être. Il poursuit : « Il y a une limite matérielle qui fait que l’on ne va pas pouvoir manger 5 pizzas par jour et avoir 3 scooters chacun ! La question me semble être de savoir comment concilier une approche frugale de la consommation avec la nécessité de créer constamment de la valeur économique, synonyme de travail et d’emploi. »   

Discountisation de la société

« Le prix est le facteur incitatif le plus efficace pour faire évoluer les pratiques, estime le professeur de marketing. Mais aujourd’hui, l’économie des marques est totalement polluée par la question du prix bas, des soldes, de la promotion. Le marketing a contribué à déconnecter le prix de la valeur. » Il en veut pour preuve la façon dont les transporteurs aériens ont totalement désancré le prix de l’avion en montrant qu’un vol Paris-Milan correspond au prix de 20 baguettes à la boulangerie. Son constat est sans appel : « Une société en soldes est une société qui n’a plus de projet collectif et qui se réfugie dans ce qu’on appelle l’effet d’aubaine. Chacun veut trouver la bonne affaire en essayant de tirer avantage d’un système qu’il perçoit comme injuste et prédateur. Cette discountisation de la société crée un ordre marchand dans lequel plus rien n’a véritablement de valeur. »

« La marchandise ne doit pas être qu’un miroir narcissique »

Comment dès lors redonner de la valeur à ce que nous consommons ? Pour Benoît Heilbrunn, il faut repenser le système idéologique. « La société de consommation s’est construite sur la question de l’identité. Le rôle de la marchandise est d’exprimer qui je suis, ou qui j’ai envie d’être. Autrement dit, la marchandise est une extension symbolique des personnes. Les marques arrivent même à nous convaincre que quelque chose qui peut apparaître inutile revêt en fait une forte utilité sociale. C’est ce qu’il faut changer. La marchandise ne doit pas être qu’un miroir narcissique : elle renvoie à une substance, des codes esthétiques que nous partageons mais aussi à des personnes qui ont œuvré pour qu’elle existe, ce qu’on a tendance à oublier totalement devant un rayonnage ou devant son écran. »

Retrouvez l’intégralité de l’interview Comment concilier frugalité et création de valeur ?

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