Yves Xémard : « Le courrier est un média d’avenir »

Avec le livre blanc L’Art du Lien – Le pouvoir du courrier, La Poste plaide pour une communication plus humaine. Pourquoi ce plaidoyer maintenant ?

Yves Xémard – Nous vivons un paradoxe intéressant : le courrier est devenu rare, mais cette rareté lui confère une valeur nouvelle. Quand on le compare au flux épuisant de sollicitations digitales, le courrier propose un autre rythme : il respecte le temps du destinataire, il laisse la possibilité d’ouvrir le message lorsque l’on est vraiment disponible, intellectuellement et émotionnellement. Le livre blanc que nous publions vise à remettre en exergue la profondeur du courrier, sa capacité à créer un moment de respiration et d’attention. Quand tout s’accélère, il rappelle qu’on peut s’adresser à quelqu’un de façon tangible, avec un soin particulier.

Vous parlez souvent de « considération sincère » comme socle de la confiance. Comment La Poste aide-t-elle les marques à retisser ce lien ?

Y. X. – La « considération sincère », c’est ce que ressent un client lorsqu’une marque lui témoigne de l’attention, sans chercher à s’imposer. Je vous donne un exemple simple : un fournisseur d’énergie avec lequel je n’interagis qu’à travers une plateforme. Une fois mon abonnement souscrit, il ne se passe plus rien, sinon des mails automatiques. Aucun lien, aucune incarnation. Le jour où je dois changer de fournisseur, je bascule vers un autre sans hésiter, car rien ne m’attache à la marque. Le courrier fait exactement l’inverse : il dit au destinataire « Vous êtes important pour moi ». Certains assureurs, organismes de santé et mutuelles l’ont bien compris, ils choisissent volontairement de continuer à écrire. Ils ont constaté l’effet engageant et valorisant d’un courrier bien pensé. Les chiffres de l’étude BALmétrie de juin 2025 le confirment : 98% des Français lisent leurs courriers relationnels et de gestion, 80% les trouvent importants, et 78% leur reconnaissent une valeur particulière de confidentialité et de sécurité.

Comment le rôle des facteurs a-t-il évolué, et comment continuent-ils à créer du lien au quotidien aujourd’hui ?

Y. X. – Les facteurs assurent leur tournée six jours sur sept sur l’ensemble du territoire, ce qui est devenu une singularité en Europe. Bien sûr, ils distribuent toujours le courrier, mais leur mission s’est élargie : ils livrent des colis et des repas, ils distribuent la presse, ils offrent des services à domicile… Ils sont formés pour chacune de ces missions et disposent d’un outil, Factéo, qui les accompagne dans leurs gestes métiers. Ils incarnent ce lien humain, cette proximité qui fait partie de l’ADN de La Poste. Aujourd’hui, ce lien s’exprime à travers une palette plus large de services, mais toujours avec la même vocation : être là pour les citoyens.

Comment le courrier évolue-t-il pour allier performance, innovation et responsabilité ? Et à quoi ressemblera, selon vous, le courrier du futur ?

Y. X. – Le courrier est un support beaucoup plus technologique qu’on ne l’imagine ! Nous avons par exemple introduit la Smart Data, une technologie qui assure le suivi des enveloppes mais aussi, pour les grands émetteurs, une simplification radicale des chaînes de production. Là où trois ou quatre préparations étaient nécessaires (ordinaire, recommandé, suivi…), une enveloppe blanche avec Smart Data suffit désormais. Cela réduit les coûts, accélère la production et renforce la fiabilité. Et puis le papier est recyclé à plus de 70 %, ce qui soutient l’empreinte environnementale favorable du papier, et la filière papetière continue d’améliorer ses performances. Le courrier du futur, pour moi, sera encore plus rare, et donc encore plus précieux. Sa valeur technologique s’amplifiera, mais son impact reposera toujours sur la même force : sa capacité à capter une attention authentique et non imposée, que les marques vont rechercher de plus en plus. Les destinataires, y compris les jeunes, sont toujours sensibles à un message qui leur dit : « Vous comptez ! »

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Crédit photo : ©La Poste