Transition alimentaire (Carrefour) : « Nous pouvons emmener le consommateur tout doucement vers autre chose »
31/10/2024Cet automne, Carrefour relance son programme Act For Food pour mettre en œuvre « la transition alimentaire pour tous », qui est devenue sa raison d’être. Pour y parvenir, il faut embarquer le consommateur au cœur de la transition écologique. Les explications de Bertrand Swiderski, directeur RSE de Carrefour depuis 2013, où il a participé au lancement de nombreux projets : suppression des plastiques sur les fruits et légumes, lancement de la marque « C’est qui le patron ?! » avec Nicolas Chabanne, et de l’application Too Good To Go.
Comment repenser le modèle économique de la grande distribution pour qu’il réponde mieux aux enjeux environnementaux et sociaux ?
Bertrand Swiderski – Je vois deux grands axes. Le premier est relativement simple, sur le papier : vendre davantage de produits certifiés durables. Plus nous en vendrons, moins la consommation aura d’impact sur la biodiversité, le climat, les océans… Cela implique de changer les habitudes des consommateurs et c’est ce qu’il y a de plus difficile. Deuxième axe : lancer de nouveaux modèles de consommation comme la consigne dans les magasins. Nous y croyons beaucoup. Plus de 200 magasins testent un système de consigne pour les emballages, en proposant des bons d’achat contre des bouteilles en plastique, par exemple. Ces modes de consommation font partie d’un nouveau business model de la distribution, et nous nous sommes fixé un objectif de 300 millions d’euros sur le vrac et le réemploi.
Comment rendre les enjeux RSE compatibles avec le pouvoir d’achat ?
B. S. – Les pistes sont nombreuses : lutter contre le gaspillage alimentaire en vendant des produits moins chers à date courte, venir avec son propre contenant contre 0,10 € de réduction, acheter des produits de plus haute qualité, donc un peu plus chers, mais en acheter moins parce qu’ils contiennent « moins de gras », ce qui est plutôt sain. Si vous êtes prêts à adapter vos habitudes alimentaires aux saisons, c’est à la fois moins cher et meilleur pour l’environnement. Nous vendons d’ailleurs des paniers antigaspi à trois euros, par exemple, qui contiennent cinq-six kilos de fruits et légumes de saison.
Comment embarquer le consommateur au cœur de la transition sociale et environnementale ?
B. S. – Pour l’embarquer, nous devons être présents dans le dixième de seconde qui déclenche l’achat et lui proposer des alternatives, détourner son geste et diriger sa main vers un autre produit. Cela se fait par exemple en multipliant les promotions sur des produits alternatifs durables ou en les installant à proximité des produits usuels. De cette façon, nous pouvons emmener le consommateur tout doucement vers autre chose. Mais c’est un processus qui prend du temps.
Quels outils pour interagir avec le consommateur ?
B. S. – Pour transformer le geste final du consommateur au moment du choix du produit, nous pouvons agir en amont sur son environnement cognitif, comprendre ce qu’il connaît sur les alternatives, comme le bio ou la protéine végétale, lui donner de nouvelles idées de recettes. C’est un terrain très fertile en interactions. Le meilleur outil reste le magasin et le produit, au moment de l’achat, mais nous pouvons aussi agir via des outils de communication, prospectus, documents divers, catalogues, magazines… Et aussi Internet : sur carrefour.fr, par exemple, à la fin des courses, un bouton « Panier plus » propose des alternatives plus durables aux produits achetés.
Quelle est la place du bio aujourd’hui ?
B. S. – Le bio traverse incontestablement une période de creux, mais certains signaux indiquent qu’il n’est pas moribond, comme la consommation de produits bio pour enfants, qui reste à un niveau très élevé. Le consommateur, même s’il est plus vigilant sur les prix, ne fait aucune concession pour ses enfants. Le bio est donc en train de repartir, et Carrefour soutient les producteurs bio dont il est partenaire depuis de longues années pour qu’ils passent cette période creuse. Nos messages sur le bio les rassurent, mais il ne suffit pas de dire, il faut aussi montrer. Les producteurs ne se sentent pleinement sécurisés que lorsqu’ils voient leurs produits bien exposés en magasin et qu’ils voient les commandes croître. C’est tout l’enjeu du programme Act For Food 2* que Carrefour vient de relancer.
* Act for Food 2 vise à transformer les habitudes de consommation en encourageant des choix alimentaires plus éthiques et responsables, tout en rendant ces choix accessibles au plus grand nombre. C'est une évolution du premier programme "Act for Food", avec des engagements renforcés et des objectifs plus ambitieux pour les années à venir.
Bio de Bertrand Swiderski
Bertrand Swiderski est directeur RSE du groupe Carrefour depuis 2013, avec pour mission de professionnaliser la RSE et de mettre en œuvre "la transition alimentaire pour tous", l'un des quatre axes de la stratégie du Groupe. De formation ingénieur en environnement, il commence sa carrière dans le conseil RSE et réalise des missions sur de la performance environnementale des distributeurs. En 2021, il est nommé Co-Chair de la Forest Positive Coalition du Consumer Goods Forum, pour piloter le plan de lutte contre la déforestation.